Utiliser le cash d’une entreprise pour financer son acquisition

En termes d’acquisition d’entreprises, certains devront faire façe à des défis majeurs pour maintenir la rentabilité et assurer le remboursement du financement lié à l’acquisition des actions.

Tous les projets sont conçus en théoristant mais naissent en pratikstant.

On le sait, la nature humaine à tendance a retenir le scénario qui lui plaît sans forcément être le plus objectif.

Parmi certaines déconvenues, le coût de réalisation de l’Opéra de Sydney a été multiplié par 14 et son délai de construction allongé de 10 ans. Le rachat d’une entreprise peut aussi prendre la voie d’un fiasco.

Que se passe-t-il lorsque la Mère (holding) utilise les fonds de sa Fille (Participation) pour financer l’achat de ses actions ?

FINANCER L’ACQUISITION AVEC LA TRESORERIE DISPONIBLE

Un usage très répandu lors de l’acquisition d’une société par une autre entreprise, est l’utilisation de l’excédent de trésorerie de la Fille au profit de la Mère (acquéreuse).

Cette mise à disposition des fonds peut se faire, principalement de deux manières ;

– La Fille distribue un dividende à sa Mère, qui l’utilisera pour rembourser une partie de ses financements liée à l’acquisition ;

Ou

– La Fille prête à la Mère les fonds nécessaires pour rembourser ses dettes. Dans ce cas, on parle d assistance financière” et certaines conditions légales doivent être respectées pour que le prêt puisse être consenti.

RÉSERVE COMPTABLE POUR “ASSISTANCE FINANCIÈRE”

Dans certains cas, la société Fille ne souhaite/peut pas attribuer de dividende à sa Mère.

Il peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles une société ne souhaite pas attribuer de dividendes ;

– Elle ne veut pas réduire ses fonds propres et ainsi dégrader son ratio de solvabilité ;

– Elle ne peut le faire suite à certains accords et/ou dispositions statutaires ;

– Elle préfère éviter une problématique de retenue de précompte mobilier ;

– Etc.

La solution sera de fonctionner avec un prêt de la Fille envers la Mère.

Ce cas de figure impose alors à la Fille d’acter une réserve indisponible équivalente ;

– Au montant en numéraire avancé à sa Mère ;

– A la valeur nette comptable des biens donnés en garantie.

Concrètement, si une Fille avance 100 K EUR à sa Mère, elle doit acter une réserve dite “indisponible” (faisant partie de ses fonds propres) de 100 K EUR.

Dans certains cas, la constitution d’une garantie (sur un actif) consentie par la Fille au remboursement de la dette bancaire de la Mère peut suffire pour l’octroi du financement des actions.

Par exemple, la Fille détient un immeuble dont la valeur marché s’élève à 1 M EUR mais dont la valeur nette comptable n’est plus que de 75 K EUR. La Fille accepte de donner cet actif en garantie pour assurer le remboursement du financement contracté par la Mère.

Dans ce cas, la réserve indisponible que devra comptabiliser la Fille se limite à 75 K EUR.

C’est du moins ce que relate l’avis 2010/8 dit “Soutien Financier” de la Commission des Normes Comptables.

On peut néanmoins se montrer dubitatif quant à cette représentation (très) partielle du risque. En effet, une réserve, dans l’exemple, de 75 K EUR pour un actif d’une valeur marché de 1 M EUR semble éloignée de la représentation réelle d’un risque de défaillance de l’emprunteur (Mère) pour qui la sureté à été constituée.

Comprenez que si la Mère ne rembourse plus son crédit, la Fille risque de voir son batiment de 1 M EUR vendu pour apurer la dette bancaire de la Mère.

C’est donc un risque réel supérieur à celui que la réserve comptable laisse supposer, la perte de son patrimoine est de 1 M EUR et pas de 75 K EUR.

Voila donc une situation où l’image fidèle semble compromise.

Rien n’est immuable, cette réserve suivra l’évolution de l’avance de fonds, elle diminuera ou sera augmentée, voire annulée lors du remboursement intégral.

SRL OU SA : CONTRAINTES DIFFERENTES

Depuis 2019 et les changements impactant le Code des Sociétés et des Associations, les mesures encadrant l’assistance financière ont été modifiées en ce qui concerne les SRL (et SC).

Notamment, il n’est plus imposé pour une SRL de publier, aux annexes du Moniteur belge, le rapport spécial de l’organe d’administration justifiant de l’opération.

LA PRUDENCE FISCALE DANS L’USAGE DES FONDS

La Belgique reste un paradis fiscal en ce qui concerne l’absence de taxation lorsqu’un vendeur cède les actions de son entreprise. La plus-value, qui peut être considérable, échappe donc, licitement, à toute ponction fiscale.

Dans ce contexte, un cas de figure déplait néanmoins au fisc, celui d’une société vendue qui avait accumulé des résultats reportés et/ou des réserves mais surtout qui dispose d’un excédent de trésorerie significatif.

La raison de ce courroux ? L’administration considère que le vendeur s’est abstenu d’organiser la distribution de dividendes et donc la prive de précompte mobilier (30 ou 15 %).

Par conséquent, elle tente de requalifier une partie du prix de vente en distribution de dividendes soumise au précompte mobilier. Ceci avec la désagréable conséquence de rendre solidaire vendeur et acquéreur dans un litige fiscal aussi lent qu’encombrant.

SE PREMUNIR D’UN PRIX D’ACQUISITION EXCESSIF

Qu’est ce qui peut arriver de pire à une Mère qui a reçu de sa Fille une avance pour l’acquisition de ses actions ? Réponse : ne plus être en mesure de rembourser.

En effet, si la rentabilité de la Fille décline, elle sera donc en grande difficulté d’assurer des revenus (dividendes) à sa Mère qui ne parviendra pas à apurer ses dettes, dont l’avance reçue de sa Fille, c’est le serpent qui se mord la queue.

Tenter de renverser cette situation problématique peut se faire, entre-autre ;

– L’attribution d’un (super-)dividende de la Fille au profit de la Mère, au besoin à l’aide d’une dette contractée par la Fille ;

– Procéder à une réduction de capital de la Fille en faveur de la Mère.

Dans ce cas, les SRL veilleront aussi à effectuer le double test de distribution (solvabilité et liquidité). Cela suppose donc que la Fille dispose de fonds propres suffisants.

La Mère doit donc veiller à ne pas payer le prix fort pour acquérir les actions de sa (future) Fille ou à tout le moins se prémunir de mauvais revers dans son activité.

Dans ce cadre, voici quelques pistes de réflexion ;

– Le contrat d’acquisition des actions de la Fille doit prévoir une clause de révision de prix même déclenché par des circonstances hors normes ;

– Ne retenez pas le scénario le plus favorable pour la valorisation des actions de la Fille ;

– Tentez d’avoir l’opportunité d’analyser des transactions historiques d’entreprises similaires et relevez ce qui a (dys)fonctionné ;

– Demander à vos proches collaborateurs/trices de se projeter un an plus tard post-acquisition et faire le constat de celle-ci. Les situations fictives contribuent à faire émerger certaines réalités.

QUE FAUT-IL EN RETENIR ?

Disposer d’une partie de la trésorerie d’une entreprise que l’on souhaite acquérir présente plusieurs avantages, comme faciliter le dossier de financement avec des quasi fonds propres.

Malgré tout, il faut veiller à ce que l’autonomie financière de la Mère et de la Fille demeure préservée. Sinon, lorsque les conditions de marché se grippent, les deux risques d’en subir les conséquences et être paralysées.

Le non-respect des dispositions légales en matière d’assistance financière par une société peut se répercuter sur ses administrateurs.

Soyez particulièrement prudent, si vous projetez d’acquérir les actions d’une entreprise disposant de résultats reportés/réserves importants. Cela peut produire des effets fiscaux néfastes.

Puisse ce qui précède vous être utile dans vos décisions et restez partisan des solutions réfléchies et guidées à 360° par vos conseils ainsi que par ceux qui ont expérimenté ce que vous vivez.

Thomas DRAGUET © │thomas@anticiper.tax
ANTICIPER SRL, Expert-comptable Conseil fiscal certifié
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