​Travaux réalisés par une société usufruitière : jurisprudence et le nouveau droit des biens

Dans un arrêt remarquablement motivé rendu le 10 décembre 2021 (2022/RG/241 et 242, la cour d’appel de Liège se prononce sur la question de la taxation de l’avantage en nature pour des travaux et des transformations réalisés par une société qui détient l’usufruit d’un immeuble.

Cet arrêt est aussi l’occasion de s’interroger sur l’impact du nouveau droit des biens sur les constructions usufruit.

Dans cette affaire, deux dirigeants avaient fait l’acquisition d’un immeuble en démembrement de propriété (usufruit par leur société et nue-propriété par les dirigeants). Ils avaient transformé le bâtiment en un immeuble à appartements avec garages. Le fisc taxa ces travaux au titre d’avantage de toute nature, sur la base de l’article 32 du CIR.

Selon la cour, il faut se référer à la théorie des impenses : il faut distinguer deux types d’impenses : les impenses nécessaires ou utiles (les sommes employées pour la conservation du bien ) et les impenses somptuaires ou voluptuaires (qui ne visent qu’à satisfaire les goûts personnels ou les caprices de l’usufruitier).

En l’espèce les travaux de transformation sont des impenses qui doivent être qualifiées de nécessaires.

En conséquence sur le plan fiscal la cour en déduit qu’en renonçant à une indemnisation la société a consenti un avantage au dirigeant.

Cette affaire relève de l’ancien Code civil. Il se trouve que le nouveau droit des biens ne fait plus la distinction entre améliorations, impenses nécessaires ou utiles.

En vertu de l’article 3.160 du Code civil, le nu-propriétaire doit indemniser l’usufruitier, sur la base de l’enrichissement injustifié, pour les ouvrages et plantations réalisées dans les limites de son droit sans y être obligé et avec le consentement du nu-propriétaire. S’il n’y a pas ce consentement, le nu-propriétaire a donc acquis à la propriété des ouvrages et plantations à la fin du droit, sans indemnisation.

Cela ouvre le champ à de nombreux contentieux fiscaux potentiels.

En effet il est évident que, du fait que la société usufruitière et son administrateur nu-propriétaire sont parties liées, on peut imaginer qu’il n’y aura pas de consentement donné par le nu-propriétaire pour la réalisation des travaux.

Sans consentement , et donc sans obligation d'indemnisation, peut on alors considérer qu’il n’y aura pas d’avantage en nature ? Rien n’est moins sûr. Il est fort probable que le fisc estimera que le consentement peut être considéré comme implicite ou tacite.

Dans tous les cas, on devine déjà les nombreux contentieux avec l’administration fiscale et le difficile travail d’analyse de tels dossiers par les cours et tribunaux.

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