Dans son arrêt du 8 mars 2023, la Cour d’appel de Liège a considéré qu’une concession de droits d’auteur était abusive.
La décision concerne l’ancien régime et non les nouvelles règles, entrées en vigueur le 1er janvier 2023.
L’affaire concernait un architecte qui avait concédé ses droits d’auteur à la société à l’entremise de laquelle il exerçait sa profession et dont il était l’unique gérant et actionnaire. Pour les deux exercices d’imposition concernés, il avait déclaré quelque 57K€ à titre de revenus de la concession de droits d’auteur (à chaque fois pile 37,5K€ indexés) ainsi que quelque 15K€ à titre de revenus professionnels.
Les revenus résultant de la cession ou de la concession de droits d’auteurs étaient qualifiés de revenus mobiliers jusqu’à 37,5K€ (à indexer) par an, taxables à 15% au lieu du taux progressif frappant les revenus professionnels (outre les cotisations sociales). Pour être protégée par les droits d’auteur, l’œuvre devait être une création intellectuelle propre à l’auteur, reflétant sa personnalité et s’exprimant à travers ses choix libres et créatifs.
La Cour d’appel de Liège a refusé l’application du régime fiscal à l’architecte, dont les créations étaient pourtant bien protégées par les droits d’auteur, estimant qu’il avait commis un abus, ayant réalisé une opération par laquelle il prétendait à un avantage fiscal prévu par une disposition du Code des impôts sur les revenus, dont l’octroi est contraire aux objectifs de cette disposition – selon la Cour, sur base des travaux parlementaires, protéger les seuls artistes dont les revenus sont aléatoires - et dont le but essentiel est l’obtention de cet avantage. Le contribuable ne démontrant pas que son choix se justifiait par des motifs autres que fiscaux, l’administration pouvait le taxer comme si l’abus n’avait pas eu lieu, au titre de rémunérations de dirigeant.
L’objectif d’une disposition est a priori contenu dans la disposition légale elle-même et, en principe, ce n’est que lorsque celle-ci n’éclaire pas qu’il faut examiner les travaux préparatoires.
En l’occurrence, la disposition légale ne restreint pas la catégorie des bénéficiaires, pourvu qu’ils aient cédé/concédé des droits d’auteur.
Quant aux travaux préparatoires, ils indiquent effectivement à de très nombreuses reprises que le régime particulier vise à instaurer une fiscalité plus conforme à la capacité contributive des artistes, compte tenu des risques auxquels ils sont soumis, que ne connaissent pas les autres professions : risque de créativité, risque lié à l'intermittence de l'activité rémunérée, risque lié aux aléas du succès, de la mode, … Néanmoins, si la proposition initiale ne visait que les artistes visés par une loi du 24 décembre 2002, à savoir ceux « de l'audiovisuel et des arts plastiques, de la musique, de la littérature, du spectacle, du théâtre et de la chorégraphie », le texte a été modifié pour viser la loi du 30 juin 1994 relative aux droits d’auteur (insérée entretemps dans le Code de droit économique).
Il a par ailleurs été relevé lors des travaux parlementaires :
Les travaux parlementaires ont donc bien envisagé les auteurs autres que les seuls artistes ayant des revenus aléatoires et ils n’ont exclu aucun(e) secteur/catégorie professionnelle. A cet égard, la Cour constitutionnelle, dans un arrêt du 30 octobre 2013, a indiqué à propos de l’abus fiscal qu’il fallait que l’effet de l’opération soit en contradiction avec les objectifs de la disposition, et pas simplement étranger à ces objectifs.
Si, en l’espèce, le but fiscal était, comme le souligne la Cour, révélé par l’alignement des droits d’auteur sur le plafond légal indexé, nous doutons que l’architecte ait réellement enfreint l’objectif du législateur. Il faut cependant savoir que les juges peuvent avoir une vision différente.
Source : Hirsch & Vanhaelst Avocats, 11 octobre 2023