Ce 18 novembre 2023, le Parlement et le Conseil sont parvenus à un accord provisoire sur une mise à jour des règles de l’UE en matière de criminalité environnementale et des sanctions qui en découlent.
La criminalité environnementale est la quatrième activité criminelle la plus importante au monde et est considérée comme l’une des principales sources de revenus du crime organisé aux côtés de la drogue, des armes et de la traite des êtres humains.
Il s'agit de l'une des activités les plus lucratives de la criminalité organisée dans le monde et elle a des conséquences importantes non seulement sur l'environnement mais également sur la santé humaine. Elle est très lucrative, mais il est difficile de la détecter et d'en poursuivre et d'en punir les auteurs.
Une première directive de l'UE relative à la protection de l'environnement par le droit pénal a été adoptée en 2008. À la suite d'une évaluation réalisée en 2019-2020, la Commission européenne a conclu que l'effet de la directive avait été limité, étant donné que le nombre d'affaires ayant fait l'objet d'une enquête ayant abouti et donnant lieu à une condamnation restait faible. Les sanctions imposées étaient en outre trop faibles pour être dissuasives et la coopération transfrontière n'avait pas été systématique.
Le 15 décembre 2021, la Commission a présenté une proposition visant à renforcer la protection de l’environnement dans l’UE par le droit pénal en décembre 2021.
La nouvelle directive vise à établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions afin de mieux protéger l'environnement, en remplaçant la précédente directive de 2008, qui est devenue obsolète compte tenu de l'évolution de la législation environnementale de l'UE.
Cette directive définit plus précisément la criminalité environnementale et ajoute de nouveaux types d'infractions pénales environnementales. Elle harmonise également le niveau des sanctions applicables aux personnes physiques et, pour la première fois, aux personnes morales dans tous les États membres de l'UE.
Les nouvelles règles fournissent une liste mise à jour des actes liés à l’environnement qui sont considérés comme des infractions pénales au niveau européen et des sanctions connexes, afin d’assurer une application plus efficace de la législation environnementale de l’UE.
La liste comprendra, entre autres infractions, l’importation et l’utilisation du mercure et des gaz à effet de serre fluorés, l’importation d’espèces invasives, l’épuisement illégal des ressources en eau et la pollution causée par les navires. Les négociateurs du Parlement et du Conseil se sont également mis d’accord sur des sanctions plus strictes pour les infractions dites qualifiées, c’est-à-dire à l’origine de la destruction d’un écosystème ou d’un habitat à l’intérieur d’un site protégé ou de dommages à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau. Il s'agirait notamment d'infractions comparables à l'écocide avec des conséquences catastrophiques telles qu’une pollution généralisée ou des incendies de forêt à grande échell
À la suite de l’accord, le rapporteur Antonius Manders (PPE, NL), a déclaré: ʺNous avons négocié avec succès la tolérance zéro à l’égard de la criminalité environnementale qui a d’énormes conséquences sur la santé humaine et l’environnement. Il est essentiel que nous luttions contre ces crimes transfrontaliers au niveau européen avec des sanctions harmonisées, dissuasives et efficaces pour prévenir de nouvelles infractions environnementales. La prévention est essentielle, et c’est pourquoi nous avons souligné la nécessité de développer les ressources, la recherche, la formation et les campagnes de sensibilisation ciblant à la fois le secteur public et le secteur privé. Il n’y a plus de moyens de déroger à la règle, que ce soit grâce à des permis ou des vides juridiques: cette loi est à l’épreuve du temps, ce qui signifie que la liste des infractions sera tenue à jour. Si vous polluez, vous paierez pour vos crimes; les entreprises responsables paieront des amendes et des peines d’emprisonnement sont prévues pour les représentants d’entreprises polluantes.ʺ
Le Conseil et le Parlement européen sont convenus de porter de neuf à dix-huit le nombre d'infractions qui existent actuellement dans le droit pénal de l'UE. Cela élargit et précise le type de comportements interdits car portant atteinte à l'environnement. Parmi les nouvelles infractions figurent le trafic de bois, qui est une cause majeure de déforestation dans certaines régions du monde, le recyclage illégal de composants polluants des navires et les infractions graves à la législation sur les produits chimiques.
Le Conseil et le Parlement européen se sont également mis d'accord sur une clause relative aux "infractions qualifiées". Les infractions visées dans la directive, et commises intentionnellement, sont considérées comme des infractions qualifiées si elles causent la destruction, la dégradation irréversible, étendue et substantielle, ou la dégradation durable, étendue et substantielle d'un écosystème d'une taille considérable ou d'une grande valeur environnementale, ou d'un habitat naturel au sein d'un site protégé, ou de la qualité de l'air, de la qualité du sol ou de la qualité de l'eau.
Pour les personnes physiques qui commettent l'une des infractions visées par la directive, le texte prévoit les sanctions suivantes:
Pour les personnes morales, l'acte législatif prévoit les sanctions suivantes:
Des mesures supplémentaires peuvent également être prises, y compris l'obligation pour l'auteur de l'infraction de restaurer l'environnement ou de compenser les coûts liés au dommage, l'exclusion de l'accès au financement public ou le retrait des permis ou autorisations.
Les personnes, y compris les représentants d’entreprises, qui commettent des infractions environnementales entraînant la mort peuvent être condamnées à une peine d’emprisonnement de dix ans. Les infractions qualifiées seraient passibles de huit ans de prison, tandis que pour d’autres infractions pénales, en fonction de facteurs tels que la durabilité, la gravité ou la réversibilité du dommage, la peine serait de cinq ans d’emprisonnement.
Les contrevenants peuvent également faire face à d’autres sanctions, comme des amendes et l’obligation de restaurer l’environnement endommagé ou d’indemniser les dommages causés. Les mêmes sanctions peuvent être attendues pour les entreprises, en plus du retrait des licences, de l’interdiction d’accès au financement public ou d’une fermeture. Après transposition, les États membres pourront choisir de prélever des amendes correspondant à 3 ou 5 % du chiffre d’affaires annuel mondial, en fonction de la nature de l’infraction, ou de prélever des montants fixes de 24 ou 40 millions d’euros.
Les députés ont également veillé à ce que les personnes signalant des infractions bénéficient d’un soutien, que les magistrats, les procureurs, la police et les autres personnels judiciaires suivent une formation régulière spécialisée et que les États membres organisent des campagnes de sensibilisation pour réduire la criminalité environnementale. Ils peuvent également créer un fonds destiné à soutenir les mesures de prévention et à lutter contre les conséquences des infractions environnementales. Dans le cas d’infractions transfrontières, les autorités nationales seront tenues de coopérer entre elles et avec d’autres organismes, tels qu’Eurojust, Europol ou le Parquet européen. Les États membres seront également tenus d’élaborer des stratégies nationales de lutte contre la criminalité environnementale et de collecter des données statistiques connexes, tandis que la Commission européenne devra régulièrement mettre à jour la liste des infractions pénales.
En outre, les États membres devront veiller à ce qu'une formation soit dispensée aux personnes chargées de détecter les infractions environnementales et de mener des enquêtes et d'engager des poursuites à leur sujet, telles que les juges, les procureurs et les autorités de police.
Les pays de l'UE devront en outre veiller à ce que ces autorités disposent de ressources suffisantes, par exemple en termes de personnel qualifié et de ressources financières pour exercer leurs fonctions au titre de la directive.
La directive contient aussi des dispositions visant à apporter un soutien et une assistance aux personnes qui signalent des infractions environnementales, aux défenseurs de l'environnement et aux personnes touchées par ces infractions.
Le projet de loi approuvé doit être formellement approuvé par la commission des affaires juridiques et le Parlement dans son ensemble, ainsi que par le Conseil, avant qu’il puisse entrer en vigueur.