L' Administration générale de la Fiscalité a publié ce 13/03/2019 la circulaire 2019/C/22. Cette circulaire commente les conséquences en matière de TVA lorsque des travaux, exécutés par un assujetti à un bâtiment qu’il prend en location, sont remboursés par le bailleur intégralement, partiellement ou pas du tout.
En ce qui concerne les relations entre le locataire et le bailleur, il convient d’envisager deux types de situations.
La situation visée est celle où le locataire ne reçoit, de la part du bailleur, aucun remboursement du coût des travaux, sous quelque forme que ce soit.
A défaut d’existence d’un lien direct entre lesdits travaux effectués par le locataire et une quelconque contrepartie reçue en échange de la part du bailleur, des prestations réciproques ne sont pas échangées. Par conséquent, on se situe hors du champ d’application de la TVA, défini à l’article 2du Code de la TVA.
Toutefois, le locataire peut déduire, selon les règles habituelles, la taxe grevant les travaux qu’il supporte lui-même, dans la mesure où les dépenses se rapportent à la partie d’un bâtiment qui est utilisée pour son activité d’assujetti lui conférant un droit à déduction (article 45, § 1er, du Code de la TVA).
Seule la taxe acquittée pour les travaux de constitution, de transformation ou d’amélioration est sujette à la révision de déduction propre aux biens d’investissement (article 48, § 2, premier alinéa, du Code de la TVA ; article 10, § 1er, de l’arrêté royal n° 3). Le cas échéant, le locataire doit opérer cette révision en cours ou en fin de bail, selon les situations rencontrées.
La situation visée est celle où le bailleur rembourse le locataire du coût des travaux, totalement ou partiellement, sous l’une ou l’autre forme.
En ce qui concerne les travaux portant sur des immeubles détenus en location, les parties disposent d’une large liberté contractuelle puisque, dans la plupart des cas, la loi ne prévoit pas de dispositions impératives.
Donc, les travaux sont souvent prévus conventionnellement par le contrat de bail ou en cours de bail.
Le régime TVA applicable doit notamment être déterminé à la lumière des enseignements tirés de la jurisprudence européenne selon laquelle une opération est considérée comme effectuée à titre onéreux par la seule existence d'un lien direct entre elle-même et une contrepartie réellement reçue par l'assujetti, même si cette opération est effectuée à un prix inférieur ou supérieur au prix de revient (Cour de Justice de l’Union Européenne, arrêts Hotel Scandic Gåsabäck AB , affaire C-412/03, du 20.01.2005 et Campsa Estaciones de Servicio SA, affaire C-285/10, du 09.06.2011).
Un tel lien direct est notamment établi lorsqu'il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire (Cour de Justice de l’Union Européenne, arrêts RCI Europe, affaire C-37/08, du 03.09.2009 et Lebara Ltd., affaire C-520/10 du 03.05.2012).
Ainsi, la contrepartie d'une opération peut consister en une prestation de services et en constituer la base d'imposition, à condition qu'il existe un lien direct entre l’opération et la prestation de services et que la valeur de cette dernière puisse être exprimée en argent (Cour de Justice de l’Union Européenne, arrêt Bertelsmann AG, affaire C-380/99, du 03.07.2001 et jurisprudence y citée).
Par exemple, une prestation de remise en état d’un immeuble pris en location, effectuée aux frais du locataire, doit être considérée comme effectuée à titre onéreux dans la mesure où le bailleur, en contrepartie de cette prestation, verse une somme d’argent ou consent expressément un avantage quelconque, comme une diminution de loyer, une dispense de loyer ou une dispense d’augmentation de loyer, tandis qu’il récupère le bien aménagé à la fin du contrat (voir Cour de Justice de l’Union Européenne, arrêt Serebryannay vek EOOD, affaire C-283/12, du 26.09.2013).
Dans une telle situation, le lien direct entre la prestation et la contrepartie réellement reçue en échange, par le prestataire de celle-ci, est clairement établi.
La circonstance que la prestation de services en cause ne bénéficiera au bailleur qu'après l'expiration du contrat ne change rien à cet égard, puisque, dans le cas d’un contrat synallagmatique, les parties s'engagent l'une envers l'autre à effectuer des prestations réciproques (voir par analogie, Cour de Justice de l’Union Européenne, arrêts Kennemer Golf & Country Club, affaire C-174/00, du 21.03.2002 et RCI Europa, précité, points 31 et 33).
En résumé, lorsque le contrat de bail et/ou son exécution démontre un lien direct entre les travaux et les avantages consentis par le bailleur, même s’ils n’en couvrent pas intégralement la valeur économique, le locataire effectue une opération à titre onéreux en faveur du bailleur.
Cette opération est qualifiée au cas par cas de prestation de services à défaut d’être une livraison de biens et est passible de la taxe, sur la base des principes généraux de taxation (articles 2, 4, 10, §§ 1er et 2, a), 18, §§ 1eret 2, du Code de la TVA).
Le locataire doit délivrer une facture au bailleur, conformément aux règles habituelles. Si les conditions de l’article 20 de l’arrêté royal n° 1 du 29.12.1992 relatif aux mesures tendant à assurer le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée sont remplies, notamment, s’il s’agit d’une opération visée au paragraphe 2 de cet article, la mention « Auto-liquidation » doit être apposée sur la facture et le report de perception doit être pratiqué
Compte tenu de tout ce qui précède, on peut souligner qu’il n’est donc pas relevant de faire appel à la notion de commissionnaire au sens des articles 13, § 2, et 20, § 1er, du Code de la TVA.
La position administrative, telle que mentionnée au point 2° de la décision n° E.T.9.284 du 27.01.1972, a d’ailleurs été invalidée par la Cour de Cassation, dans son arrêt n° F.11.0079.N du 15.03.2013
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La base d’imposition est constituée par la rémunération exprimable en argent dont bénéficie le locataire (éventuellement sous forme d’intervention financière, de diminution ou de dispense de loyer ou encore de dispense d’augmentation de loyer) ou, le cas échéant, par la valeur normale de la contrepartie obtenue ou à obtenir par ce prestataire.
Le locataire peut, non seulement, déduire la taxe grevant les travaux visés, supportés par lui-même (voir numéro 1, ci-dessus) mais également celle perçue sur les travaux supportés par le bailleur.
Dans ce dernier cas, même s’il s’agit de travaux de constitution, de transformation ou d’amélioration, la déduction n’est pas sujette, dans le chef du locataire, à la révision propre aux biens d’investissement puisqu’il agit alors en principe comme prestataire de services vis-à-vis du bailleur.
Par conséquent, en fin de bail, le locataire ne doit pas opérer la révision de la déduction de la TVA ayant grevé la partie des travaux de constitution, de transformation ou d’amélioration dont il obtient le remboursement.
En revanche, il doit, le cas échéant, opérer cette même révision pour la partie de ces travaux dont il n’obtient pas le remboursement (article 48, § 2, premier alinéa, du Code de la TVA ; article 10, § 1er, de l’arrêté royal n° 3).
Un assujetti avec droit à déduction total prend en location un immeuble à usage de bureaux, utilisé exclusivement pour son activité économique.
En 2017, il fait installer une nouvelle chaudière au gaz dans la cave (coût : 5.000 euros + 1.050 euros de TVA) et il fait placer des cloisons supplémentaires à l’étage supérieur (coût : 15.000 euros + 3.150 euros de TVA). Les travaux sont achevés et facturés au locataire le 04.06.2017.
Le locataire convient avec le bailleur que ce dernier remboursera exclusivement l’installation de la chaudière au gaz (cette opération est considérée comme une prestation de services soumise à la TVA). Le locataire ne reçoit aucune rémunération en ce qui concerne les cloisons (à l’expiration du contrat non plus).
Le locataire peut porter en déduction le montant de TVA équivalent à 1.050 euros + 3.150 euros = 4.200 euros.
Le contrat de bail expire le 05.04.2019.
Seule la TVA ayant grevé la chaudière au gaz est exclue de la révision de la déduction. La TVA perçue sur le placement des cloisons est sujette à la révision de la déduction au détriment du locataire, relativement aux années 2019, 2020 et 2021, soit pour un montant de 3.150 x 3/5 = 1.890 euros.
Il va de soi que la taxe due par le bailleur pour l’installation de la chaudière au gaz ne peut être déduite par ce dernier dans le cas où la location immobilière constitue une opération effectivement exemptée de la taxe en vertu de l’article 44, § 3, 2°, du Code de la TVA.
Toutefois, depuis le 01.01.2019, par exception à l’exemption précitée, il est possible d’opter pour soumettre à la taxe la location immobilière. Moyennant le respect de toutes les conditions de fond et de forme prévues en la matière et la levée conjointe de l’option pour ladite taxation, par le bailleur et le locataire (voir article 44, § 3, 2°, d), du Code de la TVA), la TVA réclamée par le locataire au bailleur deviendrait déductible dans le chef de ce dernier.
La présente circulaire remplace la décision n° E.T.9.284 du 27.01.1972 ainsi que tous les commentaires administratifs contraires à la teneur de cette circulaire.
Source : Fisconetplus