Demande de back-up comptable : entre dématérialisation et déshumanisation

La loi dite « fourre-tout » en matière fiscale, datée du 27 juin 2021 introduit dans l'article 315bis du CIR un alinéa rédigé comme suit : "Sans préjudice du droit du contribuable de demander ou fournir des renseignements verbaux, la communication des livres et documents visés à l'article 315, alinéa 1er, s'applique, pour les personnes physiques et les personnes morales visées à l'alinéa 1er, également à la mise à disposition de ces livres et documents via une plateforme électronique sécurisée du SPF Finances".


L’article 315 du CIR permet, chacun le sait que tout contribuable a l'obligation, "lorsqu'il en est requis par l'Administration, de lui communiquer, sans déplacement, en vue de leur vérification, tous les livres et documents nécessaires à la détermination du montant de ses revenus imposables" (article 315, CIR 1992). Une même obligation s'applique au niveau de la TVA (article 61, § 1, code de la TVA).

On peut s'interroger sur l'utilisation intensive par l'administration fiscale de cette plate-forme "sécurisée" du SPF Finances.

Le risque est de voir certains principes bafoués, dont notamment la violation de l’art. 6 de la
Conv.européenne (droit à un procès équitable) ou encore l’art.8 (secret de la correspondance). La violation du secret professionnel, le non-respect de la législation RGPD, le peu d’égard pour les principes de bonne administration et de sécurité juridique peuvent également être cités.

Ces risques se manifestent moins dans le cadre du transfert du back-up comptable via Myminfin que dans le cadre des visites sur place des contrôleurs qui emportent le disque dur de l’entreprise chez eux pour l’analyser à leur aise.

Dans un disque dur peuvent se trouver des fichiers sensibles, tels que des documents soumis au secret professionnel, mais aussi des courriels, notamment ceux entre le professionnel du chiffre ou l’avocat et son client.

On doit donc se préoccuper de l'usage que certains agents taxateurs risquent de faire de cette disposition fiscale qui pour certains semble leur permettre d' échapper à tout dialogue, de consulter des courriels et de négliger les arguments qui pourraient être opposés par un contribuable.
L'informatisation ne justifie pas de sacrifier les relations humaines et certains principes fondamentaux.

Si l’on ne peut lutter contre ce phénomène inéluctable qu’est la dématérialisation et la digitalisation, d’ailleurs particulièrement marquée dans notre profession, nous devons à tout prix être attentifs à ce qu’elle ne s’accompagne pas d’une déshumanisation.

Notre conseil est de ne jamais oublier, dans le cadre des réclamations, de solliciter le droit d’être entendu. La possibilité de rencontrer physiquement un inspecteur et de lui exposer verbalement et en détail le dossier doit absolument être envisagée par tout professionnel, car c’est souvent à ce moment que l’on peut obtenir un accord favorable.

Source : Linkedin

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