Quelles sont les fonctions d'une banque centrale ? Il s'agit bien sûr d'incarner la crédibilité monétaire puisque la monnaie n'est plus garantie par autre chose qu'un attribut de confiance. Mais il y a d'autres fonctions essentielles : le contrôle de la politique monétaire, l'émission de la monnaie, la surveillance et la régulation du système financier, la gestion des paiements et du système de règlement, etc.
Mais lorsque la banque centrale, telle que la BCE, devient le principal créancier des États, alors c'est autre chose. La banque centrale perd évidemment son indépendance, mais elle devient un instrument de politique budgétaire puisque le niveau des taux d'intérêt qu'elle impose se traduit immédiatement dans les dépenses budgétaires, ce qui influence indirectement la politique fiscale et les dépenses publiques.
La dépendance de la BCE à l'égard de ses États s'est traduite par l'imposition de taux d'intérêt négatifs, dont les États ont grandement bénéficié lors des crises successives. Bien sûr, ces taux d'intérêt négatifs ont été présentés, à juste titre, comme un moyen de stimuler l'économie, mais on peut les voir différemment : en l'absence d'inflation pendant une dizaine d'années, les taux d'intérêt négatifs équivalent à de l'inflation imposée, de manière endogène, aux taux d'intérêt.
Aujourd'hui, l'inflation est de retour, mais la BCE maintiendra le même objectif, à savoir maintenir des taux d'intérêt, certes positifs, mais inférieurs à l'inflation, afin de faciliter le remboursement de la dette publique.
J'ai l'intuition que le taux d'intérêt réel sera de l'ordre de moins deux pourcents.
Il est donc nécessaire d'avoir de l'inflation, contrairement à la doxa de la BCE. Imaginons que le taux de croissance réel et le taux d'inflation de l'économie soient tous deux de 5 % lorsque les taux d'intérêt nominaux sont de 3 % (en supposant que la dette n'augmente que de sa propre charge d'intérêt). Si le ratio de la dette publique par rapport au PIB est actuellement de 100 %, alors après 10 ans, il diminuera à 71 % et après 20 ans, il diminuera à 50 %.
Le calcul est simpliste, mais c'est bel et bien la voie inflationniste qui devra s'imposer dans le contexte de l'augmentation des dépenses publiques liées au vieillissement de la population et aux besoins d'investissements publics liés à la remédiation climatique et à la transition énergétique.