A l’heure des faillites en cascade, des licenciements, des fermetures, un peu de décence tout de même…
L’action politique vise normalement, sauf lorsqu’elle procède de la seule recherche du pouvoir pour le pouvoir, à mettre en œuvre un projet de société. Ecologiste, capitaliste, socialiste, humaniste, peu importe, l’objectif est le même. Remodeler la société selon les valeurs choisies. Selon les anciens Grecs, la politique est une science qui cherche à imaginer le régime idéal.
En ce sens, il est parfaitement normal que dans la défense de son projet, l’homme politique fasse fi des opinions dissidentes voire du contexte social et économique. Qu’au contraire, il soit parfaitement prêt au choc et à la confrontation avec ceux-qui ne partageraient pas son projet. Sa vision de la société voire du bien commun.
Mais l’homme politique « élu » ou « choisi » à la faveur de sombres accords politiques d’arrière-cour ajoute à cette volonté de défendre et d’imposer son projet, une obligation morale, une responsabilité de dépasser les clivages, de s’adresser à tous et pas uniquement à ceux du même bord. Bourgemestre, gouverneur, ministre-président, premier ministre doivent être plus que l’homme ou la femme d’un parti ou d’une idéologie politique.
Surtout, comme toute personne qui se voit confier des responsabilités importantes, il lui appartient plus que tout autre d’agir raisonnablement, en « bon père de famille » et dans l’intérêt de la communauté.
L’avocat en droit du travail est à chaque crise – 2001 l’éclatement de la bulle IT, 2008 crise financière, 2020 Covid – un spectateur privilégié du malheur qui s’abat sur nombre de personnes.
Les faillites, relocalisations et autres fermetures s’enchainent, et nous n’en avons certainement pas vu le bout.
Les licenciements s’égrènent aussi rapidement que les chiffres du chômage augmentent (plus 50.000 en mai).
Partout ou presque, il est question de mesures d’économie, même de mesures de survie.
Réductions des salaires, congés sans soldes, vacances forcées, réaménagement du temps de travail, etc
Pour tous, l’objectif est de sortir au mieux de cette crise. De redémarrer la machine.
Pour tous ?
Non.
Certains ne pensent qu’à changer les noms des rues, abattre les statues, repeindre les routes pour les transformer en pistes cyclables. On entend même évoquer des projets de réaménagement en boulevard urbain ou d’autres dépenses bien dispendieuses. D’autres encore tentent de faire passer des réformes légales ou judiciaires fondamentales, en douce…
Certes, les moments de crises sont souvent propices à activer voire provoquer des changements sociétaires.
Mais alors que la dette publique s’envole à 115% du PIB voire plus (certains attendent une dette à 120%) là où en 2007 elle était tombée après des années d’efforts à 84%, est-ce bien le moment de dépenser de l’argent dans des futilités ?
Est-ce le moment de dépenser des millions d’euros en Lidar, en panneaux de circulation, en peintures, en continuant d’envisager des travaux démesurés de réaménagement d’espaces publiques comme si de rien n’était, comme si nous étions en pleine période de boom économique où l’argent coulerait à flot?
Est-ce le moment de paralyser un peu plus une économie déjà exsangue au nom d’un dogme politique ?
N’est-il tout simplement pas totalement indécent alors que tant de gens souffrent, craignent pour leur futur, pour leurs emplois, se serrent la ceinture, de prendre toutes ces mesures qui non seulement coutent de l’argent mais sont surtout dans le contexte totalement inutiles ? Voire carrément anxiogènes car de nature à monter les belges les uns contre les autres.
Et pire, que toutes ces mesures se prennent dans une action immédiate, sans aucune concertation, sans prendre aucun avis avec l’espoir qu’elles « passent » dans le contexte du COVID.
Il y a un moment pour tout.
Il semble que cette valeur fondamentale échappe à certains de nos hommes / femmes politiques qui peut être feraient mieux de ranger leur projet politique grandiose pour quelques temps et de se préoccuper un peu plus de ce qui importe vraiment aux gens. Maintenant.
Que l’argent publique - qu’il faudra payer à un moment ou un autre - soit utilisé utilement dans le bien de tous pour limiter les conséquences dramatiques et visiblement sous estimées – volontairement ou non – par un certain establishment politique plutôt que pour pousser ses pions en avant de manière bien opportuniste.
Que les citoyens soient unis et non divisés.
Là se trouve l’urgence politique. Pas dans ce populisme rampant qui semble le signe de 2020.
Source : Del-Law