Elargissement du champ d’application de la taxe Caïman : nouvelle liste «EEE»

Le gouvernement avait annoncé, avant l’été, son intention de lutter plus efficacement contre les « constructions juridiques » visées par la taxe Caïman. C’est désormais chose faite : l’arrêté royal du 21 novembre 2018 définit une nouvelle liste des personnes morales établies dans l’Espace Economique Européen (EEE) qui sont soumises à la taxe Caïman.


Historique

Les entités dotées de la personnalité juridique non imposées ou imposées à moins de 15% et établies dans l’EEE ne sont des « constructions juridiques » visées par la taxe Caïman que si elles figurent dans une liste exhaustive de formes juridiques déterminées par arrêté royal.

A l’origine, l’arrêté royal du 23 août 2015 désignait uniquement la SPF luxembourgeoise, la Stiftung et l’Anstalt du Liechtenstein.

L’arrêté du 18 décembre 2015 a élargi la liste à certains fonds dédiés d’organismes de placement collectif, à la fondation patrimoniale luxembourgeoise et, dans la mesure où elles recueillent des revenus d’origine belge non taxables en Belgique, aux sociétés hybrides.

Les sociétés hybrides sont des sociétés qui ne sont pas considérées comme fiscalement transparentes en Belgique mais qui le sont dans leur pays d’établissement. Le pays d’établissement impose donc les revenus générés par la société dans le chef des associés. L’exemple le plus classique est celui des sociétés civiles immobilières (SCI) françaises.


Arrêté royal du 21 novembre 2018

L’arrêté royal du 21 novembre dernier élargit encore la liste des entités EEE visées par la taxe Caïman.

Tout d’abord, les entités nommément désignées visées plus haut n’y figurent plus mais restent dans le champ d’application de la taxe Caïman par le biais d’une nouvelle catégorie d’entités faiblement taxées (pas d’impôt ou impôt inférieur à 1% du revenu déterminé selon les règles belges). Plus clairement, pour les entités EEE, le seuil de 1% remplace celui de 15%.

Ensuite, les fonds dédiés d’OPC privés - p. ex. les SICAV-SIF dédiées luxembourgeoises, pour lesquelles une controverse existait jusqu’alors - sont désormais incontestablement visés, ainsi que toutes les sociétés hybrides, que leurs revenus soient ou non d’origine belge.


Les sociétés hybrides sortent toutefois du champ d’application de la taxe Caïman si la part des revenus de la société revenant à l’associé a subi, dans le pays d’établissement de la société, un impôt de minimum 1% dans le chef de l’associé résident belge.

Aussi, le législateur a exclu les sociétés hybrides et entités faiblement taxées dont l’activité principale génère des revenus qui, s’ils étaient recueillis directement par l’associé résident belge, seraient exonérés d’impôt belge en vertu d’une convention préventive de la double imposition. Rappelons que, dans une situation transfrontalière, les revenus immobiliers sont exclusivement taxables dans le pays de situation de l’immeuble.


En conséquence, les SCI ne rentreront pas dans le champ d’application de la taxe Caïman. Dommage, car ce régime aurait pu être favorable. En effet, en l’état actuel de la situation, les associés belges d’une SCI sont taxés une première fois en France sur les revenus immobiliers encaissés par la société et une seconde fois en Belgique sur les revenus distribués par la SCI. Le sort des associés belges de SCI françaises n’est donc pas enviable. Si les SCI avaient été soumises à la taxe Caïman, les associés auraient pu échapper à la taxation des revenus distribués - partant du principe qu’ils ont déjà été taxés par transparence – mais n’auraient en réalité pas été taxés en Belgique, s’agissant de revenus immobiliers exclusivement taxables en France. Cette solution était toutefois trop belle pour être vraie.


Entrée en vigueur

L’arrêté royal, qui devra être confirmé par une loi, s’appliquera rétroactivement aux revenus perçus par une « construction juridique » à partir du 1er janvier 2018.


Texte règlementaire

« Article 1er.Conformément à l'article 2, § 1er, 13°, b, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, sont des constructions juridiques les sociétés, associations, établissements, organismes ou entités, qui possèdent la personnalité juridique, qui sont établis au sein de l'Espace Economique Européen et qui sont repris dans la liste suivante :
1° les organismes de placement dont les droits sont détenus par une personne, ou plusieurs personnes liées entre elles, le cas échéant considérés distinctement par compartiment ;
2° une société qui n'est pas incluse dans le champ d'application de l'article 29, § 2, du Code précité et dont les revenus sont imposés dans le chef des associés ou actionnaires par l'Etat ou la juridiction dans laquelle cette société est établie ;
3° toute société, association, établissement, organisme ou entité quelconque, qui possède la personnalité juridique, qui n'est pas un organisme de placement ou une société visée au 2°, et qui, en vertu des dispositions de la législation de l'Etat ou de la juridiction dans laquelle elle est établie, soit, n'y est pas soumise à un impôt sur les revenus, soit, y est soumise à un impôt sur les revenus qui s'élève à moins de 1 p.c. du revenu imposable de cette construction juridique déterminé conformément aux règles applicables pour établir l'impôt belge sur les revenus correspondants.
L'entité visée à l'alinéa 1er, 2° ou 3°, n'est pas une construction juridique si l'activité principale de cette entité consiste en l'exercice d'une activité qui génère des revenus qui seraient exonérés de l'impôt des revenus belge dans le chef d'un habitant du Royaume ou d'une personne morale assujettie à l'impôt des personnes morales, en vertu d'une convention préventive de la double imposition conclue avec la Belgique, si cet habitant du Royaume ou cette personne morale avait directement produit ou recueilli les revenus produits ou recueillis par cette entité.
La société visée à l'alinéa 1er, 2°, n'est pas une construction juridique si les revenus produits ou recueillis par cette société sont assujettis, dans le chef de l'actionnaire ou associé qui est un habitant du Royaume ou une personne morale assujettie à l'impôt des personnes morales, à un impôt sur les revenus, en vertu des dispositions de la législation de cet Etat ou de la juridiction dans laquelle est établie cette société, et que cet impôt sur les revenus s'élève à au moins 1 p.c. de la part appartenant à cet actionnaire ou associé du revenu imposable de cette société déterminé conformément aux règles applicables pour établir l'impôt belge sur les revenus correspondants. »

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