C’est une question qui est posée très fréquemment : celle de savoir ce qu’il faut faire lorsqu’une société qui exerce une activité, possède également des avoirs immobiliers.
Dans un tel cas, surtout si les avoirs sont depuis longtemps dans la société, la vente des biens immobiliers entraîne souvent une taxation très lourde, parce que l’immobilier a en général accumulé une forte plus-value, à laquelle il faut ajouter les amortissements admis depuis l’acquisition.
Une solution souvent envisagée est alors celle de la scission partielle : on envisage alors de placer dans une société, dans le cadre de cette scission, les activités opérationnelles de l’entité, tandis que la société initiale conserve les avoirs immobiliers.
On peut aussi faire l’opération en sens inverse, mais elle implique plus de risques.
Ce que l’on craint toujours à ce moment, c’est la question de la « neutralité de la scission » : l’administration acceptera-t-elle que la scission soit exonérée, ce qui implique qu’elle ne taxe pas les plus-values latentes sur les avoirs apportés dans le cadre de la scission ?
Il existe déjà de nombreuses décisions du Service des Décisions Anticipées sur cette question, mais elles ne sont à notre avis guère satisfaisantes. En général, le SDA exige que la société s’engage à réinvestir le prix de vente des actions de la société immobilière dans une activité « économique génératrice de revenus imposables ». Cette position, parfaitement illégale, a encore été prise dans une décision récente du 25 juin 2024. Rien ne permet au SDA d’exiger un tel engagement. Il est dommage que ce service croie pouvoir ainsi « légiférer » à sa guise.
Ce qui est par contre nécessaire, c’est l’existence de motifs économiques, ou d’autres motifs non-fiscaux, justifiant l’opération.
Dans l’espère considérée, il s’agissait d’un groupe multinational, qui a pu justifier que la vente des actions de la société immobilière lui permettait de ne pas devoir renégocier des contrats en cours avec des tiers et que la trésorerie accumulée grâce à la vente des actions a permis d’obtenir des emprunts beaucoup plus importants.
Le tribunal de première instance d’Anvers a admis le raisonnement de la société, et a rejeté l’argumentation du fisc, qui se fondait à la fois sur la mesure anti-abus et sur la norme européenne sur l’abus de droit.
Il est remarquable que l’arrêt constate, à propos de la mesure belge anti-abus, qu’il n’existe aucun élément démontrant que l’objectif de la loi, en l’espèce l’article 192 du CIR92 n’avait pas été respecté. Une occasion pour le jugement de constater que le fisc doit dans un tel cas démontrer que la loi avait un objectif « clairement identifié », incompatible avec l’acte accompli. C’est sans doute dans ce dernier élément qu’on peut retirer l’enseignement le plus important de ce jugement.
Il ne faut toutefois pas en déduire nécessairement que toute scission, ou même que toute scission partielle sera dorénavant exonérée. Il faudra toujours pouvoir justifier d’un motif autre que fiscal pour éviter la taxation des plus-values latentes lors d’une scission de ce type.