« Il faut toujours préférer la vérité qui dérange à l'illusion qui réconforte"
H.G. FRANKFURT
Depuis le film éponyme d’Henri-Georges Clouzot et bien malgré lui, le Corbeau a été associé au pleutre qui s’adonne à la délation en empuantant la vie de ses victimes.
C’est l’une des sources d’informations qui est utilisée par l’administration fiscale.
À l’extrême, certains contrôles fiscaux deviennent un véritable traumatisme et peuvent pousser jusqu’à l’exil, cela a été le cas du réalisateur suédois Mr Ingmar BERGMAN (*) suite à sa traque par les autorités fiscales de son pays.
Conscient que ses ressources financières avaient évolué avec la vitesse d’une avalanche, cette situation favorable, l’utilisation d’une entité suisse, ainsi que l’obtention d’une subvention publique avaient suscité l’ire de certains envieux.
Au pinacle du sadisme, l’agent escortant le réalisateur vers les toilettes, avant l’interrogatoire, lui imposa de s’exécuter porte ouverte. Probablement apeuré par le fait que les détails fiscaux puissent terminer dans cet endroit peu engageant.
Les situations de crises constituent un terreau fertile pour les actes méprisables, dont la dénonciation à but destructeur.
On ne vise pas ici, les signalements imposés aux professionnels par la législation en vue de combattre, entre-autre, le blanchiment d’argent ainsi que le financement des activités illégales.
La Belgique collecte ces informations via le call-center de l’administration fiscale, par téléphone, courrier ainsi qu’emails.
Depuis 2015, il existe aussi un site “Point de contact pour une concurrence loyale” destiné à recueillir, sans pouvoir le faire de manière anonyme, les “signalements” liés à la fraude sociale (et indirectement les autres….).
En plus d’être marginale face au nombre de contribuables, en 2020, seulement 12 des dénonciations fiscales sur 2995 (0,004 %) ont été jugées réellement productives par l’administration.
Les 5 dernières années ont connu quelques fluctuations dans le nombre de dénonciations ;
Qui pourrait prétendre qu’un lien existe avec la crise COVID et cette hausse de 50 % des dénonciations entre 2019 et 2020 ?
À la suite de ce grand traumatisme fiscal, Ingmar BERGMAN déclara qu’il se reconnaissait un grand tort, celui d’avoir signé des papiers qu’il ne lisait pas, car on l’assurait que tout était légal et suivait rigoureusement les règles.
Restez donc maître de vos actes (fiscaux) et soyez conscients des risques qu’ils comportent. Rien ne vous empêche de prendre un second avis.
En pratique, lorsque vous contestez une imposition, faites bien attention à demander à être entendu et à consulter votre dossier fiscal. Sans en faire explicitement mention, vous perdrez ce droit.
À cet égard, une circulaire administrative du 18 septembre 2020 prévoyait qu’un dossier fiscal doit contenir toutes les pièces en ce compris, le rapport du fonctionnaire, les documents et renseignements ainsi que les actes de dénonciation.
Sur le terrain, les dossiers paraissent toutefois plus clairsemés…
En effet, comment exiger la production de documents quand on ignore leurs existences ?
Peu de mandataires ont conscience qu’ils peuvent être solidairement tenus responsables au payement des dettes fiscales et sociales des entreprises qu’ils dirigent.
Lorsque vous ne partagez pas une décision de fond d’une entreprise dans laquelle vous avez un mandat et/ou une fonction de direction, manifestez votre désaccord sans délai et par écrit. C’est un premier réflexe pour limiter votre responsabilité.
La responsabilité d’un mandataire ne sera jamais plafonnée en ce qui concerne les dettes envers l’État, que ce soit au niveau fiscal tout comme sur le plan social.
Il est important de noter que ce n’est pas seulement la faute lourde qui peut provoquer une responsabilité solidaire de paiement des dettes fiscales/sociales, par un administrateur d’une société négligente, mais aussi celle qui est « simplement » répétée.
À ce propos, plus de détails dans cet article.
Pour ceux qui souhaitent choisir la voie la moins imposée tout en avançant sereinement, ce qui reste conciliable, ces outils sont à considérer ;
L’utilité de consulter ce service autonome de l’administration fiscale est de vérifier dans quelle mesure votre compréhension du traitement fiscal d’une opération rejoint celle des autorités.
Cela se conçoit pour des situations appelées à se produire et donc pas des actes antérieurs.
L’élaboration d’un dossier dit de prefiling à présenter auprès du Service des Décisions Anticipés (SDA ou www.ruling.be) consiste à disposer d’une première opinion informelle sur la demande et d’écarter ou reformuler certains aspects.
Lors de ce premier stade, il est possible de présenter une demande de manière anonyme et non liante (sauf pour les dossiers en Flandre).
Ensuite, pour atteindre le second stade (ruling), il convient de défendre et présenter officiellement les arguments robustes pour obtenir le blanc-seing définitif des autorités fiscales.
La validité d’un ruling est de 5 ans, ce qui permet d’éloigner le plus téméraire des corbeaux.
Le service de conciliation fiscale est un service de l’administration fiscale qui tente, avec succès, de réconcilier le dialogue entre l’administration et les contribuables, et ce, après l’introduction d’une réclamation.
Une assurance protection juridique de type “All-Risk” prévoit la couverture des litiges fiscaux (certaines matières non présentes en fonction de la gradation de la couverture et/ou de la compagnie d’assurances).
Quand vous mettez en regard le taux horaire des professionnels pour défendre un dossier fiscal comparativement au coût de ce type d’assurance, généralement l’évidence se manifeste vite à votre conscience.
Insaissibilité du domicile de l’indépendant
Chaque indépendant devrait considérer de faire devant notaire une déclaration d’insaisissabilité du domicile.
Il existe une règlementation spécifique qui permet aux indépendants de protéger leur habitation contre la saisie qui pourrait être pratiquée par les créanciers.
Ce service entend maintenir le sens premier du mot et accepte d’enregistrer votre plainte via ce lien.
QUE FAUT-IL EN RETENIR ?
On peut s’interroger sur l’ingérence croissante de l’administration face aux contribuables.
En effet, sous certaines conditions et dans des circonstances particulières, l’administration aura accès, même sans votre coopération, à vos soldes bancaires, contrats financiers, polices d’assurances placements, etc.
Par contre, une dénonciation, ne constitue pas à elle seule, une preuve de fraude valable et n’ouvre donc pas la voie immédiate à l’administration pour l’usage de ce délai exceptionnel.
Si la délinquance financière doit être combattue, la vengeance anonyme doit l’être aussi.
Cela dit et c’est heureux, la Belgique ne rémunère pas les dénonciateurs comme peut le faire, par exemple, les États-Unis en rétrocédant un pourcentage des sommes recouvrées.
En effet, la question est de savoir si les délateurs sont réellement plus vertueux que ceux qu’ils espèrent mettre au pilori.
Demandez conseil avant, reste selon nous, la meilleure des options.
Soyez partisans des solutions réfléchies et guidées par vos conseils ainsi que par ceux qui ont expérimenté ce que vous vivez.
Thomas DRAGUET © │thomas@anticiper.tax
ANTICIPER SRL, Expert-comptable Conseil fiscal certifié
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(*) Michel POLNAREFF s’est aussi expatrié vers les États-Unis après avoir été financièrement abusé par son conseil, le laissant seul devant ses impôts en souffrance. Son exil accouchera du titre “Lettre à France”.