Pour la vingt-et-unième année consécutive, la Banque nationale de Belgique publie son Financial Stability Report. La publication se compose de trois sections principales: un rapport relatif aux compétences de la Banque en matière de supervision macroprudentielle, l'Overview, qui présente un aperçu des principaux déterminants de la stabilité du système financier en Belgique et une série d’articles thématiques.
Au travers de ces publications annuelles, l’autorité macroprudentielle belge rend notamment compte, comme demandé par le législateur, de la manière dont elle exerce son mandat en qualité de gardienne de la stabilité du système financier en Belgique. La stabilité du système financier est importante pour permettre aux établissements financiers de remplir adéquatement leur mission d’intermédiation financière en tout temps.
Les rapports abordent non seulement la politique macroprudentielle menée, mais ils consacrent également une grande attention aux évolutions récentes observées dans le secteur belge des banques et des assurances, de même que sur les marchés importants pour la stabilité financière, comme les marchés immobiliers résidentiel et commercial. Les conséquences de la guerre en Ukraine et de la hausse des prix de l’énergie et des matières premières pour les entreprises, les ménages et le secteur financier sont bien sûr également au centre de l’analyse.
Si les expositions directes du secteur financier à des contreparties établies dans la région en conflit ou directement liées à cette région sont très limitées, les effets de second tour se traduisant notamment par des corrections et une hausse de la volatilité sur les marchés financiers, une réduction de la croissance économique et une hausse de l’inflation (énergétique) pourraient avoir une incidence significative sur la stabilité financière. Cela pourrait par exemple se traduire par une détérioration de la qualité des portefeuilles de crédit des banques belges. Même si l’ampleur de cet impact – tout comme l’impact final qui pèsera sur la croissance économique et l’inflation – ne peut être mesuré de manière précise à ce stade, il est attendu qu’il concerne plus fortement certains agents économiques, notamment les entreprises dont l’activité est caractérisée par un recours important à l’énergie ou les ménages dont le bien immobilier présente une faible performance énergétique.
L’augmentation potentielle des difficultés de remboursement et la diminution potentielle de la valeur de certains biens immobiliers pourraient amplifier les vulnérabilités - déjà observées par le passé - sur le marché immobilier belge, sur fond de remontée rapide et marquée des taux d’intérêt. Jusqu’à présent, le marché hypothécaire est resté dynamique et l’on observe toujours des montants records de crédits hypothécaires octroyés aux jeunes emprunteurs. Les marges prévues par les recommandations de la Banque pour octroyer des prêts présentant une quotité élevée n’ayant en outre pas été complètement utilisées, cela signifie qu’une marge de manœuvre suffisante est maintenue pour que le marché hypothécaire reste accessible aux primo-acquéreurs solvables.
Le secteur financier belge n’est pas sorti affaibli de la pandémie de COVID-19 et jouit d’une position de solvabilité solide. Il est donc à même d’absorber des chocs potentiellement importants. Même si l’impact effectif du contexte actuel sur le risque de crédit du secteur financier ne peut pas encore être mesuré de manière précise, le secteur financier doit se tenir prêt, si nécessaire, à enregistrer des provisions de manière conservatrice pour les pertes liées aux effets potentiellement matériels de deuxième tour mais également à offrir de façon proactive et bilatérale des solutions « sur mesure » aux emprunteurs confrontés à des problèmes de liquidité ou de remboursement de prêts existants. De tels comportements ont été observés durant la crise du COVID-19 et ceux-ci devraient être répétés, si cela s’avère nécessaire, même en l’absence d’un cadre harmonisé concernant par exemple les moratoires sur les remboursements de crédits.
Au début de 2022, la politique macroprudentielle s’apprêtait à quitter le mode de crise engagé au début de la pandémie et à retrouver un mode plus classique, caractérisé notamment par la constitution graduelle de coussins de fonds propres. Fin février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a perturbé ce retour à la normale, notamment au vu des effets de second tour potentiellement significatifs qui pourraient avoir un impact sur la stabilité financière.
Les recommandations de la Banque concernant les nouveaux crédits hypothécaires ont continué d’être bien suivies en 2021. Cela a permis de réduire le risque dans les portefeuilles de crédit tout en préservant l’accès au crédit hypothécaire. Par ailleurs, la Banque se tient prête à libérer le coussin de fond propres macroprudentiel constitué spécifiquement pour les risques immobiliers au cas, par exemple, où l’on observerait une augmentation substantielle des difficultés de paiement pour les emprunteurs hypothécaires. Ce coussin devrait alors permettre de financer des solutions à apporter aux clients rencontrant des problèmes de remboursement. Au début de 2022, les conditions à la réactivation d’un autre coussin – le coussin de fonds propres contracyclique – semblaient être réunies. Ce coussin de fonds propres temporaire, constitué dans la phase ascendante du cycle de crédit afin de garantir que les banques disposent d'une marge de manœuvre suffisante pour couvrir les pertes de crédit (potentielles) dans la phase descendante du cycle, avait été libéré au début de la pandémie. La Banque adopte une approche prudente en attendant d’avoir une vue plus claire sur l’impact des évolutions macroéconomiques actuelles tant en ce qui concerne la dynamique de l’octroi de crédit que la qualité du crédit.
Le contexte récent et actuel souligne l’importance de la prise en compte des risques liés à la performance énergétique des bâtiments pour le secteur financier, notamment en ce qui concerne les biens pris en garantie dans le cadre de l’octroi de crédits. Des efforts supplémentaires doivent être fournis par les prêteurs en ce qui concerne notamment la collecte des données PEB.
Au vu de la nette remontée des taux d’intérêt, il est également important que les établissements financiers belges tiennent compte de différents scénarios de taux possibles à l’avenir, notamment, pour les banques, en ce qui concerne le comportement des déposants et, pour les entreprises d’assurance, des rachats éventuels de contrats avant maturité.
Enfin, même si aucun incident majeur n’a été à déplorer au cours des premiers mois de 2022, le secteur financier doit continuer à faire preuve d’une vigilance accrue par rapport à une potentielle cybermenace.
Source : BNB, juin 2022