Nous nous sommes construit une image des États-Unis qui relève d’une hallucination. Nous les voyons comme nos lointains cousins, alors que leurs ancêtres furent des aventuriers, mais plus encore ceux que les ordres monarchiques ou impériaux expulsaient. Les États-Unis se sont créés par acquisition, mais aussi et essentiellement par la guerre, contre les Anglais et les Mexicains. Il y eut l’extermination des Indiens. Et puis, il y eut l’esclavage, auquel les pays européens coopérèrent aisément. Ce fut ce fameux commerce triangulaire, centré sur la déportation d’esclaves africains vers les colonies américaines, que nous n’osons pas regarder en face. Entre les XVIᵉ et XIXᵉ siècles, des navires européens chargés de pacotille partaient vers l’Afrique, puis les esclaves étaient transportés dans des conditions effroyables (surpeuplement, maladies) vers les plantations, et les navires revenaient avec des denrées coloniales (sucre, café, coton) issues du travail des esclaves.
Les États-Unis choisirent l’isolationnisme face à l’Europe. La doctrine Monroe, énoncée en 1823 par le président américain James Monroe, constitua un pilier de la politique étrangère des États-Unis au XIXᵉ siècle et au-delà. Elle reposait sur trois principes : le refus de la colonisation européenne, le rejet de toute intervention européenne dans les affaires des nations américaines, et l’abstention des États-Unis d’intervenir dans les affaires européennes. En 1904, le président Roosevelt élargit cette doctrine en justifiant l’interventionnisme américain en Amérique latine pour prévenir l’ingérence européenne.
L’isolationnisme américain explique leur entrée en guerre tardive (en 1917 et en 1941), mais pourquoi l’auraient-ils fait ? Ils ne nous devaient rien. C’est après la Première Guerre mondiale, qui coïncida avec l’émergence du marxisme-léninisme, que les États-Unis devinrent une puissance militaire dominante, au profit de leurs propres intérêts. Leur doctrine devint hégémonique et interventionniste.
Kissinger avait raison de dire qu’être un ennemi des Américains, c’était dangereux, tandis qu’en être l’ami était fatal. Aujourd’hui, nous devons comprendre ce que nous refusons de voir, car le soft power cinématographique nous a anesthésiés.
Les États-Unis se veulent pour eux-mêmes. Et aucun engagement — je dis bien aucun — qui les obligerait ne sera respecté. C’est pour cela que Trump martèle sans cesse — et à tort — que le reste du monde a profité des États-Unis, alors que ce sont les Américains qui ont colonisé la planète en consommant plus qu’ils ne produisaient.
Rien ne sera respecté : le dollar, la dette publique, les engagements politiques et commerciaux. Et pourquoi ? Parce que Trump ajoute une vision nietzschéenne, et sans doute nihiliste, à une réalité que nous ne voulions pas regarder, à hauteur d’homme et, plus important, de l’histoire.