Beaucoup d'encre a déjà coulé au sujet de la taxe sur les plus-values sur actifs financiers. Mais elle arrive, et dans la pratique, il faudra apprendre à la gérer. Toutes les transactions à titre onéreux, à l'exclusion des apports en sociétés, seront imposables. La pratique devra bientôt composer avec le nouveau texte légal et sa mise en œuvre concrète. De nombreux problèmes d'interprétation se présenteront alors, parfois dans des domaines totalement inattendus. Étant donné que les actifs financiers n'ont pas été systématiquement imposés jusqu'à présent, de nombreuses questions essentielles de l'analyse fiscale ont été passées sous silence pendant des années.
L'un des points les plus délicats est la question de savoir si l'apport d'actions dans une société simple est exempté ou non de la nouvelle taxe sur les plus-values. L'avant-projet de loi stipule que la plus-value réalisée à l'occasion de l'apport d'actions dans une autre société est exonérée de la taxe sur les plus-values. Certains estiment que le législateur fiscal fait ici référence aux sociétés au sens du droit des sociétés, les sociétés simples étant qualifiées de sociétés, bien que dépourvues de la personnalité juridique. Le registre UBO, qui s'inscrit dans la lignée du droit des sociétés, l'illustre : les associés de la société simple doivent être inscrits au registre, car ils sont considérés comme des actionnaires d'une société conformément au droit des sociétés. Cette interprétation aurait pour conséquence qu'un apport dans une société simple n'entraînerait aucune imposition. Mais une lecture littérale de la disposition légale proposée doit conduire à la conclusion que la notion de « société » doit être interprétée conformément au Code des impôts sur les revenus.
Dans ce cadre, il est de règle que les sociétés sont des entités dotées de la personnalité juridique, de sorte que la société simple ne qualifie pas. Un apport d'actions dans une société simple serait alors imposable. Indépendamment de la question de savoir si les sociétés simples sont qualifiées de sociétés, la question se posera de savoir si, et dans quelle mesure, l'apport dans une société simple constitue une « réalisation ». L'incertitude quant à la portée de cette notion dans l'avant-projet de loi engendrera également des difficultés en matière de planification successorale et patrimoniale. Pour de nombreuses techniques de planification successorale et patrimoniale, on peut se demander si elles peuvent donner lieu à une taxe sur les plus-values car, sur le plan strictement juridique, elles impliquent une réalisation. Pensons aux clauses d'accroissement et autres formes de contrats aléatoires. Et qu'en est-il des prêts de titres ? Mais quand réalise-t-on de telles transactions à titre onéreux ? Quand une plus-value imposable est-elle obtenue ? On pourrait penser que la réponse se trouve facilement dans le Code des impôts sur les revenus. Rien n'est moins vrai. La « réalisation fiscale » est une notion rare et imprécise. La disposition qui doit servir de guide stipule : « L'impôt dû pour un exercice d'imposition est établi sur les revenus que le contribuable a obtenus pendant la période imposable.
La jurisprudence n'est pas non plus très éclairante, car elle ne dit rien sur ce qu'est précisément une réalisation, mais seulement sur le moment où elle est imposée. Il faut en conclure que la mise en œuvre pratique de la taxe sur les plus-values s'accompagnera d'une grande insécurité juridique. La notion de « réalisation fiscale » est peu développée dans la loi, ce qui rend impossible de prévoir l'étendue de l'application de la taxe sur les plus-values.
La taxe sur les plus-values a pour objectif d'imposer les mouvements d'actifs financiers et la plus-value réalisée à cette occasion. La mise en œuvre de la taxe sur les plus-values s'accompagnera donc de l'introduction d'une stratégie de planification patrimoniale visant à limiter au strict minimum les mouvements de patrimoine privé. Si les mouvements sont imposés, alors l'immobilité est un art.