Le traitement comptable et fiscal de scissions partielles

1. Scission partielle et répartition du capital et des réserves.


Une fusion ou une scission classique entraîne le transfert de l'intégralité du patrimoine d'une société ou de plusieurs sociétés à l'occasion d'une dissolution sans liquidation. La scission partielle obéit à un tout autre principe. Considérée par le Code des sociétés comme une "opération assimilée à une fusion ou à une scission", la scission partielle permet de transférer une partie de l'avoir social d'une société vers une ou plusieurs sociétés existantes ou à constituer en rétribuant directement les actionnaires de la société transférante.


La société transférante continue à exister et subit simplement une réduction de son patrimoine correspondant à l'avoir transféré.


Quant aux actionnaires de la société, ils deviennent titulaires, en plus des actions de la société transférante, de nouvelles actions de la société bénéficiaire


2. Conditions à l’exonération fiscale


Pour bénéficier de l’exonération fiscale, la scission partielle devait répondre aux conditions suivantes :


a) Lors de l'opération de scission partielle, les actionnaires de la société transférante seront exclusivement rémunérés par le biais d'une émission d'actions nouvelles, représentatives des droits sociaux de la société bénéficiaire ;

b) La société bénéficiaire de l'apport lors de l'opération de scission partielle de la société transférante est une société résidente belge ;

c) L’opération de scission partielle sera réalisée dans le respect des règles prescrites par le droit des sociétés applicables en Belgique.

d) La scission partielle n'a pas comme objectif principal, ou comme un de ses objectifs principaux, la fraude ou l'évasion fiscale au sens de l'article 183bis CIR, et doit répondre à des motifs économiques valables.


La loi fiscale du 17 mars 2019 adaptant certaines dispositions fiscales fédérales au nouveau Code des sociétés et des associations supprime cette référence implicite au droit des sociétés. Cette exigence fiscale que l’opération soit « réalisée conformément au droit des sociétés », est en effet devenue, depuis l’introduction de la doctrine du siège statutaire en droit des sociétés, de vérification malaisée lorsqu’il s’agit d’un droit des sociétés étranger et sa portée et son utilité ne sont pas évidentes.


3. Régime de la société transférante (la société qui se scinde partiellement)


Une opération de scission partielle, à l'instar des opérations de fusion ou de scission, est en principe une opération taxée. Telle est la raison pour laquelle l'article 210 § 1 du C.I.R. prévoit que les opérations assimilées à une fusion ou une scission sont soumises au régime de la liquidation.


Toutefois, lorsque les conditions d'immunisation requises à l'article 211 §1er du CIR pour les scissions et les fusions sont réunies, l'opération sera « neutre fiscalement ».


Dès lors, il y aura exonération des plus-values latentes sur les éléments transférés de même que sur les plus-values exprimées et les réserves exonérées. Aucun dividende ne sera distribué car le texte ne le prévoit pas. Les fonds propres de la société transférante sont simplement réduits à concurrence de la valeur fiscale nette des éléments transférés.


La société peut décider sur quels composants des fonds propres elle entend imputer cette réduction.


4. Régime de la société bénéficiaire


Les éléments transférés conservent leurs caractéristiques fiscales comme si la scission partielle n'avait pas eu lieu (article 212 du C.I.R.).


La société bénéficiaire hérite, en outre, d'une partie des fonds propres fiscaux de la société partiellement scindée, et ce, proportionnellement à la valeur fiscale nette des actifs transférés.


Les pertes fiscales subissent aussi la limitation prévue par l'article 206, § 2 du C.I.R. (limite en fonction de l’actif net fiscal).


5. Conséquences dans le chef de l'actionnaire de la société transférante


Les actionnaires reçoivent de nouvelles actions de la société bénéficiaire en proportion de sa participation. Les actionnaires se voient donc adjoindre à leurs actions dans la société transférante (qu'ils conservent) des actions nouvelles dans la société bénéficiaire.


Le législateur avait recours à une sorte de fiction selon laquelle l'actionnaire aurait "échangé" ses actions de la société scindée contre de nouvelles actions de la société bénéficiaire. En réalité, l'actionnaire conserve tous les titres de la société scindée mais comptabilise une réduction de valeur sur ces titres. Cette fiction a été prévue pour permettre à la plus-value réalisée à cette occasion de bénéficier du même régime d'exonération que si un échange s'était produit.


La loi du 11 décembre 2008 a modifié l'article 45 du C.I.R. et précise que "dans l'éventualité d'une opération assimilée à une scission", le total de la valeur fiscale nette des actions ou parts de la société scindée et des actions ou parts obtenues est égal à la valeur fiscale nette qu'avaient les actions ou parts de la société scindée immédiatement avant l'opération assimilée à la scission.


La valeur fiscale nette des actions ou parts obtenues en échange est proportionnelle à la valeur réelle de l'apport par rapport à la valeur réelle totale de la société scindée avant l'opération.


L'exonération des plus-values est, bien entendu, soumise aux conditions de l'article 183 bis du CIR (les motifs économiques valables).


6. Exemple


Supposons que la société A visée ci‐dessous est partiellement scindée (sous le régime de la neutralité fiscale). A cette occasion, des actifs pour 8.500 et des dettes pour 2.500 sont transférés à une société B à constituer. A conserve pour 5.500 d’actifs et 1.500 de dettes.


Depuis l’adaptation de la loi fiscale au CSA, le terme « capital libéré « est remplacé par l’expression (issue de l’article 184nouveau du CIR) : « capital dans la mesure où celui-ci est formé par des apports réellement libérés en numéraire ou en nature, autres qu'en industrie ».


Pour simplifier, nous conserverons toutefois le terme capital libéré dans notre exemple.


A (avant scission partielle)
Actifs 14.000 ------------------Capital 3.000
-----------------------------------Réserves immunisées 2.000
-----------------------------------Réserves disponibles 5.000
-----------------------------------Dettes 4.000
14.000------------------------------------14.000


La valeur réelle de A au moment de la scission partielle s’élève à 20.000. La valeur réelle de l’actif net transféré à B s’élève à 11.000 et la valeur réelle de l’actif net conservé par A s’élève à 9.000.


A est supposée avoir une société actionnaire D qui a acquis 80% des actions A pour un montant de 7.500.


Dans le chef de A et B, l’opération est traitée comme suit


Sur la base des éléments susvisés, et sans avoir égard à la composition des fonds propres de A (après scission partielle) et B, les sociétés A et B se présentent comme suit à l’issue de l’opération de scission partielle :


Pour déterminer les éléments des fonds propres, il est tenu compte, par hypothèse, du transfert fiscal des fonds propres fiscal de A (avant scission partielle) aux sociétés bénéficiaires B et A (après scission partielle).


La valeur fiscale nette de A (avant scission partielle) s’élève à 10.000, dont 6.000 sont transférés à B et 4.000 sont conservés par A. Par conséquent, le capital fiscalement libéré de A (3.000), les réserves taxées (5.000) et les réserves exonérées (2.000) sont transférés à B et A (après scission partielle) dans des proportions identiques.


Les fonds propres fiscaux de A (après scission partielle) et de B se composent dès lors comme suit :


A (après scission partielle)----------------------------- B
Capital libéré 1.200 -------------------------------------1.800
Réserves exonérées 800 --------------------------------1.200
Réserves taxées 2.000 ----------------------------------3.000
-------------------4.000 ----------------------------------6.000


Les fonds propres comptables de A (après scission partielle) (4.000) et B (6.000) peuvent dès lors être “alimentés” de façon à réaliser une correspondance parfaite avec leur composition fiscale.


A l’issue de l’opération de scission partielle, A et B se présenteront comme suit :


A (après scission partielle)


Actifs 5.500 --------------------------Capital 1.200
------------------------------------------Rés. Immunisées 800
------------------------------------------Rés. Disponibles 2.000
------------------------------------------Dettes 1.500
5.500 --------------------------------------------5.500


B (bénéficiaire)


Actifs 8.500-------------------------Capital 800
----------------------------------------Rés. Immunisées 1.200
----------------------------------------Rés. Disponibles 3.000
----------------------------------------Dettes 2.500
8.500 --------------------------------8.500


Dans le chef de l’actionnaire D, les écritures à passer sont les suivantes :


D conserve sa participation dans A et reçoit 80 % des actions nouvelles B.


Dans le chef de D, la valeur comptable de la participation détenue dans A (7.500) sera décomposée proportionnellement aux valeurs réelles du patrimoine conservé par A et du patrimoine transféré à B.


La valeur comptable de la participation détenue dans A qui correspond au patrimoine conservé par A s’élève à 3.375 (7.500 x 9.000/20.000) et la valeur comptable de la participation détenue dans A qui correspond au patrimoine transféré à B, s’élève à 4.125 (7.500 x 11.000/20.000).


A l’occasion de la scission partielle, l’écriture à passer dans le chef de D est la suivante :


Participation B 4.125
à Participation A 4.125


Dans le chef de D, la valeur comptable de la participation dans A s’élève, après la scission partielle, à 3.375.


Source : Linkedin

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