Beaucoup d’experts-comptables pensent, à juste titre, que l’arrivée de la facture électronique va impacter les honoraires de tenue comptable et baisser drastiquement le chiffre d’affaires des cabinets.
Couplée avec l’Intelligence Artificielle, la facture électronique devrait faire encore plus de « dégâts » sur les honoraires du cabinet.
Les arguments se tiennent quand on sait que les honoraires de tenue comptable représentent encore plus de 50% des honoraires des prestations de comptabilité (tenue/révision/déclarations) eux-mêmes majoritaires dans la constitution du CA du cabinet.
De façon logique, les cabinets vont devoir activer des relais de croissance à commencer par la vente de missions de conseil.
Chacun emprunte alors le même raccourci. « Grâce à la facture électronique, on va enfin développer les missions de conseil… ».
Si sur le fond, cette affirmation est parfaitement entendable voire nécessaire car il n’y aura pas vraiment le choix, dans la pratique le passage d’un monde à l’autre ne semble pas aussi facile qu’il n’y parait. En fait, il ne suffit malheureusement pas de gagner du temps pour changer de métier.
Depuis plus de 20 ans, les gains de productivité n’ont cessé de progresser au sein des cabinets. Malgré tout, la part du Conseil dans les honoraires stagne et se limite à moins de 10% du chiffre d’affaires. Dès que le cabinet le peut, il produit plus pour maintenir son niveau d’honoraires.
Par ailleurs on sait que la capacité contributive des TPE en matière de missions d’accompagnement avoisine les 20% de l’enveloppe des honoraires récurrents. Sur une base de 3.000 €/dossier/an cela représente une espérance de gain par dossier d’environ 600€ ! Le potentiel de conseil ne représente donc pas un eldorado.
Les entreprises consommatrices de conseil restent en fait assez limitées. Ce sont d’un côté les PME et de l’autre des TPE en forte croissance à la tête desquelles nous avons des dirigeants au profil « développeur ». Certaines TPE consomment du conseil mais de façon ponctuelle : acquisition immobilière, événement familial (ex : divorce...), revente d'un fonds de commerce…
Le potentiel n’est donc pas suffisant pour imaginer des relais de croissance sinon le marché du conseil aurait décollé depuis longtemps grâce au principe élémentaire des marchés, celui de l’offre et de la demande. Les cabinets « traditionnels » qui s’engagent sur le marché du conseil sont de très grosse taille : ils misent sur un potentiel de clients significatif en nombre mais faible en pourcentage, pour atteindre une masse critique et engendrer des effets d’échelle. Une structure conseil adossée à 15 bureaux de proximité peut alors espérer tirer son épingle du jeu par l'effet de prescription interne.
Cette réflexion exclut les rares cabinets qui se sont engagés dans une spécialité technique ou sectorielle et qui élargissent leur zone de chalandise pour atteindre une clientèle spécifique. Rappelons que 90% des cabinets sont aujourd’hui « médians » et proposent donc tout type de prestation pour tout type de clientèle.
Partant des constats précédents, les cabinets vont donc revoir leur approche servicielle afin de maintenir leurs honoraires à défaut de les augmenter... tout du moins dans un premier temps.
En deux étapes :
1. Mettre en valeur toutes les commodités qui sont offertes ou qui restent, pour le mieux, facturées au temps passé ;
2. Répondre aux attentes des clients au-delà de leurs besoins.
Au rythme où vont les « automatismes de tenue », on peut déjà se demander pourquoi la Profession ne s’est pas encore fait disrupter. Deux raisons à cela : tout d’abord, la prérogative de l’Ordonnance de 45 qui protège les professionnels du chiffre dans l’exercice d’une Profession réglementée.
Vient ensuite la complexité administrative et fiscale qui effraie et déroute tous les chefs d’entreprise qui n’ont pas les moyens de disposer d’un ou d’une comptable à demeure. Et bien souvent quand c’est le cas, ce dernier (ou cette dernière) se rapproche du cabinet pour connaître les démarches à suivre en cas de besoin.
Le diable se cache dans les détails et ceux de l’administration fiscale sont particulièrement nombreux.
Malheureusement tous ces services réalisés par les cabinets sont très mal valorisés et c’est une réelle problématique depuis ... toujours !
Pour faire simple, et sans trop exagérer, on peut dire que les cabinets facturent ce qui a peu de valeur ou qui risque d’en perdre (tenue comptable) et offrent au client ou valorisent mal l’ensemble des commodités qui lui simplifient son quotidien.
Les raisons de cette situation sont assez nombreuses et historiques.
Tout d’abord, il y a le mode de calcul des lettres de missions. Ces dernières s’appuient sur des métriques pour parfaitement justifier la construction du prix : nombre de factures d’achats et de vente, nombre de banques, nombre et teneur des déclarations (TVA, …), statut juridique.
Au mieux, une ligne ou un coefficient est prévu(e) pour intégrer les commodités qui ont de la valeur. Parfois elles sont facturées aux temps passés au cas le cas. Au pire elles sont offertes.
Comme nous le dira justement Stéphane GAUTHIER, conférencier et ancien directeur général du groupe Best Western, lors de notre Journée d’Echanges du 6 juillet prochain à Paris, il faut « arrêter de penser PRODUIT mais plutôt raisonner PROBLEME ». En gros, quelles facilités apportons-nous à nos clients pour leur simplifier la vie ? Cette réflexion vaut pour tous les métiers.
Il est donc nécessaire de revoir la façon de présenter les lettres de missions en laissant une part plus belle à l’accompagnement et moins aux prestations traditionnelles. C’est un exercice difficile car les clients rechignent à payer des commodités qu’ils ne s’imaginent pas à l’avance. Il va donc falloir faire preuve d’une grande pédagogie pour l’expliquer aux clients dès le départ de la relation.
C’est une réflexion que nous menons actuellement au sein du CEG avec l’aide précieuse d’un spécialiste français du marketing des services. Nous avons commencé par lister toutes les occasions possibles où le collaborateur apporte une aide précieuse au client et nous faisons un travail de formalisation de ces dernières. Nous sommes en train de revenir à des logiques de forfait incluant cet accompagnement avec une mise en valeur qui dépasse largement le cadre du temps estimé. A l’extrême, la comptabilité pourrait être « offerte ».
Ces travaux seront restitués à nos membres à l’occasion de notre rassemblement annuel les 22, 23 et 24 novembre prochains à Nice.
C’est une étape nécessaire et accessible à l’ensemble des cabinets car elle ne change pas radicalement les méthodes de travail mais « package » différemment l’accompagnement rendu aux clients. Par analogie, la Profession comptable n’est pas le seul secteur confronté à cette situation. Dans beaucoup de domaines, ce qui était vendu perd en valeur obligeant les acteurs à facturer ce qu’ils avaient l’habitude d’offrir ! Les firmes pharmaceutiques en sont un parfait exemple.
Vos clients ont des besoins, ceux d’être parfaitement en règle en matière d’obligations fiscales, mais aussi des attentes : celles de disposer d’un accompagnement en matière de pilotage et de gestion.
Jusqu’à maintenant, dans ce domaine, l’offre des cabinets se limitait à des tableaux de bord dont on connaît les limites en termes de rapidité de production, de restitution et de coûts de revient. Leurs intérêts ne sont pas à remettre en cause mais ces « éditions » s’adressent principalement à des entreprises structurées prêtes à consommer et à payer du conseil.
Avec l’arrivée de la Facturation Electronique, l’accompagnement des TPE va être révolutionné. La mise à disposition de plateformes de gestion de type MEG pour gérer les factures de vente et d’achat vont donner les moyens aux cabinets de diffuser un bouquet de services en ligne, et mieux de superviser constamment ce qui se passe dans l’entreprise. Très rapidement, les frontières entre la gestion et la comptabilité vont s’effacer. La comptabilité va devenir gestion tout simplement.
Le rêve des tableaux de bord en temps réel va bien avoir lieu même si ces derniers ne ressembleront pas vraiment à des SIG mais plutôt à des indicateurs de gestion simples et utiles pour les TPE. Couplé à des interfaces d’intelligence artificielle, le cabinet va décupler ses capacités de conseil, passant d’une posture réactive (je réponds à un besoin ou une demande) à une posture proactive (j’anticipe les besoins ou les problèmes de mon client). Des alertes utiles seront remontées aux collaborateurs et aux clients.
Là encore les cabinets vont avoir un « gros travail de formalisation » de l’ensemble de ces services.
Quelques exemples de prestations proposées demain par les cabinets :
a) Mise à disposition d’outils de gestion (prérequis) :
b) Commodités de gestion :
c) Pilotage :
Le cabinet ne doit pas offrir ces services et ainsi multiplier les coûts informatiques au risque de diminuer drastiquement sa marge. La vente et la facturation de ces services doit augmenter significativement les honoraires du cabinet.
C’est un sujet d’actualité. Les cabinets vont être incités à « distribuer » des services informatiques en prenant une marge qui justifie pleinement leur accompagnement. C’est une réelle révolution pour les experts-comptables qui n’ont pas été habitués à ce type d’approches qu’ils peuvent considérer comme de la vente de services.
En conclusion, l’arrivée de la facture électronique va bouleverser l’approche servicielle des cabinets les obligeant à reconsidérer leurs offres de services, leur organisation, leurs façons de vendre et de produire le conseil ainsi que leur relation client.
Aussi, penser qu’il suffit de gagner du temps pour faire du conseil nous semble être un raccourci et une approche un peu simpliste. Il existe quelques étapes intermédiaires pour y parvenir. Elles sont au cœur de la vente et du marketing des services. Elles nécessiteront des ressources en matière de communication et de nouveaux profils.
Ces sujets sont ceux qui animent le CEG depuis sa création en 2021. A commencer par augmenter la perception de valeur de vos missions.