La saga de l'été 2024, les SCI françaises translucides, la taxe caïman, les constructions juridiques. Pas de revenu cadastral à solliciter!
Temps de lecture: 7 min |23 août 2024 à 09:24
Stephen G. Hürner
Fiscaliste
Comme nous le savons le législateur belge a modifié en décembre 2023 le texte du Code des impôts sur les revenus de 1992 de telle sorte qu'un tsunami de commentaires eût lieu quant à savoir si les SCI françaises dites translucides étaient ou non visées par ces modifications. Presque toutes ces opinions ont fort rapidement conclu qu'elles étaient visées et qu'en conséquence les associés résidents fiscaux belges allaient connaître une vision de l'enfer fiscal, n'ayant rien à envier aux délires taxatoires du nouveau front populaire français.
A lire, en effet, les nombreuses opinions, presque toutes concluent que si ces SCI translucides sont des constructions juridiques il faut demander auprès de l'administration fiscale belge la fixation d'un revenu cadastral belge pour l'immeuble propriété de la SCI.
Des exemples
> "En l'état actuel de la législation, ..., si la SCI est qualifiée de "construction juridique", l'associé belge doit déclarer l'existence de la SCI et ... Il doit en principe déclarer un revenu équivalant au revenu cadastral (RC) belge de l'immeuble français... " (26.03.24 - La Libre.be -Chronique de Mme Nathalie Lannoy, avocate).
> "Actuellement, le revenu cadastral "à la belge" de la maison de vacances logée dans une SCI visée par la taxe Caïman, est uniquement pris en compte pour déterminer le taux d'imposition belge des autres revenus de l'associé soumis au taux progressif" (18.04.24 -La Libre.be - Opinion de Me Grégory Homans). Vu que dans la même opinion il est dit "De nombreux Belges détiennent une maison de vacances (non donnée en location) en France via une société civile immobilière française (SCI). Celle-ci dispose généralement de la personnalité juridique mais pas de la personnalité fiscale" on s'interrogera. Me Homans vise-t-il les SCI transparentes ou les translucides dés lors que ces dernières ont une personnalité fiscale et juridique ?
> " ... La définition des « constructions juridiques » a été élargie, notamment la catégorie des « entités hybrides », de sorte que certaines sociétés civiles immobilières (SCI) françaises (translucides) pourraient être visées depuis le 1er janvier 2024. ... Les conséquences fiscales de la qualification d’une SCI comme « construction juridique » peuvent être fort lourdes. Citons, notamment, ..., une charge administrative lourde (notification au fisc en vue de l’obtention d’un revenu cadastral, ...)" Denis-Emmanuel Philippe Associé Bloom Law -Olivier Willez dans le numéro 25-année 2024 semaine du 15 au 21 juillet 2024-Actualités fiscales-La société civile immobilière française aux prises avec la taxe Caïman.
> "Même si la seconde résidence n'est pas n'est pas louée, un revenu fictif basé sur le revenu cadastral devra être renseigné dans la déclaration IPP" 25.12.2023 Denis-Emmanuel Philippe - Avocat chez Bloom - Cité dans la L'Echo.be "Les Belges qui ont une résidence en France sont visés par la taxe Caïman"- Jean-Paul Bombaerts-25.12.2023
Supposant que la majorité des commentateurs avaient raison, que les SCI translucides étaient, sauf respect d'un test dit des 1%, des constructions juridiques je me suis mis dans la peau d'un, réputé, fondateur d'une SCI translucide / construction juridique en essayant de remplirle formulaire ad hoc de demande d'un revenu cadastralauprès de l'administration fiscale belge.
Dans ce cadre j'ai posé une question à poser à l'administration du cadastre belge et je viens de recevoir leur réponsequi me semble fort intéressante. A la lire, la question de l'applicabilité des modifications apportées au CIR 1992 en décembre 2023 aux SCI translucides se pose plus que jamais dès lors qu'en tout cas il n'y a pas lieu, pour les SCI translucides, de demander un revenu cadastral belge pour l'immeuble propriété de la SCI.
La question "............
J’aimerais savoir, svp, comment un fondateur d’une SCI réputée être une construction juridique peut déclarer le revenu cadastral d’un immeuble propriété de la SCI?
L’article 471, § 1er, 2°, b) CIR 1992 indique qu’il faut déterminer un tel RC lorsqu’ un résident belge est fondateur d’une SCI qui détient un droit réel sur un immeuble en France. Comme l’article 473, § 1er CIR 1992 indique que le fondateur d'une construction juridique visé à l'article 471, § 1er, alinéa 1er, 2°, b, est dénommé dans le présent titre le contribuable et que le même §1er avec le §3 couvre tout immeuble (construit ou acquis) il doit faire établir un RC pour tout immeuble de la SCI-Construction juridique.
Le formulaire à compléter. Comme il est réputé être le contribuable il doit alors, je présume, compléter la case 11.a malgré qu’il ne détienne le droit de propriété visé au point 3 que fiscalement, pas juridiquement.
Le confirmez-vous, svp ? "
La réponse ven. 23/08/2024 08:29
".........
La "construction juridique" dont question à l'article 471 CIR92 est définie à l'article 2 du même code. Il s'agit notamment de "toute société, association, établissement, organisme ou entité quelconque, qui possède la personnalité juridique et qui, en vertu des dispositions de la législation de l’État ou de la juridiction où il est établi, soit, n'y est pas soumis à un impôt sur les revenus, soit, y est soumis à un impôt sur les revenus qui s'élève à moins de 15 p.c. du revenu imposable de cette construction juridique déterminé conformément aux règles applicables pour établir l'impôt belge sur les revenus correspondants".
LA SCI est une société qui a pour but la gestion d’un patrimoine immobilier (construction, acquisition, gestion). Il s’agit donc d’une société de gestion. Elle peut aussi avoir une activité commerciale comme par exemple la construction-vente. Fiscalement, il existe 3 types de SCI: transparente, translucide et opaque.
Par défaut,
• la SCI de gestion est transparente : elle est assujettie à l'impôt sur les revenus mais la société n'est pas fiscalement considérée comme étant le propriétaire des biens qui composent son patrimoine. Ce sont donc les associés qui sont considérés comme étant propriétaires de ces biens. Il doivent déclarer les revenus des biens immobiliers de la société, au prorata de leurs droits sociaux ;
la SCI qui n'a pas seulement un objet de gestion est translucide : elle est également assujettie à l'impôt sur les revenus mais dispose d'une personnalité juridique dissociée de celle des associés. Elle est donc fiscalement propriétaire des biens qui composent son patrimoine ;
les associés peuvent décider d'assujettir la société à l'impôt des sociétés. Dans ce cas, elle est opaque. Elle dispose de sa propre personnalité juridique, totalement indépendante de celle des associés.
En conséquence, seule la société transparente nécessite qu'une déclaration soit déposée par les associés, propriétaires des biens immobiliers sis à l'étranger (cadre 11.a). Dans les deux autres cas, on ne peut pas considérer qu'un habitant du royaume ou une construction juridique dont un habitant du royaume est fondateur est titulaire de droit réel sur un immeuble sis à l'étranger et aucune déclaration n'est dès lors requise.
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