Accord gouvernemental : retour d’un régime de faveur pour les droits d’auteur dans le secteur informatique ?

Certaines mesures mentionnées dans l'accord de gouvernement reçoivent moins d'attention dans la presse ces derniers jours, mais n'en sont pas moins importantes pour certains secteurs de notre pays. Ainsi, on peut lire à la page 44 de l'accord de gouvernement : "Le régime fiscal des droits d’auteur sera élargi afin de mettre fin à la discrimination existante entre les professions numériques (qui ne peuvent actuellement pas bénéficier de ce régime selon l’administration fiscale) et les autres professions.Les œuvres protégées en vertu du Livre XI, Titre 6, du Code de droit économique seront éligibles au régime fiscal des droits d’auteur."

Ces dernières années, une vive controverse a éclaté quant à la manière dont les droits d'auteur doivent être traités fiscalement dans le secteur informatique. Pour les professionnels de l'informatique et les entreprises qui développent des créations, le traitement fiscal des droits d'auteur est en effet d'une importance capitale. Comme vous le savez, les revenus provenant d'œuvres protégées par des droits d'auteur sont soumis à un taux réduit de 15 % (majoré des taxes communales).

La législation relative à la fiscalité des droits d'auteur a été profondément modifiée avec l'entrée en vigueur de la loi de programmation du 26 décembre 2022 au 1er janvier 2023. Après cette loi, il était incertain si le secteur informatique pourrait encore bénéficier de ce régime fiscal. Le parti gouvernemental MR était un fervent partisan de la participation du secteur informatique au champ d'application du régime fiscal. Le texte législatif laissait initialement place à la discussion sur l'absence de discrimination à l'égard du secteur informatique. Finalement, le ministre des Finances a fermé la porte et la commission des rulings a ensuite déclaré qu'aucun ruling positif ne serait plus délivré pour le secteur informatique.

Le secteur informatique ne s'est toutefois pas arrêté là et a engagé des procédures devant la Cour constitutionnelle. Le secteur attendait donc avec impatience l'arrêt de la Cour constitutionnelle sur les demandes de nullité de la réforme du régime fiscal de faveur en matière de droits d'auteur, spécifiquement en ce qui concerne l'exclusion possible des programmes informatiques. Les demandes ont été introduites, car le secteur estimait qu'il était injustement exclu du champ d'application du nouveau régime fiscal. Le 16 mai 2024, la Cour a rendu son arrêt (arrêt n° 52/2024), et le résultat a été particulièrement décevant pour le secteur. La Cour a non seulement confirmé que la réforme excluait effectivement les programmes informatiques, mais a également estimé que cette exclusion était « raisonnablement justifiée ». Dans cet arrêt, la Cour se fonde sur l'intention initiale du législateur, qui souhaitait limiter le régime de faveur aux revenus obtenus de manière « irrégulière » et « aléatoire » dans le cadre d'activités artistiques.

Le fait que le nouvel accord de gouvernement mentionne explicitement que le secteur informatique peut bénéficier du régime fiscal est à saluer. Concrètement, cette mesure signifie que les entreprises informatiques qui développent des logiciels ou d'autres créations technologiques protégés par des droits d'auteur peuvent à nouveau compter sur un régime fiscal avantageux. Les revenus qu'elles génèrent de l'exploitation de ces droits peuvent, sous certaines conditions strictes, être traités fiscalement de manière avantageuse, ce qui peut conduire à une baisse de la pression fiscale et à une plus grande marge de manœuvre financière pour de nouveaux investissements et la croissance. L'impact de cette mesure se fera sentir dans le secteur informatique belge. Grâce à la clarification future des règles fiscales, les entreprises pourront mieux se concentrer sur l'innovation et la croissance. Cela leur offre une base solide pour l'avenir, contribuant à un climat entrepreneurial sain.

La nouvelle mesure répond à de nombreuses questions, mais en soulève aussi beaucoup.

  • En effet, le secteur n'a pas réagi de manière totalement positive à cette mesure, la presse ayant déjà mentionné que « tout ce va-et-vient rend l'entrepreneuriat si difficile dans notre pays ». La sécurité juridique que le nouveau gouvernement souhaite instaurer dans le secteur informatique peut également avoir un effet pervers. Car qu'en sera-t-il d'un prochain gouvernement ? Celui-ci exclura-t-il à nouveau le secteur informatique du champ d'application ? Cet effet pervers conduirait alors à une insécurité juridique accrue…
  • Selon une étude de l'entreprise Hudson, la plupart des entreprises du secteur informatique ont cessé les paiements avec des droits d'auteur (1). Elles les ont compensés par un salaire brut ou d'autres avantages, tels qu'une voiture de société ou un budget mobilité, mais cela a entraîné une baisse moyenne de 9 % des salaires dans le secteur informatique. Les entrepreneurs qui ont compensé leurs employés avec un salaire brut plus élevé ne peuvent plus simplement remplacer unilatéralement les droits d'auteur. La modification de la vision du gouvernement entraînera-t-elle une réintroduction ?
  • Comment l'administration fiscale envisagera-t-elle cette nouvelle mesure ? La nouvelle loi sera-t-elle une loi interprétative, c'est-à-dire simplement destinée à clarifier les choses ? Ou sera-t-ce au contraire une loi qui stipule que le législateur réintègre certes le secteur informatique, mais qu'un raisonnement a contrario confirme que cela n'était pas possible auparavant (depuis la nouvelle législation de 2022) ? Il est à prévoir que l'administration fiscale surveillera à nouveau de près la mise en œuvre du régime fiscal chez les contribuables. Toutefois, cela pourrait à nouveau conduire à une insécurité juridique accrue dans le secteur informatique.
  • Cette mention dans l'accord de gouvernement est-elle le point de départ d'une nouvelle modification en profondeur du régime fiscal des droits d'auteur ? Ainsi, la dernière « supernote » prévoyait une augmentation du taux réduit de la précompte mobilier de 15 % à 20 %.
  • Enfin, nous nous demandons comment l'application dans le secteur informatique peut être conciliée avec le cadre général restrictif dans lequel les droits d'auteur sont encore autorisés aujourd'hui. Il nous semble qu'un champ d'application plus souple et plus général pour le secteur informatique n'est pas souhaitable non plus.

En général, la nouvelle mesure est à saluer. Le nouveau gouvernement choisit résolument de réintégrer le secteur informatique dans le champ d'application du régime fiscal des droits d'auteur.

Nous suivons bien sûr cela pour vous. Si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas à nous contacter.


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(1) https://www.hudsonsolutions.com/be-nl/blog/hudson-reward-survey-tech-2024



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