Nous ne ferons qu’effleurer un sujet technique qui touche au droit international privé. Il s’agit de la nationalité de la société.
Déterminer la nationalité d’une société, c’est déterminer le droit des sociétés qui lui est applicable.
Deux systèmes coexistent à ce sujet : la théorie du siège réel et la théorie du siège statutaire.
Selon cette théorie, une société dispose de la nationalité de l’Etat dans lequel elle dispose de son siège réel.
L’examen du siège réel d’une société est une question de fait, propre à chaque société. Le lieu où sont prises les décisions de l’entreprise par l’organe d’administration (souvent les bureaux où cet organe a l’habitude de délibérer) est un critère important.
Si la société déplace son siège réel, elle change de nationalité et est soumise au droit des sociétés du pays dans lequel elle a déplacé son siège.
C’est la théorie retenue jusqu’à présent par la Belgique qui calque, ce faisant, le droit des sociétés sur le droit fiscal : si une société dispose de son siège réel en Belgique, elle sera régie par le droit belge des sociétés et soumise à l’impôt belge des sociétés, calculé sur ses revenus mondiaux.
Si par contre, le siège réel de cette société est établi à l’étranger, il s’agira en Belgique d’une société étrangère, soumise à l’impôt des non-résidents (sociétés), calculé sur les bénéfices de source belge.
En vertu de cette théorie, une société aura la nationalité de l’Etat dans lequel elle a établi son siège statutaire. Ce n’est pas le lieu de présence réelle qui déterminera le droit applicable mais l’endroit où la société est immatriculée. C’est la théorie choisie par certains Etats comme le Royaume-Uni, l’Irlande ou les Pays-Bas.
C’est également la théorie promue par la Cour de justice de l’Union européenne qui s’assure qu’en vertu du principe de la liberté d’établissement, une société, régulièrement constituée dans un Etat membre, ne puisse être empêchée de développer ses activités dans d’autres Etats membres. De cette manière, une société peut être constituée dans l’Etat qui semble le plus approprié aux actionnaires pour le développement de l’activité de celle-ci, quitte à déplacer ensuite le centre de ses activités vers d’autres Etats membre.
Chaque théorie a ses avantages et ses inconvénients.
La théorie du siège réel permet de calquer le droit applicable à une société à sa situation économique et sociale ; elle permet également d’éviter que des sociétés soient constituées dans des Etats où la législation est peu rigoureuse (notamment en ce qui concerne la défense des intérêts des associés ou des tiers) avant d’être transférées en Belgique.
La théorie du siège statutaire offre d’avantage de sécurité juridique puisque la nationalité d’une société (et donc le droit des sociétés qui lui est applicable) dépend uniquement de son immatriculation, sans qu’il soit nécessaire de rechercher où est situé le siège réel de la société.
L’application conjointe de ces deux théories peut conduire à des difficultés diverses :
- des situations de sociétés « apatrides » pour lesquelles on ne parvient pas à déterminer le droit applicable ;
- des situations de sociétés « binationales » pour lesquelles le droit de deux Etats trouve à s’appliquer, ce qui peut créer des situations de conflit de lois.
Le transfert du siège d’une société d’un Etat vers un autre Etat peut également être rendu délicat en cas d’application conjointe de la théorie du siège réel et de la théorie du siège statutaire.
En vue de renforcer la sécurité juridique et de répondre à la réalité économique, le législateur belge a décidé d’opter pour la théorie du siège statutaire.
Ne rêvez pas…
L’application dans le futur de la théorie du siège statutaire n’aura pas d’influence d’un point de vue fiscal.
Les textes fiscaux (principalement le Code des impôts sur les revenus) ont été adaptés pour maintenir l’application du siège réel à l’impôt des sociétés.
Prenons l’exemple suivant.
Une société belge modifie son siège statutaire et le déplace aux Pays-Bas. Elle devient de ce fait une société néerlandaise, soumise au droit des sociétés néerlandais.
Si son siège réel est maintenu en Belgique, elle restera soumise à l’impôt belge des sociétés, calculé sur ses revenus mondiaux.