L'Administration générale de la Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée a publié ce 11/12/2024 la Circulaire 2024/C/80 concernant relative au droit à restitution dans le chef des compagnies d’assurance-crédit et des bénéficiaires de ces contrats d’assurance-crédit en cas de perte totale ou partielle de la créance du prix.
La présente circulaire aborde les conséquences de l’arrêt rendu le 9 février 2023 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’affaire C-482/21, Euler Hermes SA Magyarországi Fióktelepe. Cet arrêt porte sur la réduction de la base d’imposition en cas de non-paiement (prévue par l’article 90, paragraphe 1er, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée) à un assureur qui, dans le cadre d’un contrat d’assurance de créances commerciales, a versé à l’assuré, à titre d’indemnisation à la suite du non-paiement d’une créance, une partie du montant de la base d’imposition de l’opération imposable en cause incluant la TVA, alors que, conformément à ce contrat, cette partie de la créance et tous les droits liés ont été cédés à cet assureur.
Table des matières
1. Pratique administrative actuelle
2. Enseignements tirés de l’arrêt Euler Hermes SA Magyarországi Fióktelepe
1. Pratique administrative actuelle
Au préalable, il est rappelé que les différentes cas de réduction de la base d’imposition prévus par l’article 90, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ont été transposés en droit belge par l’article 77 du Code de la TVA.
Ainsi, conformément à l'article 77, § 1er, 7°, du Code de la TVA et à l'article 1er, alinéa 1er, de l'arrêté royal n° 4 du 29 décembre 1969 relatif aux restitutions en matière de taxe sur la valeur ajoutée, en cas de perte totale ou partielle de la créance du prix, la restitution est en principe accordée à la personne qui a payé la taxe à l'Etat.
Toutefois, l'article 1er, 3e alinéa, de l'arrêté royal n° 4 précité prévoit que le Ministre des Finances ou son délégué peuvent, dans les cas qu'ils déterminent et aux conditions qu'ils fixent, déroger à l'alinéa 1er de cet article et donc accorder la restitution à une autre personne.
L'administration a fait usage de cette dernière possibilité dans différentes situations.
La décision n° E.T.112.070 du 15.05.2007 prévoit ainsi que, dans la mesure où les compagnies d'assurance-crédit sont totalement subrogées dans les droits des assurés, c'est-à-dire les assujettis-créanciers, même si ces derniers n'ont été que partiellement indemnisés par lesdites compagnies, et que cette subrogation totale découle de la loi elle-même (v. notamment article 75 de la loi du 25.06.1992 sur le contrat d'assurance terrestre remplacé depuis lors par l’article 139 de la loi du 04.04.2014 relative aux assurances) ou des dispositions contractuelles régissant les rapports entre les compagnies d'assurance-crédit et leurs assurés, ces compagnies peuvent exercer le droit à restitution prévu à l'article 77, § 1er, 7°, du Code, en lieu et place desdits assurés.
Cette restitution est néanmoins subordonnée à l'envoi, par les compagnies concernées, à leur office de contrôle (centre de contrôle), et ce par mois, d'un inventaire reprenant toutes les créances irrécouvrables pour lesquelles la restitution de la TVA est demandée au cours de la période, et comportant, en annexe, une copie de toutes les factures relatives à ces créances ainsi qu'une copie du contrat d'assurance-crédit conclu entre les parties. Ces documents permettront à l'administration d'exclure tout problème de double restitution.
Par ailleurs, la décision n° E.T.112.070/2 du 10.08.2007 précise que dans l’hypothèse où seul le montant hors TVA des créances fait l'objet d'une garantie contre les pertes subies du fait de l'insolvabilité des clients des assurés, les compagnies d'assurance-crédit ne sont subrogées dans les droits des assurés qu'à concurrence de ce montant hors TVA et elles ne sont dès lors pas habilitées à exercer un quelconque droit à restitution de la taxe en lieu et place de ceux-ci.
En résumé, selon la pratique administrative actuelle, si le contrat d’assurance-crédit ne porte que sur le montant hors TVA des créances, le droit à restitution de la TVA comprise dans ces créances peut être exercé par l’assujetti-créancier qui a contracté le contrat d’assurance-crédit, en cas de perte totale ou partielle de la créance (article 77, § 1er, 7°, du Code de la TVA). En revanche, si le contrat d’assurance-crédit porte sur le montant TVA comprise des créances, le droit à restitution de la TVA comprise dans ces créances passe intégralement à l’assureur-crédit, en cas de perte totale ou partielle de la créance (article 77, § 1er, 7°, du Code de la TVA), compte tenu de la subrogation légale dont il bénéficie et nonobstant le caractère partiel de l’indemnisation.
2. Enseignements tirés de l’arrêt Euler Hermes SA Magyarországi Fióktelepe
Dans cet arrêt, la Cour a dit pour droit que l’article 90, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que le principe de neutralité fiscale doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle la réduction de la base d’imposition en cas de non-paiement, prévue à cette disposition, n’est pas appliquée à un assureur qui, dans le cadre d’un contrat d’assurance de créances commerciales, verse à l’assuré, à titre d’indemnisation à la suite du non-paiement d’une créance, une partie du montant de la base d’imposition de l’opération imposable en cause incluant la taxe sur la valeur ajoutée, alors que, conformément à ce contrat, cette partie de la créance et tous les droits liés ont été cédés à cet assureur.
Dans cette affaire, le raisonnement de la Cour s’articule en deux temps.
D’abord, elle estime que la partie des créances ayant fait l’objet d’une indemnisation par l’assureur a bien été perçue par les assujettis comme contrepartie des opérations imposables en cause, de telle sorte qu’elle ne peut pas être considérée comme faisant l’objet d’un « non-paiement », au sens de l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA. Il s’ensuit que cette partie des créances, même si elle a été reçue au titre d’une indemnisation, ne saurait donner lieu à un quelconque droit à réduction de la base d’imposition à la TVA pour les clients assujettis (v. points 40 et 41 de l’arrêt).
Ensuite, la Cour estime qu’il ne saurait être considéré que, au regard du droit de l’Union en matière de TVA et indépendamment des règles nationales qui peuvent régir les cessions de créance en droit civil, un assureur tel que la requérante au principal puisse être identifié comme étant l’assujetti ayant droit, en ce qui concerne la partie des créances ayant fait l’objet d’une indemnisation et d’une cession, à une réduction de la base d’imposition à la TVA au titre de l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA. En effet, reconnaître cette qualité à un tel assureur reviendrait à méconnaître le principe de neutralité fiscale, puisque la TVA versée à l’administration fiscale ne serait pas exactement proportionnelle au prix qui a été réellement reçu par les clients assujettis ayant effectué les opérations imposables en cause (v. points 42 et 43 de l’arrêt).
3. Conséquences de l’arrêt Euler Hermes SA Magyarországi Fióktelepe sur la pratique administrative actuelle
Deux conséquences découlent de cet arrêt.
D’une part, dans le chef de l’assujetti à la TVA qui a conclu un contrat d’assurance-crédit, il convient de considérer que l’indemnité allouée par l’assureur-crédit à l’assujetti assuré doit être considérée comme une partie de la contrepartie obtenue par l’assujetti assuré pour les opérations imposables qu’il a effectuées. En d’autre termes, l’indemnité versé par l’assureur-crédit doit être considérée comme un paiement effectué par un tiers au sens de l’article 26 du Code de la TVA.
Pour la partie de la créance ainsi indemnisée, il n’y a donc pas de perte de la créance du prix dans le chef de l’assujetti assuré et dès lors aucun droit à restitution au sens de l’article 77, § 1er, 7°, du Code de la TVA ne naît dans son chef.
D’autre part, dans le chef de l’assureur-crédit, cette indemnisation partielle, qui est assimilée à un paiement effectué par un tiers, ne lui confère pas non plus un droit à restitution au sens de l’article 77, § 1er, 7°, du Code de la TVA, que cette indemnisation partielle couvre ou non la TVA et même s’il est légalement subrogé dans les droits de l’assuré.
Pratiquement, dès l’entrée en vigueur de cette circulaire, seul l’assujetti à la TVA qui a contracté un contrat d’assurance-crédit sera encore autorisé à exercer le droit à restitution prévu par l’article 77, § 1er, 7°, du Code de la TVA.
Ce droit à restitution sera toutefois limité dans son ampleur. En effet, compte tenu du principe de neutralité fiscale qui prévoit que la TVA versée à l’administration fiscale doit être exactement proportionnelle au prix qui a été réellement reçu par l’assujetti ayant effectué les opérations imposables en cause, l’assujetti à la TVA qui a conclu un contrat d’assurance-crédit ne pourra plus demander que la restitution de la TVA comprise dans la partie de la créance qui n’a pas été indemnisée par l’assureur-crédit.
Par exemple, si le créancier dispose d’une créance définitivement perdue de 100 euros (hors TVA) + 21 euros (TVA), qu’il est indemnisé par l’assureur crédit à hauteur de 80 euros (l’assureur couvrant les pertes à hauteur de 80 % des créances hors TVA), l’assuré ne peut demander que la restitution de la TVA comprise dans la partie de la créance non indemnisée, soit 41 euros (121 euros – 80 euros), ce qui représente 7,12 euros (41 - (41/1,21)) de TVA à restituer.
En toute hypothèse, l’assureur-crédit qui a indemnisé son assuré et qui est subrogé dans ses droits ne pourra jamais exercer de droit à restitution relativement aux créances couvertes par le contrat d’assurance-crédit, et ce, que le contrat d’assurance-crédit couvre ou non la TVA.
4. Formalités à respecter
Conformément aux dispositions de l’article 79, § 1er, alinéas 1er et 2, du Code et de l’article 4, § 1er, 3°, de l’arrêté royal n° 4, le fournisseur ou le prestataire de services doit établir un document rectificatif indiquant le montant à restituer, inscrire ce document dans un registre tenu à cet effet et adresser à son cocontractant, dans les situations visées à l'article 79 du Code, un double de ce document revêtu de la mention : « T.V.A. à reverser à l'Etat dans la mesure où elle a été initialement déduite ».
Le fournisseur ou le prestataire de services obtient de l’Etat la restitution de la TVA, mentionnée sur la note de crédit délivrée, par la reprise du montant dans la grille 64 de la déclaration relative à la période durant laquelle il a délivré le document rectificatif. Dans la mesure où le cocontractant a déduit la taxe, il doit la reverser à l’Etat en reprenant celle-ci dans la grille 63 de la déclaration relative à la période durant laquelle il a reçu le document rectificatif.
En reprenant les données de l’exemple ci-avant, la base d’imposition de la note de crédit à indiquer en grille 49 de la déclaration serait donc de 33,88 euros (41 euros/1,21) et la TVA récupérable à déclarer en grille 64 de la déclaration de 7,12 euros (41 euros – 33,88 euros).
Précisons encore que l’article 79, § 1er, alinéa 3, du Code prévoit que le fournisseur ou le prestataire de services qui a obtenu la restitution de la taxe à due concurrence en cas de perte totale ou partielle de la créance du prix doit, dans l'hypothèse où le débiteur, revenu à meilleure fortune, verse ultérieurement à son créancier tout ou partie de la somme qui avait été considérée comme irrécouvrable, reverser à l'Etat le montant de la taxe correspondant au montant recouvré, en le comprenant dans le montant des taxes dues se rapportant à la période au cours de laquelle il a reçu ce versement.
5. Remarques finales
La présente circulaire entre en vigueur le 1er janvier 2025.
Elle rapporte les décisions n° E.T.112.070 du 15.05.2007 et n° E.T.112.070/2 du 10.08.2007 ainsi que les 7 premiers alinéas de la décision n° E.T.56.795 du 04.12.1987.
Réf. interne : 141.406