Taxer les plus-values : un défi!

La taxation des plus-values mobilières revient sur la table des négociations fiscales, au cœur de la "super-note" qui accompagne les discussions pour la formation du gouvernement fédéral. Si cette proposition s'inscrit dans une volonté de justice fiscale, elle soulève des interrogations majeures sur ses implications pratiques et ses effets à long terme.


Une double imposition de fait

Sur le plan économique, taxer les plus-values peut être perçu comme une double taxation. Les épargnants et investisseurs contribuent déjà par le biais de la taxe sur les comptes-titres, les précomptes mobiliers ou encore d’autres prélèvements sur les revenus de capitaux. Ajouter une contribution spécifique sur les plus-values revient à imposer à nouveau les fruits d’un capital déjà soumis à l’impôt.

Cette mesure cible en priorité les actifs cotés, car leur valeur est déterminable avec précision. Les titres non cotés, en revanche, restent difficilement évaluables, renforçant le déséquilibre fiscal entre différents types d’investissements. Ce n’est donc rien de moins qu’une taxe boursière supplémentaire, sous un nouveau nom.

Une mise en œuvre laborieuse

Sur le plan opérationnel, cette taxation nécessitera une collecte et une consolidation rigoureuses des informations financières, notamment pour permettre la déduction des moins-values. Or, cela implique une coordination complexe entre les banques, les plateformes d’investissement et les autorités fiscales. Ce défi logistique devient encore plus épineux lorsque l’on inclut les comptes-titres détenus à l’étranger, souvent hors de portée des mécanismes de contrôle existants.

Le risque est d’accroître la charge administrative des contribuables et des institutions financières, pour un rendement budgétaire qui pourrait s’avérer limité. Par ailleurs, l’application stricte de la distinction entre "gestion normale du patrimoine privé" et "spéculation" laisse une marge d’interprétation qui pourrait multiplier les litiges fiscaux.

Une mesure idéologique ou pragmatique ?

Si la taxation des plus-values se veut équitable, elle semble avant tout relever d’un choix politique. En réalité, elle risque de ne pas atteindre sa cible. Les grandes fortunes, peu enclines à vendre leurs actifs, ne seront pas directement concernées. Ce sont donc les investisseurs moyens, cherchant à optimiser leurs revenus dans un cadre légal, qui pourraient se retrouver au centre de cette réforme, au détriment de leur confiance dans le marché belge.

Le cas des cryptomonnaies est tout aussi révélateur. Jusqu’à présent considérée comme une niche fiscalement avantageuse bien qu'hasardeuse, cette classe d’actifs est intégrée dans la mesure, malgré les incertitudes juridiques et techniques qui entourent leur déclaration et leur contrôle.

Une cohérence fiscale attendue

Dans un système fiscal belge déjà jugé complexe, l’introduction d’une telle imposition semble aller à l’encontre de l’objectif récurrent de simplification. Plus qu’une réforme supplémentaire, c’est une réflexion globale sur la cohérence de l’arsenal fiscal qui est nécessaire, afin de garantir une justice fiscale tout en évitant d’alourdir davantage un régime déjà saturé.

La taxation des plus-values mobilières pose des questions de fond sur la lisibilité et l’équité de notre fiscalité.

Espérons qu’une analyse approfondie permettra d’en assurer la viabilité sans compromettre l’attractivité économique de notre pays déjà fortement mise à mal.

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