Dividendes de source étrangère : comment les conventions préventives nous protègent de la double imposition ?

Lorsqu’un investisseur privé belge perçoit des dividendes d’une entité située en Belgique, ces dividendes sont, en principe, soumis au précompte mobilier libératoire calculé au taux de 30%.

En revanche, lorsque ce même investisseur privé perçoit des dividendes d’une société située à l’étranger, la situation est plus complexe puisqu’une imposition, tant dans le pays de la source du dividende que dans celui de résidence du bénéficiaire, est envisageable.


Ces conventions ont pour vocation, comme leur nom l’indique, de prévenir les situations de double imposition entre deux Etats et ce, en répartissant le pouvoir d’imposition entre ceux-ci.

Concernant les dividendes, les conventions prévoient généralement leur imposition par l’Etat de résidence du bénéficiaire, mais également et de manière limitée (souvent à 15%), par l’Etat dans lequel l’entité distributrice est située.

Partant, ces dividendes étrangers subissent une première retenue à la source dans l’Etat d’où ils proviennent et ensuite, le montant « net frontière », soit après la retenue à la source étrangère, se voit taxer à l’impôt des personnes physiques en Belgique.

L’investisseur belge pourra, dans certains cas, obtenir un crédit d’impôt appelé « Quotité Forfaitaire d’Impôt Etranger », souvent désigné par son acronyme « QFIE ».

La QFIE ne pourra toutefois être obtenue que dans les cas où la Belgique s’est engagée, dans une convention préventive de la double imposition (« CPDI »), à octroyer un crédit d’impôt.

Pareil engagement se retrouve notamment dans la CPDI conclue avec la France ou l’Italie mais s’est également vu reconnaitre en vertu d’une décision du Tribunal de première instance de Liège concernant la CPDI conclue avec l’Allemagne.[1] [1] TPI Liège, 13 octobre 2022, 21e Ch., rôle n° 21/2498/A.

Cette décision est éclairante quant au raisonnement à adopter pour l’admission de l’octroi du crédit d’impôt. En synthèse, les faits sont les suivants : un contribuable belge a perçu des dividendes, notamment, de sources française, italienne et allemande et sollicite l’application de la QFIE sur la base des CPDI applicables.

L’administration réfute l’application de la QFIE à ces dividendes car les conditions du droit interne belge ne seraient pas remplies.

Et la jurisprudence?

Le tribunal en a décidé différemment et raisonne de la manière suivante :

> Pour les dividendes de source française

Le Tribunal consacre l’application de la QFIE aux dividendes de source française et se réfère à la jurisprudence de la Cour de cassation belge, suivant laquelle la Belgique a l’obligation d’octroyer une réduction d’impôt, sous la forme d’une QFIE, équivalente à 15% du montant net des dividendes perçus et ce, en vertu de la CPDI conclue avec la France.

En ce sens, l’article 19 de la convention belgo-française renseigne que concernant les dividendes qui ont supporté en France une retenue à la source, l’impôt dû en Belgique sur leur montant net de retenue française sera diminué de la quotité forfaitaire d’impôt étranger déductible, dans les conditions fixées par la législation belge, sans que cette quotité ne puisse être inférieure à 15 %.

> Pour les dividendes de source italienne

Ensuite, le Tribunal examine la question de l’imputation de la QFIE aux dividendes de source italienne et ce, en s’adonnant à une analyse comparative de la CPDI belgo-française, d’une part et la CPDI belgo-italienne, d’autre part.

A cet égard, l’article 23 de la convention conclue avec l’Italie indique que la quotité forfaitaire d’impôt étranger est imputée sur l’impôt belge afférent aux dividendes et que le taux de cette QFIE ne peut être inférieur à celui de l’impôt retenu en Italie.

Il apparait que cette disposition est libellée de manière similaire à celle contenue dans la CPDI conclue avec la France, ce qui emporte que le bénéfice de la QFIE aux dividendes de source italienne doit être accordé en suivant mutatis mutandis ce même raisonnement.​

> Pour les dividendes de source allemande

Enfin, le Tribunal s’adonne à la même analyse comparative entre la CPDI avec la France et la CPDI avec l’Allemagne mais parvient à une conclusion plus éclairante et inattendue.

L’article 23 de la convention conclue avec l’Allemagne renseigne que la quotité forfaitaire d’impôt étranger est imputée dans les conditions prévues par le droit belge sur l’impôt des personnes physiques afférent auxdits dividendes.

Par contraste, il résulte que la disposition pertinente de la CPDI conclue avec l’Allemagne n’est pas libellée de manière semblable à celle contenue dans la CPDI conclue avec la France.

Il apparait que la disposition fait uniquement référence aux conditions prévues par la législation belge, or le droit belge ne prévoit plus cette imputation, sans qu’un droit à la QFIE ne soit consacré de manière aussi inconditionnelle que dans la CPDI conclue avec la France.

Le Tribunal indique que, bien que les deux conventions ne soient pas rédigées de la même façon quant au droit à l’imputation de la QFIE, cette disposition doit, au regard du contexte et de son objectif affirmé, être lue comme garantissant une imputation conventionnelle autonome sans qu’il faille vérifier que le droit à l’imputation de la QFIE soit conforme au droit interne belge.

Les conventions priment

En vertu de la primauté du droit international sur le droit interne, le législateur national belge n’a pas le pouvoir de modifier de manière unilatérale le contenu de la convention préventive.

Cette décision favorable pour le contribuable nécessite néanmoins d’être vigilent car la probabilité de la voir remise en cause, plus particulièrement concernant les dividendes de source allemande, est réelle.

En revanche, concernant les dividendes versés par des sociétés françaises ou italiennes, les investisseurs belges ont la possibilité de solliciter, dans leur déclaration fiscale, l’imputation de la QFIE.

Ajoutons encore que lorsque la nouvelle CPDI conclue avec la France entrera en vigueur (vraisemblablement pas avant 2026), il ne sera plus possible de revendiquer la QFIE sur les dividendes de source française.​

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