Un architecte perçoit en 2018 des arriérés d’honoraires relatifs aux années 2010 à 2012, au terme d’un litige l’opposant à son ex-associé. L’administration fiscale considère que ces arriérés sont soumis au régime ordinaire de taxation, et non à une imposition distincte. L’architecte conteste cette décision devant le Tribunal de première instance de Liège. L’application du régime ordinaire de taxation aboutit pour lui à une surcharge fiscale, puisque ces arriérés d'’honoraires sont globalisés avec ses autres revenus de 2018 et qu’il est dès lors soumis à un tauxd’imposition plus élevé que s’il avait perçu ces honoraires les années concernées.
L’architecte demande à bénéficier de l’article 171, 5°, b), du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992), qui prévoit un taux d’imposition distinct pour les travailleurs salariés qui déclarent des rémunérations qui n’ont été payées, du fait d’une autorité publique ou de l'existence d’un litige, qu’après la période imposable à laquelle ces sommes se rapportent. 1
1. Ces rémunérations sont imposées au taux moyen relatif à l’ensemble des revenus imposables de la dernière année antérieure pendant laquelle le contribuable a eu 12 mois de revenus professionnels imposables.
Le Tribunal relève que cette disposition ne s’applique toutefois pas aux profits des professions libérales.
Le Tribunal demande à la Cour si cette différence de traitement est compatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination (articles 10, 11 et 172 de la Constitution).
Ces rémunérations sont imposées au taux moyen relatif à l’ensemble des revenus imposables de la dernière année antérieure pendant laquelle le contribuable a eu 12 mois de revenus professionnels imposables.
Selon la Cour, le principe d’égalité en matière fiscale (articles 10, 11 et 172 de la Constitution) n'interdit pas au législateur d’octroyer un avantage fiscal à certains contribuables, à condition que la différence de traitement qui en résulte entre contribuables soit raisonnablement justifiée.
La Cour relève que l’article 171, 5°, b), du CIR 1992 vise à freiner la progressivité de l’impôt lorsque le revenu imposable comprend des revenus non périodiques et que le retard de paiement de ses revenus n’est pas imputable aux contribuables mais à une autorité publique ou à l’existence d’un litige. Au regard de cet objectif, il n’est pas pertinent d’exclure les profits des travailleurs indépendants lorsque le retard de paiement résulte d’un litige et ne leur est pas imputable.
La Cour juge par ailleurs que les autres arguments invoqués par le Conseil des ministres ne. permettent pas de justifier la différence de traitement. Ainsi, selon la Cour, le risque qu’en cas de litige, le créancier et le débiteur s’accordent en vue de réduire la charge fiscale est sans commune mesure avec le risque qui peut exister en l’absence de conflit. Ensuite, le fait que les revenus des travailleurs indépendants puissent varier d’une année à l’autre et qu’ils soient perçus de façon irrégulière, alors que le salaire des travailleurs salariés est déterminé d’avance et est généralement de façon régulière ne justifie pas davantage la différence de traitement En effet, le revenu imposable est constitué aussi d’arriérés de revenus qui peuvent varie d’une année à l’autre, et ce aussi bien pour les salariés que pour les indépendants. Enfin, l'’argument selon lequel le travailleur indépendant peut réclamer un éventuel surcoût fiscal à sondébiteur vaut également pour le travailleur salarié, mais ce dernier bénéficie tout de même d'une imposition distincte.
La Cour juge que l’article 171, 5°, b), du CIR 1992 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu’il ne prévoit pas que les profits sont imposés distinctement au taux moyen relatif à l'ensemble des revenus imposables de la dernière année antérieure pendant laquelle le contribuable a eu 12 mois de revenus professionnels imposables, lorsque le paiement de ces profitsn’a eu lieu, en raison d’un litige, qu’après la période imposable à laquelle ils se rapportent effecitivement.
Ce communiqué de presse, rédigé par la cellule « médias » de la Cour, ne lie pas la Cour constitutionnelle.
Le texte de l’arrêt est disponible sur le site web de la Cour constitutionnelle ainsi qu'en annexe.