Investissement par voie de remploi : pas n’importe comment, pas n’importe quand

Les plus-values réalisées dans le cadre de l‘activité professionnelle constituent des revenus imposables.

Cependant, afin de diminuer les incidences fiscales de la plus-value, le contribuable peut faire appel au mécanisme du remploi, institué par l’article 47 du C.I.R. ’92, qui prévoit la possibilité d’imposer de manière différée, échelonnée sur la durée des amortissements pratiqués sur les biens acquis en remploi, les plus-values réalisées

  • soit, à l’occasion de l’alinéation de biens qui ont la nature d’immobilisations (affectées bien-sûr à l’activité professionnelle) depuis au moins 5 ans au moment de la réalisation de la plus-value.

Il faut donc que les biens soient aliénés et non, par exemple, apportés en société ; inversement, suivant le Ministre des finances, l’apport d’un immeuble bâti à une société pourrait, sous conditions, être considéré par cette société comme un remploi valable, à l’exclusion de la valeur du terrain.

  • soit, à l’occasion d’un sinistre, d’une expropriation, d’une réquisition en propriété ou d’un autre événement analogue.

Dans ce cas, le délai de 5 ans ne doit pas être respecté.

L’application du mécanisme de remploi est soumise au respect de 4 conditions :​

  1. Quant au montant à remployer : C’est le montant total du prix de l’aliénation (et non pas uniquement du montant de la plus-value), déduction faite de la plus-value exonérée en vertu de l’article 44 du Code (réévaluation), qui doit faire l’objet d’un remploi.
  2. Quant à la nature des biens aliénés : Les biens aliénés doivent avoir, dans le chef du contribuable, la nature d’immobilisations – comme dans l’espèce ici commentée – corporelles (terrains, constructions, installations, machines et outillage, mobilier et matériel roulant, location-financement, etc… mais pas les immeubles appartenant à des sociétés de type « marchands de biens », destinés à la vente et assimilés comptablement à des stocks) ou incorporelles, reprises à l’actif de la société depuis au moins cinq ans.​
    En l’absence d’indication contraire dans le texte légal ou le commentaire administratif, le bien aliéné lui-même ne doit pas forcément être amortissable (la plus-value dégagée lors de l’aliénation d‘un terrain devrait donc être éligible pour le remploi – inversement, le remploi ne peut se faire par le biais de l’acquisition d’un terrain).
  3. Condition relative à la nature et la localisation du bien faisant l’objet du remploi: Suivant le Code, le remploi doit revêtir la forme d’immobilisations incorporelles ou corporelles amortissables, utilisées dans un Etat membre de l’Espace économique européen pour l’exercice de l’activité professionnelle.

    Cependant, en matière de plus-values volontaires, lorsque le remploi porte, notamment, sur un immeuble bâti, le délai du remploi est porté à cinq ans, pour autant que certaines formalités soient accomplies.
    En cas de vente, la plus-value résultant d’une vente est censée être réalisée le jour où le vendeur a acquis une créance certaine et liquide sur l’acheteur.

  4. Quant au délai dans lequel le remploi devra se réaliser : Le remploi doit être réalisé au plus tard dans un délai de trois ans à compter du premier jour de la période imposable au cours de laquelle la plus-value a été réalisée.
    Les biens acquis en remploi ne doivent pas nécessairement l’être été à l’état neuf, ni être de même nature que ceux qui sont aliénés.

Enfin, si, habituellement, le remploi se fait en utilisant les fonds perçus à l’occasion de l’aliénation qui génère la plus-value, le contribuable n’a pas d’obligation d’agir de la sorte.

C’est dans ce cadre légal que, dans le courant de l’année 2024, la Cour d’appel de Gand a été amenée à se prononcer sur deux questions intéressantes : l’éligibilité des meubles accessoires à l’immeuble au régime du remploi et le moment à prendre en considération quand les travaux sont facturés et payés endéans le délai de 5 ans mais sont exécutés en dehors du délai de 5 ans.

La première question concernait donc l’éligibilité des accessoires meubles dans la masse de calcul de la valeur du réinvestissement.

L’article 3 :47 du nouveau Code civil prévoit que « Les accessoires d’un immeuble sont réputés immeubles par destination. ». La Cour a rappelé que les biens meubles acquièrent le statut juridique de « biens accessoires » formant une unité avec le « bien principal », et donc le staut d’immeubles par destination, s’ils sont liés ou attachés de manière permanente au bien principal, ou s’ils servent à son fonctionnement ou exploitations, ou encore à sa garde.

Certes, dans le cas examiné ici, la Cour a rejeté le moyen développé par le contribuable dans ce sens en raison du fait que celui-ci n’avait pas été en mesure de rapporter la preuve (dont il supportait la charge) de ce que les meubles dont la valeur avait été prise en considération revêtaient bien les caractéristiques propres aux immeubles par destination.

Cet arrêt demeure toutefois intéressant puisqu’en rejetant le moyen uniquement pour des raisons probatoires, la Cour confirme implicitement que la valeur des biens meubles susceptibles d’être qualifiés d’immeubles par destination peut être prise en considération pour apprécier si le remploi a été fait régulièrement.

La seconde question traitée par la Cour de Gand se posait en termes de timing.

En effet, la Cour a relevé que si le contribuable avait bien payé les factures de rénovation (la question de savoir si une rénovation pouvait être considéré comme un remploi n’a pas été abordée dans ce litige) endéans le délai de 5 ans, les travaux avaient été exécutés en dehors de ce délai.

La Cour a ainsi considéré que les prédits travaux n‘étaient en tout état de cause pas éligibles au régime de remploi, en raison du fait que le simple paiement de factures de rénovation endéans le délai de 5 ans ne pourrait pas suffire pour que le réinvestissement soit considéré comme valable au regard de l’article 47 du C.I.R. ‘92.

Ainsi, à l’estime de la Cour d’appel, la condition afférente au délai dans lequel le remploi doit avoir lieu ne doit pas être considérée comme remplie lorsqu’un contribuable fait facturer et paye les travaux endéans le délai lui imparti mais qu’il réalise, dans les faits, le remploi après l’expiration du délai de 5 ans.

Aux termes de la Cour, raisonner autrement reviendrait à faire bénéficier au contribuable d’une « période de réinvestissement prolongée ».

Que l’on y souscrive, ou non, il convient donc d’être attentif à cette thèse jurisprudentielle.​

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