L' Administration générale de la Fiscalité – Contentieux a publié ce 02/03/2023 la Circulaire 2023/C/23 relative aux dispositions modificatives de la loi du 20.11.2022 en matière de contentieux administratif.
Table des matières
III. Pouvoirs du fonctionnaire instructeur
1. La présente circulaire commente les modifications apportées à certaines dispositions du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 92) par les articles 98 à 102 de la loi du 20.11.2022 portant des dispositions fiscales et financières diverses (MB 30.11.2022, pp. 88145 et suiv.).
2. La loi précitée a remplacé le délai de six mois précédemment inscrit aux articles 371 et 373, CIR 92 par un délai d’un an. Elle a également supprimé l’exigence d’un grade supérieur à celui d’attaché pour la mise en œuvre par le fonctionnaire instructeur des moyens de preuve et des pouvoirs d’investigation de l'administration.
3. Le Législateur a également instauré la possibilité pour l’administration de requérir du juge compétent la condamnation des contribuables ou des tiers au paiement d’astreintes lorsque ceux-ci font obstacle à l’exercice des pouvoirs d’investigation de l’administration fiscale (article 90, rétablissant l’article 381, CIR 92 dans une nouvelle rédaction et article 91, insérant un article 92ter dans le Code de la taxe sur la valeur ajoutée. Ces dispositions feront l’objet d’une circulaire distincte.
4. Les modifications apportées par la loi du 20.11.2022 (ci-après : la loi) sont les suivantes :
« Art. 98. Dans l'article 371, alinéa 1er, du même code, remplacé par la loi du 15 mars 1999 et modifié en dernier lieu par la loi du 25 avril 2014, les mots "dans un délai de six mois" sont remplacés par les mots "dans un délai d'un an". »
Art. 99. Dans l'article 373, alinéa 1er, du même code, remplacé par la loi du 15 mars 1999 et modifié en dernier lieu par la loi du 13 avril 2014, les mots "un délai de six mois" sont remplacés par les mots "un délai d'un an".
Art. 100. Dans l'article 373, alinéa 1er, du même code, modifié en dernier lieu par la loi du 26 janvier 2021, les mots "un délai de six mois" sont remplacés par les mots "un délai d'un an".
Art. 102. (…)
Les articles 98 et 99 entrent en vigueur le 1er janvier 2023.
L'article 100 entre en vigueur le 1er janvier 2025. »
5. A la suite de ces modifications, les articles 371 et 373, CIR 92 sont désormais libellés comme suit :
Art. 371 :
« Les réclamations doivent être motivées et introduites, sous peine de déchéance, dans un délai d'un an à compter du troisième jour ouvrable qui suit la date d’envoi de l’avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation, telle qu’elle figure sur ledit avertissement-extrait de rôle, ou qui suit la date de l’avis de cotisation ou de la perception des impôts perçus autrement que par rôle.
Dans le cas visé à l’article 302, alinéa 2, le délai commence à courir à la date à laquelle l’avertissement-extrait de rôle est mis à disposition du contribuable au moyen d’une procédure utilisant des techniques informatiques. »
Art. 373 :
Lorsqu'un supplément d'imposition est établi pour un exercice d'imposition déterminé en vertu des articles 353 ou 354 et que la cotisation nouvelle fait apparaître, dans le chef du même redevable, l'existence d'une surtaxe corrélative pour un ou plusieurs exercices d'imposition, le redevable, ainsi que son conjoint sur les biens duquel l'imposition est mise en recouvrement ou le codébiteur visé à l'article 2 du Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales, peut, dans un délai d'un an à compter du troisième jour ouvrable qui suit la date d’envoi de l’avertissement extrait de rôle comportant le supplément d’imposition, se pourvoir en réclamation contre cette surtaxe.
Dans le cas visé à l’article 302, alinéa 2, le délai commence à courir à la date à laquelle l’avertissement-extrait de rôle comportant le supplément d’imposition a été mis à disposition du contribuable au moyen d’une procédure utilisant des techniques informatiques.
6. Suivant les travaux parlementaires, l’extension des délais de réclamation se justifiait par la volonté « de compenser l’extension des délais accordés à l’administration » (Doc. Parl. Ch., session 2021 – 2022, Doc. 55 2899/001, Exposé des motifs, p. 81).
Quant à l’article 100 de la loi (cf. point n° 3 ci-dessus), l’exposé des motifs indique que « Cette modification concerne le même article que l’article 99 mais avec une entrée en vigueur décalée afin de conserver cette modification dans la version de l’article qui sera en vigueur le 01.01.2025 » (Ibid.)
7. L’entrée en vigueur des dispositions modificatives a été fixée au 01.01.2023.
Le nouveau délai d’un an s’applique naturellement lorsque le point de départ du délai prévu à l’article 371 ou 373, CIR 92 se situe à la date précitée ou à une date ultérieure.
8. Le délai d’un an prévu par la loi nouvelle s’applique également dans tous les cas où le délai de six mois antérieurement en vigueur n’était pas encore expiré au 01.01.2023.
En effet, le délai prévu par les articles 371 et 373, CIR 92 est un délai préfix, prévu à peine de prescription du droit de former un recours administratif sur le pied de l’article 366, CIR 92 (cf., notamment, Cass., 08.01.1993, Fisconetplus.
En matière de prescription, la loi nouvelle est immédiatement applicable et n’est pas rétroactive. Sauf disposition contraire, elle s’applique dès lors non seulement aux situations qui naissent postérieurement à son entrée en vigueur, mais également aux effets futurs de situations nées sous l’empire de l’ancienne loi qui se produisent ou se poursuivent sous le régime de la loi nouvelle, pour autant que cette application ne porte pas atteinte à des droits déjà irrévocablement fixés (De Page, Traité de droit civil belge, Ed. 2014, Tome VI, La prescription, n° 272, p. 335 ; Cass., 14.02.2022, Juportal ; Van Oevelen, Recente ontwikkelingen inzake de bevrijdende verjaring in het burgerlijk recht, RW, 2000-2001, n° 39, p. 1439).
Cette solution est par ailleurs expressément consacrée par l’article 1.2, al. 2, du nouveau Code civil relatif à l’application de la loi dans le temps : « Sauf disposition contraire, la loi nouvelle est applicable non seulement aux situations nées après son entrée en vigueur, mais aussi aux effets futurs de situations nées sous l'empire de la loi ancienne qui se produisent ou perdurent sous la loi nouvelle, pour autant qu'il ne soit pas ainsi porté atteinte à des droits déjà irrévocablement fixés ».
9. Il est à noter que le cas s’est déjà posé lorsque la loi-programme du 20.07.2006 avait modifié l’article 371, CIR 92, portant le délai de réclamation de trois à six mois. Mais ladite loi avait prévu expressément une disposition transitoire rédigée ainsi : « Lorsque le délai de recours visé à l'article 371 du même Code, tel qu'il existait avant d'être modifié par l'article 7 de la présente loi, n'est pas expiré à la date d'entrée en vigueur de l'article précité, la réclamation peut être introduite dans un délai de six mois à partir de la date d'envoi de l'avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation ou de l'avis de cotisation ou de celle de la perception des impôts perçus autrement que par rôle » (Art. 9, Loi-programme 20.07.2002, MB 28.07.2006). Toutefois, même en l’absence d’une telle disposition expresse, on peut présumer que la volonté du législateur était d’appliquer le même régime pour ce qui concerne l’extension du délai de réclamation à un an.
10. Enfin, il va de soi que le délai ne pourra jamais dépasser un an. En effet, « Dans le cas où la loi nouvelle allonge le délai requis pour prescrire, la prescription doit être continuée jusqu’à ce que le nouveau délai soit achevé, en comptant naturellement le temps couru sous la loi antérieure » P. Roubier, Le droit transitoire, 2e édition, 1960, Dalloz- Sirey, p. 300.
En revanche, lorsque le délai de six mois est expiré au 01.01.2023, la nouvelle disposition ne peut faire renaître un droit de réclamation qui s’est éteint avant son entrée en vigueur
11. Exemples
Ex.1 : Avertissement-extrait de rôle envoyé le 04.01.2023. Le délai de réclamation a commencé à courir le 09.01.2023 et se terminera le 08.01.2024 (Pour le mode de calcul du délai de réclamation : cf. Com.IR. 92, n° 371/31).
Ex.2 : Avertissement-extrait de rôle mis à disposition du contribuable via e-Box et My Minfin le 30.06.2022. Le délai de réclamation a commencé à courir le même jour et expirait le 29.12.2022. Le nouveau délai d’un an ne s’applique pas.
Ex.3 : Avertissement-extrait de rôle envoyé le 28.06.2022. Le délai de réclamation a commencé à courir le 01.07.2022 et se terminait le 02.01.2023 (le 31 décembre étant un samedi et le 1er janvier un jour férié, le délai était prolongé jusqu’au plus prochain jour ouvrable). Le nouveau délai s’applique et se terminera le 30.06.2023.
Ex.4 : Avertissement-extrait de rôle mis à la disposition du contribuable via e-Box et My Minfin le 03.10.2022. Le délai de réclamation a commencé à courir le même jour et se terminera le 03.04.2023 (le 2 avril étant un dimanche). Le nouveau délai s’applique et expirera le 02.10.2023.
11. La modification apportée en cette matière par la loi est la suivante :
« Art. 101. Dans l’article 374, alinéa 1er, du même code, modifié par la loi du 1er mai 2018, les mots “un fonctionnaire de l’administration en charge de l’établissement des impôts sur les revenus, d’un titre supérieur à celui d’attaché,” sont remplacés par les mots “chaque fonctionnaire compétent de l’administration en charge de l’établissement des impôts sur les revenus” »
12. A la suite de cette modification, l’article 374, CIR 92 est désormais libellé comme suit :
Art. 374 :
« Aux fins d'assurer l'instruction de la réclamation ou de la demande de rectification, chaque fonctionnaire compétent de l'administration en charge de l'établissement des impôts sur les revenus dispose des moyens de preuve et des pouvoirs conférés à l'administration par les articles 315 à 319, 322 à 330, 333 à 336, 339 à 343 et 346.
En outre il peut, dans le cadre de cette réclamation, exiger des établissements de crédit soumis à la loi du 25 avril 2014 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit tous renseignements à leur connaissance qui peuvent être utiles.
Si le réclamant en a fait la demande dans sa réclamation, il sera entendu. A cet effet, il sera invité à se présenter dans un délai de trente jours ».
13. L’article 374, CIR 92 a été modifié afin de permettre à des agents de l’administration fiscale d’instruire la réclamation ou la demande de rectification sans qu’il soit nécessaire que ces agents aient un grade supérieur à celui d’attaché.
Aux termes des travaux parlementaires, « Cette modification intervient pour coller à la réalité du terrain car les agents d’un grade supérieur à celui d’attaché ne sont pas forcément en nombre suffisant pour instruire le volume important de demandes auquel est confrontée l’administration fiscale. » (Doc. Parl. Ch., session 2021 – 2022, Doc. 55 2899/001, Exposé des motifs, p. 81).
En ce qu’il s’applique aux impôts dont le service est assuré par la Région flamande et la Région bruxelloise, l’article 374, CIR 92 avait déjà été remplacé par des dispositions analogues (cf. Art. 3.5.4.0.1 du Code flamand de la Fiscalité, Art. 102 du Code bruxellois de procédure fiscale).
14. Aux termes de l’article 102 de la loi, « (…) l’article 374, alinéa 1er du Code des impôts sur les revenus de 1992, tel que modifié par l’article 101 de la présente loi (n’est) applicable qu’à partir de l’exercice d’imposition 2023. »
Toutefois, il est patent que la justification formulée dans l’exposé des motifs précité, vaut également pour l’instruction des réclamations concernant les exercices d’imposition antérieurs à 2023. Par ailleurs, il serait incohérent d’admettre qu’un fonctionnaire délégué nominativement par son Conseiller général conformément à l’article 375 du CIR. 1992, puisse statuer sur un recours administratif sans toutefois pouvoir l’instruire.
Le grief tiré d’une éventuelle violation de cette disposition est également sans intérêt, dès lors qu’il suit des articles 569, alinéa 1er, 32, et 1385undecies du Code judiciaire, ainsi que des articles 366 et suivants CIR 92, spécialement de l’article 375, § 1er, alinéa 2, de ce Code, que ce n’est pas la décision prise par le directeur des contributions ou en son nom qui est susceptible de faire l’objet d’une contestation devant le tribunal de première instance mais l’imposition elle-même, si celle-ci subsiste en tout ou en partie après cette décision (Cass., 31.01.2014, https/juportal).
C’est d’autant plus le cas depuis qu’il a été jugé que l’article 356, CIR 92 s'applique dans tous les cas où le juge est, en matière d'impôt sur les revenus, saisi d'une contestation sur la base de l'article 569, alinéa 1er, 32° du Code judiciaire après qu'a été rendue une décision statuant sur le recours administratif visé aux articles 1385decies et 1385undecies de ce code, et la circonstance que, statuant sur cette contestation, le juge annule la décision administrative est sans effet sur l'application de l'article 356, alinéa 1er, CIR 92 (Cass., 28.02.2019, Fisconetplus).
Réf. interne : 735.994
Source : Fisconetplus