L’avant-projet de loi qui circule contient son lot de mesures visant à lutter contre tous les « abus » (réels ou imaginaires) et, comme d’habitude dirais-je, ces mesures sont mal calibrées et contreproductives, quand elles ne sont pas carrément inconstitutionnelles ou contraires au droit européen.
L’avant-projet de loi prévoit que la nouvelle taxe s’appliquera sur les cessions à titre onéreux d’actifs financiers. En cas de cession à titre gratuit, par voie de donation ou de succession par exemple, il n’y a par contre pas de taxation immédiate de la plus-value à l’IPP mais, en cas de cession ultérieure à titre onéreux par le bénéficiaire de la donation ou de la succession et pour déterminer la base imposable, on tiendra alors compte de la valeur d’acquisition à laquelle le donateur ou le défunt avait acquis les actifs financiers en question. En d’autres termes, il y a, en cas de cession à titre gratuit, une exemption temporaire et un mécanisme de report.
Le problème est que cela ne fonctionne que si le bénéficiaire de la donation ou de la succession est un contribuable résidant fiscalement en Belgique. En effet et comme nous l’avons déjà rappelé précédemment, en vertu des conventions internationales conclues sur le modèle OCDE, les plus-values sur actifs financiers ne sont généralement imposables que dans l’Etat de résidence.
Qu’à cela ne tienne, les auteurs de l’avant-projet de loi ont dès lors prévu d’assimiler à une cession à titre onéreux « toute cession à un contribuable non-résident ». Comme il n’est pas nécessaire d’assimiler une cession à titre onéreux…à une cession à titre onéreux, ce texte vise donc bien les seules cessions à titre gratuit à des non-résidents. Dans ce cas, il y a alors une taxation immédiate sur base « de la valeur de l’actif financier » au moment de la cession au non-résident en question. Moralité : il faut éviter de décéder lorsqu'un de vos enfants réside à l'étranger !
Plaisanterie mise à part, un tel système me paraît contraire au droit européen lorsque le cessionnaire est résident d’un autre Etat membre de l’Union, puisqu’il prévoit dans ce cas une taxation immédiate, tandis que la taxation est reportée lorsque le cessionnaire est résident belge.
On peut par ailleurs aussi se demander si pareille règle n’empiète pas aussi sur les compétences fiscales des Régions, puisqu’elle instaure de facto un impôt fédéral en cas de donation ou de succession quand le bénéficiaire est non-résident (en plus des droits de donation ou de succession dus à la Région concernée).