Réductions de capital de sociétés étrangères : toujours imposables ?

La presse s’est récemment fait l’écho de ce que les réductions de capital des sociétés néerlandaises TomTom et AkzoNobel seraient, pour la totalité des montants versés aux actionnaires belges, soumises en Belgique à la retenue du précompte mobilier belge. La raison avancée est que, s’agissant de sociétés étrangères, les banques belges ne disposent que de peu d’informations sur l’opération de réduction de capital et que, dans le doute, elles choisissent, par prudence, de procéder à la retenue du précompte mobilier belge sur tout le montant versé au contribuable belge. Qu’en penser ?


Réductions de capital à partir du 1er janvier 2018


Depuis le 1er janvier 2018, une nouvelle fiction légale (article 18, alinéas 2 à 6 du CIR 92) a pour effet que les réductions de capital sont censées provenir proportionnellement du capital libéré (non taxé), des réserves taxées et des réserves exonérées incorporées au capital. L’imputation sur les réserves est assimilée à un dividende imposable en principe au précompte mobilier de 30 %.

Si une société dispose de réserves, toute réduction de capital donnera donc lieu à l’application de ce précompte mobilier sur la partie de la réduction qui sera imputée, selon la règle proportionnelle, sur ces réserves.


Cette fiction vaut tant pour les sociétés belges que pour les sociétés étrangères. Le problème s’agissant de ces dernières est qu’elles ne sont bien évidemment pas tenues d’établir, à l’instar des sociétés belges, de relevé « 328 D » détaillant l’origine du capital. L’appréciation de la portion taxable de la réduction de capital s’avère un exercice difficile si bien que les banques belges qui sont amenées à intervenir dans ce cadre prélèvent bien souvent le précompte mobilier sur l’ensemble du montant versé, au détriment des actionnaires.


Cette pratique ne date pas du 1er janvier 2018. Par le passé, avant même que la fiction légale mentionnée ci-dessus n’entre en vigueur, et alors que le principe était celui d’une exonération des réductions de capital libéré, certaines banques belges retenaient déjà le précompte mobilier sur la totalité des sommes versées, arguant du manque d’informations dont elles disposaient pour apprécier si ces montants devaient être exonérés. Nombreux étaient donc les contribuables belges lésés par cette pratique qui avaient dû se porter en réclamation pour obtenir la restitution, à tout le moins partielle, du précompte mobilier retenu indûment.


Traitement fiscal des réductions de capital de sociétés étrangères


Le Code des impôts sur les revenus ne contient aucune disposition spécifique relative au traitement fiscal des réductions de capital qui sont opérées par des sociétés étrangères.


La circulaire Ci.RH.231/602.851 du 10 janvier 2012 prévoit à ce sujet :


« Dans le cadre d'un remboursement de capital opéré par une société étrangère, il n'y a en principe pas matière à taxation d'un dividende distribué pour autant que:

  • le capital en question présente les mêmes caractéristiques que le "capital libéré" au sens de l'article 184, CIR 92, à savoir, en substance, provenir d'un apport externe, et servir de garantie aux tiers (certains degré d'indisponibilité), et n'avoir fait l'objet d'aucune réduction;
  • le remboursement soit effectivement imputé sur du capital libéré;
  • la décision soit prise en conformité avec le droit des sociétés du pays de la société étrangère, et que les dispositions légales en cause soient similaires à celle qui sont définies par le Code des sociétés (voir en ce sens les décisions anticipées n° 500.118 du 27.10.2005, n° 800.343 du 25.11.2008 et n° 800.144 du 16.12.2008). »


Dans la plupart de ces décisions rendues sur ce sujet, le Service des décisions anticipées indique :


« De la seule référence au Code belge des sociétés, il ne peut en résulter le constat de sa « non application » pour les sociétés soumises à une autre lex societatis. Toutefois, dans cette dernière hypothèse, il convient d’interpréter souplement l’article 184, al. 1er et 2 du CIR 92 dès lors que la lex societatis ne prévoit pas de dispositions identiques à celles prévues dans le Code belge des sociétés ».


Cette position qui tend à une application souple de la loi fiscale dans le cas de réductions de capital de sociétés étrangères est frappé au coin du bon sens. Il serait absurde d’exiger des sociétés étrangères qu’elle respecte scrupuleusement le formalisme prévu par la loi belge pour bénéficier du même régime que les sociétés belges en matière de réduction de capital.

L’exigence est claire. La législation fiscale étrangère ne doit pas être identique mais elle doit être similaire notamment quant aux garanties qu’elle offre aux créanciers de la société.


Si l’on examine plus attentivement les décisions rendues, on s’aperçoit toutefois que, dans la grande majorité des cas, soit le droit étranger était rigoureusement identique au droit belge (décision 800.343 du 25 novembre 2008 relatif à une société chypriote) soit la société étrangère s’était engagée à modifier ses statuts pour les mettre en conformité avec le droit belge (décisions 900.375 du 1er décembre 2009, 2013.626 du 29 avril 2014, 2014.235 du 10 juin 2014, 2012.097 du 8 mai 2012, 2014.498 du 7 octobre 2014 et 800.039 du 29 octobre 2009).


Seule une décision relative à une société italienne ne mentionne pas une totale similitude entre les législations belge et étrangère mais indique que « le droit italien contient des dispositions similaires au droit belge (articles 2445 et suivants C. civ. it.) en matière de réduction de capital : la réduction est décidée par une assemblée générale extraordinaire ; l’acte de réduction est inscrit par le notaire auprès du registre des sociétés ; en l’absence d’opposition de la part des créanciers après un délai de 90 jours à compter de cette inscription, les administrateurs exécutent la réduction du capital qui donne suite à modification des statuts devant notaire (art. 2346 C. civ. it.). »


La position des banques belges


S’agissant de réductions de capital de sociétés étrangères, les banques belges appliquent systématiquement la retenue du précompte mobilier sur l’ensemble du montant versé sans distinction. Elles invoquent à cet égard le principe de prudence, le manque d’informations dont elles disposent eu égard aux opérations de réduction de capital qui leur sont soumises, la complexité des législations étrangères et les risques qu’elles encourent en cas d’infraction à la législation belge.


Quelles solutions s’offrent alors aux contribuables qui se verraient lésés par cette pratique ?


La première est radicale : transférer sa participation auprès d’une banque étrangère. La retenue du précompte mobilier belge n’incombe en effet pas aux banques étrangères de sorte que le montant de la réduction de capital sera versé net de précompte mobilier belge. Il appartiendra dans ce cas au contribuable belge de mentionner, le cas échéant, la portion imposable de la réduction de capital dont il aura bénéficié lorsqu’il établira sa déclaration annuelle à l’impôt des personnes physiques.


La seconde consiste en l’introduction d’une demande de restitution du précompte mobilier indûment perçu. Conformément à l’article 368 du CIR 92, cette demande doit être introduite avant l’expiration d’un délai de cinq ans à compter du 1er janvier de l’année durant laquelle le précompte mobilier a été versé.


A bon entendeur !


François Collon
Avocat
Hirsch & Vanhaelst

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