Compte-rendu d'une audience "très" technique sur le référé qui oppose l'OECCBB à l’ITAA
Temps de lecture: 7 min |13 juillet 2024 à 12:21
Jean Pierre Riquet
Juriste & fiscaliste | Président de l'Académie fiscale
Voici le compte rendu de l'audience technique de ce mardi matin en référé dans l’affaire de l’OECCBB contre l’ITAA
L’Ordre des Experts-Comptables et Comptables Brevetés de Belgique (OECCBB) et six de leurs membres personnes physiques ont introduit une action contre l’ITAA, principalement dans le cadre des difficultés intervenues lors de la tenue de l’assemblée générale du jeudi 25 avril 2024.
Après une audience d’introduction il y a quinze jours pour vérifier quel tribunal était compétent, l’audience de plaidoirie était fixée ce mardi 9 juillet afin de permettre un échange préalable de conclusions entre les parties.
L’OECCBB demande que l’assemblée générale de l’ITAA soit annulée (et donc réorganisée) étant donné les difficultés techniques, non contestées par l’ITAA, qui ont engendré une absence de connexion de certains membres entre 14H, moment de l’ouverture de l’assemblée, et 15H33, moment repris par l’huissier pour constater que les connexions à distance permettaient à plus de 70% des membres inscrits d’être connectés. Toujours sur base du rapport de l’huissier, ce chiffre a atteint 82% après 16 heures. L’ITAA en conclut que ce seuil est comparable à celui des années précédentes (81% en 2022 et 84% en 2023) et qu’il n’existe donc aucun préjudice pour les membres d’avoir pu voter ou poser leurs questions.
L’ITAA insiste sur le fait que le premier vote relatif à l’adoption du rapport de la commission de stage a été soumis une nouvelle fois aux votes en fin d’assemblée, vers 17H40, afin de permettre aux membres non présent à 15H30 de voter.
L’OECCBB demande la suspension des mesures d’exécution décidée par cette assemblée, qu’elle considère comme irrégulière, comme le vote relatif aux cotisations ou celui du budget. L’OECCBB demande au juge des référés qu’il soit suspendu à l’enrôlement des cotisations 2024 ou à la mise en œuvre des dépenses liées au déménagement.
L’ITAA répond que cet enrôlement a déjà eu lieu et que la plupart des membres ont payé leur cotisation. Selon l’ITAA c’est d’ailleurs le cas de quatre des six personnes physiques qui ont introduit la requête en référé. Selon l’ITAA, si ces quatre personnes demandent la suspension des cotisations, pourquoi ont-elles payé ?
L’ITAA conteste d’ailleurs l’action diligentée par l’OECCBB et ces six personnes physiques d’un point de vue de la recevabilité. L’OECCBB n’est pas membre de l’ITAA et ne possèderait aucun droit à agir. Les six membres représentent une partie infinitésimale sur les plus de 23.000 membres de l’ITAA (ramené à 11.200 membres inscrits au registre public ayant le droit de vote).
L’OECCBB conteste en démontrant sur base de son objet statutaire que son organisation est notamment créée pour défendre les intérêts collectifs de ses membres dont la plupart sont des membres de l’ITAA. L’OECCB possède donc un intérêt à agir en qualité de syndicat dans la défendre des intérêts de ses affiliés.
En dehors des aspects techniques qui n’ont pas permis aux membres inscrits de participer à l’entièreté de l’assemblée (certains ont écrits qu’ils n’avait jamais pu se connecter durant cette après-midi) l’OECCBB conteste aussi la manière dont les abstentions ont été comptabilisées ainsi que la manière imposée par l’ITAA de poser des questions lors de cette assemblée générale.
L’OECCBB a d’abord défendu qu’il y avait lieu de se référer au CSA, par analogie, pour déterminer la manière dont les votes devaient être comptabilisés pour ensuite admettre que le CSA n’était pas applicable à l’ITAA.
Le premier souci à résoudre par le juge est de déterminer comment le calcul des votes doit être établi ? Sur base des personnes présentes ou représentées, sur base des votes positifs exprimés, sur base d’un dénominateur qui ne reprend que les votes positifs et négatifs (sans les abstentions) ou sur base d’un dénominateur qui reprend tous les votes positifs et négatifs ainsi que les abstentions.
La méthode de calcul pourrait engendrer des différences de résultats, dont le vote sur le budget qui a été très serré. Une contestation des membres sur le budget aurait pour origine les dépenses jugées excessives pour aménager le nouvel immeuble loué et non acheté, ainsi que le fait que le budget soit en déséquilibre.
Le second souci soumis au juge concerne l’exercice du droit de parole en assemblée. L’ITAA se défend en indiquant que la démocratie et la transparence ont été respectés car les membres, dès la convocation, ont eu l’occasion de poser leurs questions par écrit au préalable, ainsi que durant l’assemblée au moyen d’un petit boitier muni d’un mini clavier pour poser les questions. Les membres à distance pouvaient poser les questions via le chat.
L’OECCBB conteste formellement car les questions qu’ils ont transmises à l’ITAA avant l’assemblée n’ont fait l’objet d’aucune réponse, selon eux, lors de l’assemblée générale. Aussi, lorsque deux de leurs membres ont demandé, en se levant devant l’assemblée, à intervenir oralement sur le budget, la parole ne leur a pas été autorisée, renvoyant vers la procédure au moyen du boitier.
L’OECCBB demande également que les comptes annuels de l’ITAA soient présentés sur une forme différente, en analogie avec les comptes annuels d’une grande entreprise et qu’un contrôle plus important, style révisoral, soit exercé sur les comptes. L’OEECBB invoque une opacité des comptes qui ne sont pas détaillés par nature de dépenses.
L’ITAA rétorque que rien de tel n’est prévu dans la loi, que deux commissaires aux comptes sont élus par l’assemblée générale et que leur travaux n’ont été remis en cause par personne. Pour l’ITAA, les membres qui sont des professionnels du chiffre, reçoivent les comptes avec la convocation et ont l’occasion de poser toutes les questions qu’ils veulent tant qu’elle ne concernent pas des personnes pour un motif lié au RGPD.
D’autres points très juridiques et passionnants ont également été développés comme le provisoire, le péril immédiat et irréparable, le délai d’introduction de l’instance, la balance des intérêts en présence, la norme juridique qui est à appliquer retenir pour l’action introduite, l’absence d’action au fond, etc. que nous ne développons pas, car ils n’apportent à ce stade rien au débat pour les membres ITAA.