Qu’il s’agisse de l’usufruit, de l’emphytéose, ou du droit de superficie, le nouveau droit des biens prévoit désormais qu’à l’extinction du contrat le nu-propriétaire ou le tréfoncier est tenu d’indemniser le titulaire du droit démembré, à hauteur de l’enrichissement injustifié pour les ouvrages et plantations qui lui reviennent (pour l’usufruit article 3 :159 du Code civil)
Ce système remplace la théorie complexe des impenses qui était en vigueur à l’époque dans l’ancien droit des biens
La difficulté se situe dans le fait que cette notion n’est pas définie et les travaux préparatoires à l’origine du nouveau droit des biens ne nous aident guère à y voir plus clair.
L’administration fiscale pourrait-elle se saisir de cette nouvelle notion pour taxer plus intensément et de manière plus rapide un avantage dans le chef de ce nu-propriétaire ou de ce tréfoncier à l’issue du contrat ?
En réalité, il nous semble que cette notion pourrait au contraire interprétée de manière plutôt favorable et offre plus de souplesse que la théorie des impenses. La théorie d’enrichissement injustifié peut offrir une autre perspective d’analyse.
En effet la société qui dispose du droit réel a pu constituer des revenus professionnels et exploiter ses activités au sein de ce bâtiment ou mieux encore, percevoir des loyers tout au long de la dite période.
Dès lors, la société qui est titulaire de ce droit réel a obtenu durant cette période un enrichissement qui doit incontestablement être pris en compte au moment de l’extinction du droit. N’oublions pas que durant cette période le nu-propriétaire ne peut tirer aucun revenu l’immeuble.
Nous défendons le principe que, de la même manière qu’il est fait application de la formule d’actualisation des loyers pour déterminer la valeur de l’usufruit, à l’expiration du droit superficie ou du droit d’emphytéose, le tréfoncier ou le nu-propriétaire ne devrait indemniser la société qu’à concurrence de la différence entre d'une part la valeur des bâtiments ou travaux et d'autre part la somme des revenus locatifs ou de l'accroissement du chiffre d'affaires.
Si l’on suit cette logique, il n’y aura peut-être pas d’enrichissement injustifié à expiration du droit réel. En effet il est probable que la société titulaire du droit réel a pu voir ses revenus s’accroître grandement durant la période du droit réel, et ce gain indéniable doit être logiquement pris en considération au moment où le bâtiment revient dans le patrimoine du nu-propriétaire ou du tréfoncier.
Il est donc nécessaire en tous les cas d’établir la balance entre ce qui est perdu et ce qui est gagné par les deux parties pour déterminer la hauteur de « cet enrichissement injustifié »
Reste évidemment à savoir la manière pour le fisc interprétera cette notion, et surtout la manière dont les juges trancheront cette épineuse question.
Affaire à suivre donc ... dans les prochaines années.
Source : Linkledin, février 2022, Pierre-Francois Coppens, Conseil Fiscal ITAA, Président et Fondateur de l'ADFPC