Nouvelle taxe sur les plus-values: de curieuses différences de traitement pour les contribuables soumis à l’IPM
Temps de lecture: 5 min | 20 déc. 2025 à 05:00
Olivier Bertin
Avocat @ Bird & Bird
Le nouveau régime de taxation des plus-values, qui devrait s’appliquer aux opérations réalisées à partir du 1erjanvier 2026 est applicable non seulement aux personnes physiques résidentes belges, mais également à la grande majorité des contribuables soumis à l’impôt des personnes morales (A(I)SBL, Fondations, etc …).
Nous n’examinons pas ici le volet applicable aux plus-values sur participations importantes (au moins 20%) dans des sociétés non cotées, qui ne se rencontrera sans doute guère en pratique.
C’est l’autre partie du régime, qui soumet à une taxe de 10 % les plus-values réalisées sur divers actifs financiers, avec une exonération de 10.000 € par an (à indexer, si le législateur en décide ainsi) et la possibilité de déduire les moins-values subies au cours de la même période imposable, qui nous intéresse.
De manière générale, le régime de taxation pour ces contribuables seraidentique à celui qui s’appliquera aux « habitants du Royaume », c’est-à-dire à l’IPP.
Pourtant, des différences de traitement apparaissant dans le mode de perception.
Il en est ainsi en premier lieu lorsque les plus-values sont réalisées sans l’intervention d’un intermédiaire établi en Belgique. Dans ce cas de figure, l’impôt ne peut être perçu par voie de précompte mobilier, et les personnes physiques devront mentionner dans leur déclaration annuelle, les montants ainsi perçus. Ils auront la possibilité, dans le même formulaire, de revendiquer l’exonération des premiers 10.000 € (susceptibles d’être portés, dans certaines conditions, à 15.000 €) ainsi que la déduction des moins-values subies pendant la même période. Pour les contribuables soumis à l’IPM, la situation est différente : ils seront en effet tenus de verser eux-mêmes le montant de la taxe, sous la forme du précompte mobilier, dans un délai particulier (dans les 15 jours à dater de l’expiration de la période imposable).
Or, pour la détermination du montant dudit précompte, les textes légaux dont nous avons pu avoir lecture à ce stade indiquent que le calcul sera le même que pour les personnes physiques. Ce mode de calcul, largement forfaitaire, ne tient compte, ni du montant exonéré de 10.000 €, ni des moins-values subies pendant la même période, ni d’une valeur d’acquisition supérieure à la valeur de l’actif au 31.12.2025. Ce n’est donc que dans un second temps que le contribuable à l’IPM pourra revendiquer ces avantages.
La détermination forfaitaire du montant du précompte trouve sa justification dans un souci – assez louable - de simplification au profit des intermédiaires établis en Belgique, qui n’auront pas à se soucier de ces particularités dans leurs calculs.
Mais, et c’est là que le bât blesse, cette justification disparaît lorsque c’est le contribuable lui-même qui peut et doit calculer le précompte : il est en effet, par définition, le mieux placé pour déterminer son régime de taxation définitif à l’égard de la taxe, eu égard aux opérations qu’il a accomplies durant l’année écoulée.En outre il disposera du recul nécessaire puisque, rappelons-le, le précompte doit être payé après la période imposable. La cohérence commanderait donc, soit que les contribuables soumis à l’IPM soient exonérés de cette obligation de s’appliquer à eux-mêmes un précompte mobilier à base forfaitaire et de mentionner leurs plus-values dans leur formulaire annuel de déclaration, soit que, dans la détermination du montant du précompte, les trois avantages précités puissent être pris en considération.
La seconde différence de traitement – qui penche encore plus radicalement vers la discrimination si elle est avérée – concerne la possibilité pour les contribuables de demander l’« opt-out » aux intermédiaires établis en Belgique, appelés à retenir le précompte sur les plus-values dans lesquels ils s’intermédient.
Rappelons que suite à cette demande (à effectuer auprès de tous les intermédiaires concernés),il n’y a pas de retenue deprécompte, et il appartient au contribuable lui-même de déclarer les montants imposables dans la déclaration annuelle. Il peut à cette occasion revendiquer la prise en compte de l’exonération, des moins-values subies pendant la période imposable, de même qu’une valeur d’acquisition supérieure à celle qui a été figée au 31.12.2025.
Or, toujours dans les projets de texte actuellement consultables, cette possibilité d’opt out n’est ouverte qu’aux « Rijksinwoners » (dans le texte néerlandais ; le texte français parle de manière générale de « contribuables »), c’est-à-dire aux personnes physiques, une restriction confirmée dans le projet d’exposé des motifs. Aucune justification n’est avancée à cet égard. On n’aperçoit pas quel motif pourrait justifier d’ôter aux A(I)SBL et aux Fondations le droit de demander l’ « opt-out ».
Que ces différences de traitement résultent d’un oubli ou non, le législateur a tout intérêt à modifier ses projets en vue de s’éviter le reproche de traitement discriminatoire.
Olivier Bertin– avocat associé @ Bird & Bird
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