L' Administration générale de la Fiscalité – Impôt des sociétés a publié ce 19/12/2019 la circulaire 2019/C/136. Cette circulaire commente les modifications apportées par les art. 61, 1° et 62 de la loi du 25.12.2017 portant réforme de l’impôt des sociétés à la définition d’établissement belge reprise à l’art. 229, § 2, CIR 92.
I. Introduction
II. Dispositions légales
III. Développement
1. Généralités
2. Etablissement stable « personnel »
2.1. Principe
2.2. Exception – Agent indépendant
3. Etablissement belge « personnel »
3.1. Principe
3.2. Exception – Intermédiaire de commerce autonome
4. Suppression de l’exonération des bénéfices résultant d'opérations traitées à l'intervention d'un collecteur de commandes
1. La présente circulaire commente les modifications apportées par l’art. 61, 1°, L 25.12.2017 (1) à la définition de l’établissement belge reprise à l’art. 229, § 2, CIR 92. Elle commente également la suppression par l’art. 62, L 25.12.2017 (1) de l’exonération des bénéfices prévue à l’art. 231, § 1er, 3°, CIR 92, concernant les opérations traitées à l’intervention d’un collecteur de commandes.
(1) Loi du 25.12.2017 portant réforme de l’impôt des sociétés, MB 29.12.2017 et errata au MB 26.03.2018.
2. La définition de l’établissement stable qui figure à l’art. 5 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE a été élargie à la suite du Rapport de 2015 relatif à l’action 7 du Projet de l’OCDE et du G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices (BEPS) intitulé « Empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable ».
Cette nouvelle définition figure également dans la « Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices » signée par la Belgique, qui vise à insérer les mesures conventionnelles issues du projet BEPS dans le réseau de conventions existantes sans devoir renégocier séparément chacune de ces conventions.
3. La définition de l’établissement belge est adaptée dans la mesure nécessaire pour garantir que le droit interne ne fasse pas obstacle à l’application de ces nouvelles dispositions lorsque celles-ci seront intégrées dans les conventions fiscales conclues par la Belgique (2).
(2) Doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54-2864/001, p. 103-104.
4. Ci-après, l’art. 61, 1° et 62, L 25.12.2017.
Art. 61, 1°
A l’article 229 du même Code, modifié par les lois des 28 juillet 1992, 11 décembre 2008, 22 décembre 2009, 14 avril 2011, 13 décembre 2012 et 9 février 2017, les modifications suivantes sont apportées :
1° le paragraphe 2 est remplacé par ce qui suit :
« Constitue également un établissement belge, l’agent ou autre intermédiaire qui agit en Belgique pour le compte d’une entreprise étrangère alors même que cette personne ne dispose pas de pouvoirs lui permettant de conclure des contrats au nom de cette entreprise.
Par dérogation à l’alinéa 1er, il n’y a pas d’établissement belge si la personne qui agit pour le compte de l’entreprise étrangère exerce en Belgique une activité en tant qu’intermédiaire de commerce autonome et agit pour cette entreprise dans le cadre normal de cette activité. Une personne qui agit exclusivement ou presque exclusivement pour le compte d’une ou plusieurs entreprises auxquelles elle est étroitement liée n’est pas considérée comme un intermédiaire de commerce autonome.
Pour l’application de l’alinéa 2, une personne est considérée comme étroitement liée à une entreprise si, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents, l’une contrôle l’autre ou toutes deux sont sous le contrôle des mêmes personnes ou entreprises. Dans tous les cas, une personne est considérée comme étroitement liée à une entreprise si l’une détient directement ou indirectement plus de 50 p.c. des droits ou participations effectifs dans l’autre, ou, dans le cas d’une société, plus de 50 p.c. du total des droits de vote et de la valeur des actions ou parts de la société ou des droits ou participations effectifs dans les capitaux propres de la société, ou si une autre personne ou entreprise détient directement ou indirectement plus de 50 p.c. des droits ou participations effectifs, ou, dans le cas d’une société, plus de 50 p.c. du total des droits de vote et de la valeur des actions ou parts de la société ou des droits ou participations effectifs dans les capitaux propres de la société, dans la personne et l’entreprise. ».
Art. 62
Dans l'article 231, § 1er, 3°, du même Code, modifié par la loi du 28 juillet 1992, les mots « non visée à l'article 228, § 2, 3°, b, » et les mots « d'opérations traitées à l'intervention d'un représentant qui se borne à y recueillir les ordres de la clientèle et à les lui transmettre sans l'engager, ou » sont abrogés.
5. Conformément au plan d’action « BEPS », les modifications apportées à la définition de l’établissement stable figurant à l’art. 5 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE ont pour but de prévenir les stratégies d’évasion fiscale visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable au moyen :
- d’accords de commissionnaire et de stratégies similaires. Il s’agit notamment d’éviter les situations dans lesquelles des contrats en fait négociés en Belgique, n’y sont pas formellement conclus parce qu’ils sont complétés ou approuvés dans un autre Etat ; ou encore d’éviter les situations dans lesquelles la personne habilitée à conclure des contrats pour le compte d’une entreprise étrangère se présente comme un « agent indépendant » auquel s’applique l’exception prévue jusqu’alors à l’art. 5, § 6, même si elle est étroitement liée à l’entreprise pour le compte de laquelle elle agit ;
- des exceptions à la définition d’établissement stable dont bénéficient certaines activités spécifiques revêtant généralement un caractère préparatoire ou auxiliaire (art. 5, § 4) ;
- du fractionnement artificiel de contrats entre sociétés associées afin de contourner la période au-delà de laquelle un chantier de construction constitue un établissement stable (art. 5, § 3) (3).
(3) Voir en ce sens Doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54-2864/001, p. 104.
6. Les adaptations apportées à la définition de l’établissement stable visant à combattre les situations évoquées dans les deux derniers tirets ci-dessus ne requièrent pas de modification du droit interne. En effet, l’art. 229, CIR 92 ne prévoit pas d’exception pour les activités « préparatoires ou auxiliaires » et l’art. 229, § 2/2, CIR 92, contient déjà une règle permettant de lutter contre la scission abusive de contrats dans le secteur de la construction.
Les adaptations apportées à l’art. 229, § 2, CIR 92 visent donc uniquement à permettre l’application de la définition élargie de l’établissement stable « personnel » du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE (voir n° 3 ci-avant) (4).
(4) Doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54-2864/001, p. 105.
7. Sur le plan de la politique fiscale, lorsque les activités qu’un intermédiaire exerce dans un Etat visent la conclusion régulière de contrats devant être exécutés par une entreprise étrangère, celle-ci devrait être considérée comme ayant une présence imposable dans cet Etat, sauf si l’intermédiaire exerce ces activités dans le cadre d’une entreprise indépendante (5).
(5) « Instructions supplémentaires sur l’attribution de bénéfices aux établissements stables dans le cadre de l’Action 7 du Plan d’actions BEPS », OCDE, mai 2018, p. 12 et Doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54-2864/001, p. 105.
Les modifications apportées à l’art. 5 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE vise ainsi à assurer le respect de ce principe dans le cadre des accords de commissionnaire et stratégies similaires (voir n° 5, premier tiret, ci-avant).
8. L’art. 5, § 5, du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE ne vise plus uniquement les intermédiaires qui concluent habituellement des contrats au nom de l’entreprise étrangère mais également ceux qui jouent habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats qui, de façon routinière, sont conclus sans modification importante par l’entreprise.
Par ailleurs, il ne faut plus nécessairement que les contrats soient conclus au nom de l’entreprise, il suffit que les contrats portent sur des biens appartenant à l’entreprise ou qu’elle a le droit d’utiliser (transfert de propriété, concession du droit d’utiliser) ou sur la prestation de service par cette entreprise.
9. L’exception visée à l’art. 5, § 6, du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE pour les agents indépendants prévoit désormais qu’une personne qui agit exclusivement ou presque exclusivement pour le compte d’une ou plusieurs entreprises auxquelles elle est étroitement liée n’est pas considérée comme un agent indépendant en ce qui concerne chacune de ces entreprises. La notion de personne « étroitement liée » est définie dans un nouveau § 8.
10. L’art. 229, § 2, CIR 92, tel qu’il existait avant sa modification par l’art. 61, 1°, L 25.12.2017, dispose que constitue un établissement belge, un agent (autre qu’un intermédiaire de commerce jouissant d’un statut autonome et agissant dans le cadre normal de son activité) qui exerce son activité en Belgique pour le compte d’un non-résident visé à l’art. 227, CIR 92, alors même qu’il ne dispose pas de pouvoirs lui permettant de conclure au nom de ce non-résident.
11. Cette définition n’est pas substantiellement modifiée par l’art. 61, 1°, L 25.12.2017 dès lors que sa formulation est suffisamment large pour couvrir l’ensemble des activités visées à l’art. 5, § 5, du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE (voir n° 8 ci-dessus).
L’art. 229, § 2, al. 1er, CIR 92, tel que modifié par l’art. 61, 1°, L 25.12.2017, dispose que constitue un établissement belge, un agent ou autre intermédiaire qui agit en Belgique pour le compte d’une entreprise étrangère alors même qu’il ne dispose pas de pouvoirs lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise.
12. L’emploi de l’expression « agent ou autre intermédiaire » clarifie que tous les types d’intermédiaires sont visés, qu’ils agissent au nom de l’entreprise ou en leur nom propre mais pour le compte de l’entreprise.
Par ailleurs, l’expression « entreprise étrangère » est utilisée à la place de l’expression « non-résident visé à l’art. 227 » par souci de cohérence avec les autres dispositions de l’art. 229, CIR 92 (notamment l’art. 229, § 1er, CIR 92, qui contient la définition générale de l’établissement belge) (6).
(6) Doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54-2864/001, p. 106.
13. Les intermédiaires de commerce autonomes peuvent, dans certains cas, constituer une exception à l’application de l’art. 229, § 2, al. 1er, CIR 92. Cet article est complété par deux alinéas destinés à aligner cette exception sur celle prévue à l’art. 5, § 6, du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE (voir n° 9).
14. L’art. 229, § 2, al. 2, CIR 92, stipule :
- d’une part, qu’une personne qui agit pour le compte d’une entreprise étrangère ne constitue pas un établissement belge si cette personne exerce en Belgique une activité en tant qu’intermédiaire de commerce autonome et qu’elle agit pour cette entreprise étrangère dans le cadre normal de cette activité d’intermédiaire autonome ;
- d’autre part, qu’une personne qui agit exclusivement ou presque exclusivement pour le compte d’une ou plusieurs entreprises auxquelles elle est étroitement liée n’est pas considérée comme un intermédiaire de commerce autonome.
15. Il convient toutefois d’attirer l’attention sur le fait qu’une personne qui agit pour le compte d’une ou plusieurs entreprises auxquelles elle n’est pas étroitement liée, ne sera pas automatiquement considérée comme un intermédiaire de commerce autonome. Dans ce cas, l’autonomie de la personne doit s’apprécier sur la base de facteurs tels que l’étendue des obligations qui lui incombent à l’égard de l’ (des) entreprise(s), les risques qu’elle supporte ou la liberté dont elle dispose dans la conduite de ses activités (7).
(7) Doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54-2864/001, p. 107.
16. L’art. 229, § 2, al. 3, CIR 92, définit la notion de personne « étroitement liée » à une entreprise.
17. De manière générale, une personne est considérée comme étroitement liée à une entreprise si, compte tenu de l'ensemble des faits et circonstances pertinents, l'une contrôle l'autre ou toutes deux sont sous le contrôle des mêmes personnes ou entreprises.
On peut citer par exemple les situations dans lesquelles une personne contrôle une entreprise en vertu d’un accord spécial permettant à cette personne d’exercer des droits similaires à ceux qu’elle détiendrait si elle possédait, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits ou participations effectifs dans l’entreprise (8).
(8) Doc. Parl., Chambre, session 2017-2018, DOC 54-2864/001, p. 107.
18. La deuxième phrase de l’art. 229, § 2, al. 3, CIR 92, énumère les situations dans lesquelles, une personne est automatiquement (irréfragable) considérée comme étroitement liée à une entreprise.
Ainsi, ce sera le cas lorsque :
- l'une détient directement ou indirectement plus de 50 % des droits ou participations effectifs dans l'autre, ou, dans le cas d'une société, plus de 50 % du total des droits de vote et de la valeur des actions ou parts de la société ou des droits ou participations effectifs dans les capitaux propres de la société ;
- une autre personne ou entreprise détient directement ou indirectement plus de 50 % des droits ou participations effectifs, ou, dans le cas d'une société, plus de 50 % du total des droits de vote et de la valeur des actions ou parts de la société ou des droits ou participations effectifs dans les capitaux propres de la société, dans la personne et l'entreprise.
19. A la lumière des modifications apportées à l’art. 229, § 2, CIR 92 à la notion d’établissement belge, suite au Rapport de l’OCDE et du G20 relatif à l’action 7 du Projet « BEPS » visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable, l’exonération visée à l’art. 231, § 1er, 3°, CIR 92 est abrogée.
Cette exonération concernait les bénéfices qu'une entreprise établie à l'étranger retirait en Belgique, par l'intermédiaire d'un représentant qui se bornait à y recueillir les ordres de la clientèle et à les lui transmettre sans l’engager (pour plus de détails voir le n° 230/25, Com.IR 92).
20. Les art. 61, 1° et 62, L 25.12.2017, entrent en vigueur le 01.01.2020 et sont applicables à partir de l’ex.d’imp. 2021 se rattachant à une période imposable qui débute au plus tôt le 01.01.2020 (9).
(9) Art. 86.B2., L 25.12.2017, tel que modifié par les art. 6 et 59 de la loi du 11.02.2019 portant des dispositions fiscales, de lutte contre la fraude, financières et diverses (MB 22.03.2019), l’art. 8 de la loi du 13.04.2019 modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 supprimant la pénalité en cas de non-conformité à la condition du montant de rémunération de dirigeant (MB 26.04.2019) et l’art. 22 de la loi du 28.04.2019 portant des dispositions fiscales diverses et modifiant l’article 1er, § 1ter, de la loi du 5 avril 1955 (MB 06.05.2019).
AU NOM DU MINISTRE :
Pour l’Administrateur-général de la Fiscalité,
Danny DELVAUX
Conseiller-général
Source : Fisconetplus