
Introduite en 2021 à la suite de l’annulation de la première mouture par la Cour constitutionnelle (« la taxe sur les comptes-titres »), « la taxe annuelle sur les comptes-titres » fait à nouveau l’objet d’un ajustement législatif.
Dès son entrée en vigueur, cette taxe a été contestée devant la Cour constitutionnelle, laquelle a annulé en 2022 une disposition particulièrement controversée : l’article 201/4, alinéa 6, du Code des droits et taxes divers, qui prévoyait que certaines opérations (la scission d’un compte-titres en plusieurs comptes auprès du même intermédiaire, ou la conversion de titres en titres nominatifs) étaient irréfragablement considérées comme inopposables à l’administration fiscale. La Cour a jugé qu’une telle approche portait atteinte au principe de légalité de l’impôt, estimant qu’une disposition anti-abus ne peut priver le contribuable de la possibilité d’apporter la preuve contraire.
La réforme proposée s’inscrit dans le prolongement de l’avis rendu par la Cour des comptes le 11 septembre 2024 et en implémente une partie des recommandations. Celle-ci constatait une baisse du rendement de la taxe et soulevait des interrogations sur l’effectivité des contrôles, recommandant notamment l’instauration d’une présomption (cette fois) réfragable d’abus en cas de scission de comptes-titres ou de conversion de titres en titres nominatifs.
Attention : si une augmentation du taux avait été envisagée, le texte finalement voté n’en fait pas mention. La taxe resterait donc fixée à 0,15 %. Le gouvernement semble ainsi parier sur une hausse des recettes non pas par alourdissement de la charge fiscale, mais par un renforcement de la lutte contre les opérations abusives. Un amendement visant à prévoir un tarif progressif par tranche avait été déposé le 26 juin dernier. ce dernier a toutefois été balayé par le Conseil d’Etat en raison de son manque de clarté.
Ainsi, l’article 63 du projet de loi-programme insère un nouvel article 201/9/6 dans le Code des droits et taxes divers. Cette disposition prévoit que lorsque la valeur des instruments financiers imposables inscrits sur un compte atteint le seuil d’un million d’euros, toute conversion en titres non-inscrits sur un compte-titres ou tout transfert partiel vers un autre compte-titres n’est pas opposable à l’administration, à moins que le contribuable ne puisse démontrer, au moyen d’éléments concrets et vérifiables, que l’opération repose principalement sur un autre motif que l’évitement de la taxe. Il s’agit donc d’une présomption réfragable d’abus fiscal.
Selon les travaux parlementaires, une donation ou une scission liée à un divorce ou à un décès seront des motifs acceptables. À l’inverse, des justifications telles que la volonté de différencier des stratégies d’investissement ou la réduction de frais bancaires seront considérées comme insuffisantes.
Parmi la salve d’amendements déposés le 26 juin dernier, certains visaient à inverser ce paradigme : l’abus ne pourrait être établi que si l’administration démontre que l’opération se justifie principalement par un motif autre que fiscal. A nouveau, le Conseil d’Etat l’a abordé de manière très critique.
Une obligation d’information à charge des intermédiaires financiers ou du titulaire lui-même (en cas de comptes à l’étranger) est également instaurée afin de garantir l’effectivité du dispositif.
L’article 63 devait, en principe, entrer en vigueur le 1er juillet 2025. Au vu des « contre-temps » législatifs, elle entrera finalement en vigueur le jour de la publication de la loi au Moniteur Belge et ne s’appliquera qu’aux opérations réalisées à compter de cette date. Le législateur a volontairement écarté la suggestion du Conseil d’État d’ajouter cette précision dans le texte légal, estimant qu’elle alourdirait inutilement sa rédaction.
Il est encore à noter que l’article 65 du projet de loi-programme prévoyait initialement un élargissement de l’accès de l’administration fiscale au Point de contact central, afin de renforcer les moyens de contrôle liés à cette taxe. Cet article Suite à l’avis critique de l’autorité des données, cet article a été retiré du projet de loi-programme… Affaire à suivre.
Le texte entend maintenir l’assujettissement à la taxe annuelle sur les comptes-titres pour les périodes postérieures à l’opération présumée abusive. Une telle intention soulève toutefois d’importantes difficultés pratiques : comment déterminer la valeur imposable d’un compte-titres après une scission ou une conversion ? Sur quelle durée la taxe continuera-t-elle à s’appliquer ? A cet égard, il est regrettable que le texte de loi ne précise pas comment des opérations ultérieures impacteront l’application de la TACT. Il semblerait logique que celle-ci cesse d’être due en cas de réinvestissement dans un bien immeuble, par exemple. Cela devrait également être le cas si les fonds sont réinvestis dans une participation dans une société dont il n’existe pas de titres dématérialisés.
On peut par ailleurs s’interroger sur la nécessité même d’introduire une mesure anti-abus spécifique, dans un domaine déjà couvert par la disposition générale anti-abus du Code des droits et taxes divers. De telles opérations pouvaient, en effet, être appréhendées dans ce cadre, sans qu’il soit nécessaire de créer une nouvelle présomption ciblée. La plus-value de cette mesure semble donc principalement résider dans les obligations d’information qu’elle impose aux institutions financières, lesquelles sont déjà fortement sollicitées dans le cadre du dispositif existant.
Enfin, on relèvera que la Cour des comptes recommandait également de mieux définir certaines notions clés ( « compte-titres », « sous-compte d’espèces », « actions nominatives », « participations au capital importantes », etc.). Le législateur n’a toutefois pas saisi l’opportunité dans le cadre de l’adoption de la loi-programme de clarifier ces notions.

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