La réforme du régime fiscal favorable des droits d’auteur a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. La loi-programme du 26 décembre 2022, publiée au Moniteur belge du 30 décembre 2022, est en effet venue modifier ce régime fiscal en introduisant des conditions supplémentaires à respecter pour pouvoir en bénéficier. Cette nouvelle législation s’applique aux revenus versés ou attribués depuis le 1er janvier 2023.
En effet, désormais, l’article 17, § 1er, 5° du code des impôts sur les revenus, qui contient le siège de la matière, tel qu’applicable depuis le 1er janvier 2023 dispose que :
« § 1er. Les revenus des capitaux et biens mobiliers sont tous les produits d’avoirs mobiliers engagés à quelque titre que ce soit, à savoir :
(…) 5° Les revenus :
Jusque fin 2022, la disposition fiscale précitée faisait référence au livre XI du CDE dans son intégralité, en ce compris le titre 6 relatif aux programmes informatiques et le titre 7 relatif aux bases de données.
Le champ d’application du nouveau texte – et notamment l’exclusion de certains groupes professionnels – fait l’objet de discussions.
Récemment, le Service des décisions anticipées de l’administration fiscale a été amené à se prononcer quant à l’application du nouveau régime fiscal des droits d’auteur au secteur informatique, et plus particulièrement aux entreprises spécialisées dans le développement de software (décision du SDA du 3 octobre 2023 – n°2023.0659).
Dans la cause soumise à l’appréciation du Service des décisions anticipées ayant fait l’objet d’une décision en date du 3 octobre 2023, la société demanderesse est une entreprise active dans le domaine de l’ingénierie informatique. Elle développe et met en œuvre des applications et des services de conseils en matière de gestion des risques, notamment dans la lutte contre le blanchiment d’argent pour ses clients.
La société considère que le travail effectué par certains salariés de son entreprise (tels que les senior software developers, les senior devops.engineer) constitue une œuvre protégée par le titre 5 du livre XI du CDE.
Elle envisage d’acquérir, par le biais d’une cession définitive et exclusive, les droits patrimoniaux des salariés IT et de rémunérer ces salariés par une rémunération de droits d’auteur.
La société interroge le Service des décisions anticipées sur la qualification de cette rémunération en tant que revenu mobilier soumis au régime des droits d’auteur, tel que modifié dans la loi-programme du 26 décembre 2022.
Le Service des décisions anticipées commence par rappeler que seuls les revenus qui se rapportent à des œuvres littéraires ou artistiques originales visées à l’article XI.165 du CDE ou à des prestations d’artistes-interprètes ou exécutants visées à l’article XI.205 du CDE entrent dans le champ d’application du régime fiscal des droits d’auteur.
Le Service des décisions anticipées se réfère ensuite aux documents parlementaires de la loi-programme du 26 décembre 2012, desquels il ressort que « les œuvres littéraires ou artistiques » assimilées telles que celles assimilées par l’article XI.294 ne sont pas visées par le régime fiscal favorable.
Le Service des décisions anticipées en conclut qu’en renvoyant dorénavant spécifiquement aux articles XI.165, XI.205 et au titre 5 du livre XI, le législateur fiscal exprime la volonté de ne prendre en compte dans un sens restrictif que les œuvres visées aux articles XI.165, XI.205 et au titre 5, sans associer d’autres articles ou titres.
En l’espèce, dans la mesure où les revenus attribués par la société demanderesse à ses salariés IT se rapportent uniquement au développement de programmes d’ordinateurs et non à des œuvres visées aux articles XI.165 ou XI.205 du CDE, ces revenus ne peuvent bénéficier du nouveau régime fiscal des droits d’auteur.
Bien qu’assimilés, en vertu de l’article XI.294 du CDE aux œuvres littéraires au sens de la convention de Berne, le Service des décisions anticipées estime que les programmes d’ordinateurs sont exclus du champ d’application du nouveau régime.
Cette position du Service des décisions anticipées est conforme au point de vue défendu par le ministre des finances au cours des travaux parlementaires de la loi du 26 décembre 2022. Elle est actuellement attaquée par le biais d’un recours introduit devant la Cour constitutionnelle par plusieurs entreprises IT et développeurs de software.
Un arrêt n’est toutefois pas attendu avant fin 2024.
En attendant, l’incertitude demeure pour le secteur IT, de même que pour d’autres professions anciennement assimilées qui risquent de faire l’objet d’une exclusion par l’administration fiscale en attendant une prise de position par une juridiction fiscale.