Limites des pouvoirs d’investigation du fisc : comment la Cour de Cassation complète sa jurisprudence?

Dans le précédent numéro, nous avions commenté l’arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 2023 qui autorisait le contribuable, faisant l’objet d’une visite fiscale dans des locaux habités, à retirer son consentement pour arrêter la mesure d’investigation de l’administration fiscale.

FiscalitéF.F.F.Visite des locaux : la Cour de cassation donne raison au contribuable


Dans un récent arrêt du 6 octobre 2023, la Cour de cassation a complété sa jurisprudence. En effet, elle s’est à nouveau prononcée sur les limites aux pouvoirs d’investigation du fisc, mais cette fois-ci concernant le droit à l’examen des livres et documents.

La Cour de cassation affirme explicitement que l’administration fiscale dispose de pouvoirs d’investigations étendus, en ce sens qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir le consentement du contribuable préalablement à l’examen des livres et documents se trouvant dans les locaux contrôlés. La Cour précise néanmoins que le contribuable peut interrompre cette mesure s’il s’y oppose.

Autrement dit, les agents du fisc ne doivent pas obtenir l’autorisation du contribuable pour examiner les documents présents dans les locaux qu’ils contrôlent, mais à la moindre opposition, ils ont l’obligation d’arrêter leur mission.

Les faits de l’affaire de ce récent arrêt de la Cour de cassation peuvent être résumés comme suit : en 2015, plusieurs agents de l’inspection spéciale de l’impôt ont mené une enquête en matière de TVA à l’encontre d’une société active dans la vente de produits alimentaires. Le contribuable a donné son autorisation à la visite fiscale. Les fonctionnaires ont fouillé les locaux pour emporter de nombreux documents retrouvés notamment dans des armoires fermées, des poubelles ou encore dans un conteneur à papiers.

Dans ce contexte, le contribuable estimait que la visite fiscale menée était illégale, en ce qu’elle est comparable à une perquisition pénale, dans la mesure où l’administration fiscale avait fouillé de manière active les bureaux en ouvrant notamment des armoires fermées.

Le tribunal de première instance a considéré que la visite fiscale était illégale parce que l’administration fiscale avait outrepassé ses pouvoirs d’investigation. Les juges ont donné raison à la société, notamment sur le fait que le fisc n’était pas autorisé à fouiller les poubelles et les armoires.

La Cour d’appel de Liège a, en revanche, expliqué que, conformément à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 12 octobre 2017, la visite fiscale menée est valide, et ce, sur la seule base que le contribuable n’est pas en mesure de prouver qu’il s’est opposé aux mesures d’investigation du fisc.

L’appréciation de la régularité du contrôle mené par l’administration fiscale dépend donc de l’opposition ou non du contribuable. Si ce dernier ne s’y oppose pas, ce qui sous-entend indirectement sa coopération, il est possible pour le fisc de mener une recherche active se traduisant par la possibilité d’ouvrir, par exemple, des armoires voire encore des coffres-forts fermés.

Comme déjà indiqué, la Cour de cassation a donné tort au contribuable, en ce que même en présence d’une fouille active menée dans les poubelles, des armoires ou plus largement des meubles fermés, le contrôle fiscal est légal si le contribuable ne s’y oppose pas. En l’espèce, la difficulté réside dans la preuve à apporter sur ce point.

Cette jurisprudence de la Cour de cassation souligne l’équilibre délicat entre les droits et devoirs du contribuable. Ce dernier doit collaborer à l’enquête fiscale sauf s’il s’oppose et qu’il prouve son opposition aussi clairement que possible, par exemple en la consignant dans un procès-verbal.

Il est important de préciser que le contribuable doit pouvoir démontrer que son opposition est justifiée, au risque de s’exposer à des amendes administratives.

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