Circulaire 2022/C/6 relative à la réserve de reconstitution

L' Administration générale de la Fiscalité – Impôt des sociétés a publié ce 18/01/2022 la Circulaire 2022/C/6 relative à la réserve de reconstitution.

Cette circulaire commente le régime fiscal de la réserve de reconstitution instaurée par la loi du 19.11.2020 portant l'introduction d'une réserve de reconstitution pour les sociétés.

I. Introduction

II. Dispositions légales
III. Principe et limitations

1. Limitation par période imposable
2. Limite absolue

IV. Exclusions

1. Sociétés qui bénéficient d'un régime fiscal particulier
2. Sociétés qui procèdent à une diminution ou distribution de capitaux propres
3. Sociétés en difficulté

V. Conditions d'exonération

1. Condition d'intangibilité
2. Sociétés non liées à des paradis fiscaux

VI. Imposition

1. Rachat d'actions ou de parts propres
2. Attribution ou distribution de dividendes
3. Diminution ou distribution de capitaux propres
4. Economie sur les rémunérations

VII. Exemple
VIII. Formalités

I. INTRODUCTION

1. Cette circulaire commente le régime fiscal de la réserve de reconstitution introduit à l'art. 194quater/1, CIR 92, par les art. 2 et 3, L 19.11.2020 (1).

(1) Loi du 19.11.2020 portant l'introduction d'une réserve de reconstitution pour les sociétés, MB 01.12.2020.

Cette mesure s'inscrit dans le cadre de la lutte contre les conséquences économiques défavorables de la pandémie du COVID-19 afin de renforcer progressivement la solvabilité et les fonds propres des sociétés. Elle permet à celles-ci d'exonérer, sous certaines conditions et limites, tout ou partie de leurs bénéfices réservés imposables de la période imposable à hauteur de la perte d'exploitation de l'exercice comptable clôturé, en principe, en 2020. Cette exonération se concrétise par la constitution d'une réserve dite « de reconstitution » à la fin de chaque exercice comptable se rattachant à l'exercice d'imposition (ex. d'imp.) 2022, 2023 ou 2024. Les sociétés qui n'ont pas subi de pertes d'exploitation à la date de clôture de l'exercice comptable concerné ne peuvent donc bénéficier de ce régime.

Il s'agit en substance de créer un dispositif de report de paiement des charges fiscales relatives aux bénéfices qui pourraient être générés à l'avenir. La réserve de reconstitution permettra donc de maintenir une fiscalité avantageuse pour les bénéfices futurs conservés au sein de la société, en les exonérant, pour que les sociétés, si elles maintiennent leurs capitaux propres (pas de rachat d'actions ou parts propres, de diminution de capital ou d'attribution de dividendes) et leur niveau d'emploi, récupèrent au plus vite les fonds propres qu'elles possédaient avant l'ère COVID-19. Toutefois dès qu'une société décidera de distribuer ses bénéfices, ceux-ci seront soumis aux taux d'imposition en vigueur (2).

(2) Voir en ce sens Doc. Parl., Chambre, session 2019-2020, DOC 55-1412/001, p. 3 et DOC 55-1412/003, p. 3.

II. DISPOSITIONS LÉGALES

2. Ci-après, les art. 2 et 3, L 19.11.2020.

Art. 2

Dans le titre III, chapitre II, section III, du Code des impôts sur les revenus 1992, il est inséré une sous-section V/1 intitulée « Réserve de reconstitution ».

Art. 3

Dans le titre III, chapitre II, section III, sous-section V/1, du même Code, insérée par l'article 2, il est inséré un article 194quater/1 rédigé comme suit :

« Art. 194quater/1. § 1er. La réserve de reconstitution constituée par la société à la fin d’une période imposable qui se rattache à un des exercices d’imposition 2022, 2023 ou 2024, est exonérée dans les limites et sous les conditions déterminées ci-après.

Sans préjudice du montant maximal d’exonération visé au paragraphe 3, la réserve de reconstitution est constituée à concurrence d’un montant d’affectation par période imposable limité aux bénéfices imposables réservés de la période imposable déterminés avant la composition de la réserve exonérée visée au présent article.

§ 2. Ce régime n’est pas applicable aux sociétés suivantes :

1° les sociétés d’investissement visées aux articles 15 et 271/10 de la loi du 3 août 2012 relative aux organismes de placement collectif qui répondent aux conditions de la directive 2009/65/CE et aux organismes de placement en créances, les sociétés d’investissement visées aux articles 190, 195, 285, 288 et 298 de la loi du 19 avril 2014 relative aux organismes de placement collectif alternatifs et à leurs gestionnaires, les sociétés immobilières réglementées, ainsi que les organismes de financement de pensions visés à l’article 8 de la loi du 27 octobre 2006 relative au contrôle des institutions de retraite professionnelle ;

2° les sociétés coopératives en participation, en application de la loi du 22 mai 2001 relative à la participation des travailleurs dans le capital des sociétés et à l’établissement d’une prime bénéficiaire pour les travailleurs ;

3° les sociétés de navigation maritime qui sont soumises à l'impôt conformément aux articles 115 à 120 ou à l'article 124 de la loi-programme du 2 août 2002 ;

4° les sociétés qui ont effectué, durant la période du 12 mars 2020 jusqu'au jour de l'introduction de la déclaration se rattachant à l'exercice d'imposition endéans lequel l'affectation de la réserve de reconstitution est présentée, un rachat d'actions ou de parts propres, l'attribution ou la distribution de dividendes visée à l'article 18, en ce compris les distributions de réserves de liquidation visées aux articles 184quater et 541, ou une diminution de capital, en ce compris la diminution de capital visée à l'article 537 ou toute autre diminution ou distribution de capitaux propres ;

5° les sociétés qui pouvaient être considérées comme entreprises en difficulté au 18 mars 2020.

§ 3. L'exonération visée au paragraphe 1er est accordée à concurrence d'un montant maximal, comprenant les montants de la réserve de reconstitution déjà taxés conformément au paragraphe 5, égal au montant des pertes d'exploitation, déterminé conformément à la législation sur la comptabilité et les comptes annuels, de l'exercice comptable clôturé en 2020, plafonné à 20 millions d'euros.

Par dérogation à l'alinéa 1er, les sociétés clôturant leur exercice comptable pendant la période allant du 1er janvier 2020 au 31 juillet 2020, peuvent choisir que le montant maximal de l'exonération visé à l'alinéa 1er soit limité au montant des pertes d'exploitation, déterminé conformément à la législation sur la comptabilité et les comptes annuels, de l'exercice comptable clôturé en 2021, plafonné à 20 millions d'euros. Ce choix est fait lors de la constitution de la réserve pour la première fois et il est irrévocable.

§ 4. La réserve de reconstitution n'est exonérée que pour autant :

1° qu'elle soit portée et maintenue dans un ou plusieurs comptes distincts du passif et qu'elle ne serve pas de base pour le calcul de la dotation annuelle de la réserve légale ou des rémunérations ou attributions quelconques, et pour autant ;

2° que la société, entre le 12 mars 2020 et la fin de la période imposable endéans laquelle la société bénéficie de la réserve de reconstitution, n'a pas détenu de participation directe dans une société établie dans un Etat qui est repris dans une des listes visées à l'article 307, § 1er/2, ou dans un Etat qui est repris dans la liste visée à l'article 179, AR/CIR 92, et n'a pas effectué des paiements à de telles sociétés d'un montant total de minimum 100.000 euros pour la période imposable, à moins qu'il n'ait été démontré que ces paiements ont été effectués dans le cadre d'opérations réelles et sincères résultant de besoins légitimes de caractère financier ou économique.

§ 5. Les montants affectés à la réserve de reconstitution sont partiellement ou entièrement considérés comme des bénéfices de la période imposable lorsque la société durant cette période imposable :

1° opère un rachat d'actions ou de parts propres, dans la mesure de la valeur du rachat ;

2° distribue ou attribue des dividendes visés à l'article 18, en ce compris les distributions de réserves de liquidation visées aux articles 184quater et 541, dans la mesure du montant du dividende ;

3° opère une diminution de capital, en ce compris la diminution de capital visée à l'article 537 ou toute autre diminution ou distribution de capitaux propres, dans la mesure du montant de la diminution de capital ou de la distribution ;

4° comptabilise dans ses comptes de résultats sous le poste "620 Rémunération et avantages sociaux directs" un montant inférieur à un seuil de 85 % du montant établi pour ce même poste à la date de clôture de l'exercice comptable clôturé en 2019 si cette condition est rencontrée pour la première fois au cours de la période imposable, ou comptabilise sous ce même poste un montant inférieur au seuil antérieurement le plus bas si cette même condition a déjà été rencontrée au cours d'une période imposable antérieure, à concurrence de la différence entre :

a) d'une part, le montant du seuil précité de 85 %, ou le montant du seuil antérieurement le plus bas, respectivement, et ;

b) d'autre part, le montant susvisé du poste "620 Rémunération et avantages sociaux directs" de la période imposable qui est inférieur au seuil précité de 85 %, ou qui est inférieur au seuil antérieurement le plus bas, respectivement.

Le montant imposable visé au présent paragraphe, cumulé sur les différentes périodes imposables, est limité au montant total de la réserve de reconstitution exonérée.

§ 6. En cas d'exonération de bénéfices sur la base du présent article, le contribuable est tenu de joindre un relevé conforme au modèle arrêté par le Roi à la déclaration aux impôts sur les revenus pour les exercices d'imposition dans lesquels l'exonération est appliquée. »

III. PRINCIPE ET LIMITATIONS

3. Conformément à l'art. 194quater/1, § 1er, CIR 92, une société peut constituer à la fin de chaque période imposable qui se rattache à l'ex. d'imp. 2022, 2023 ou 2024, une réserve de reconstitution exonérée sous certaines conditions (voir titre « V. Conditions d'exonération ») et dans certaines limites.

4. La réserve de reconstitution est soumise à une limitation par période imposable mais est également limitée de manière globale pour les 3 ex. d'imp. concernés (3).

(3) Art. 194quater/1, § 1er, al. 2 et § 3, CIR 92.

1. Limitation par période imposable

5. Pour chaque période imposable concernée, la réserve de reconstitution est limitée au montant des bénéfices réservés imposables de cette période déterminé avant constitution de cette réserve exonérée (4). En d'autres termes, la somme affectée par période imposable à la réserve de reconstitution est limitée au montant de l'accroissement des bénéfices réservés imposables après adaptations de la situation de début des réserves et avant constitution de ladite réserve (5).

(4) Art. 194quater/1, § 1er, al. 2, CIR 92.
(5) Voir en ce sens Doc. Parl., Chambre, session 2019-2020, DOC 55-1412/001, p. 6.

2. Limite absolue

6. Le montant maximum de la réserve de reconstitution, en ce compris les montants déjà taxés (voir titre « VI. Imposition »), est (6) :

- égal au montant des pertes d'exploitation, déterminé conformément à la législation sur la comptabilité et les comptes annuels, de l'exercice comptable clôturé en 2020 ;

- plafonné à 20 millions d'euros.

(6) Art. 194quater/1, § 3, al. 1er, CIR 92.

7. Par dérogation à l'alinéa précédent, les sociétés qui clôturent leur exercice comptable au cours de la période allant du 01.01.2020 au 31.07.2020, peuvent choisir que le montant maximum de la réserve de reconstitution soit (7) :

- égal au montant des pertes d'exploitation, déterminé conformément à la législation sur la comptabilité et les comptes annuels, de l'exercice comptable clôturé en 2021 ;

- plafonné à 20 millions d'euros.

Les sociétés qui ont un exercice comptable à cheval se clôturant dans la première partie de l'année 2020 n'ont pas encore nécessairement subi les conséquences négatives de la pandémie et ont ainsi la possibilité d'opter pour les comptes annuels clôturés en 2021 comme référence pour la détermination de la perte d'exploitation (8). Ce choix doit être opéré au moment de la constitution de la réserve de reconstitution pour la première fois et il est irrévocable.

(7) Art. 194quater/1, § 3, al. 2, CIR 92.
(8) Voir en ce sens Doc. Parl., Chambre, session 2019-2020, DOC 55-1412/003, p. 10 et DOC 55-1390/002, p. 26.

8. Pour la détermination de la perte d'exploitation, il est renvoyé à l'AR 29.04.2019 (9) et plus particulièrement, en ce qui concerne les comptes annuels complets, à la rubrique III du schéma du compte de résultat tel que repris à l'annexe 3 (10) et en ce qui concerne les comptes annuels abrégés, à la rubrique II du schéma du compte de résultat tel que repris à l'annexe 4 (10).

(9) L'arrêté royal du 29 avril 2019 portant exécution du Code des sociétés et des associations, MB 30.04.2019, Ed. 2.

(10) Il s'agit en principe des pertes d'exploitation mentionnées au code 9901 des comptes annuels.

IV. EXCLUSIONS

1. Sociétés qui bénéficient d'un régime fiscal particulier

9. Les sociétés suivantes, n'étant pas soumise au régime fiscal de droit commun, sont exclues du régime d'exonération (11) :

- les sociétés d'investissement visées aux art. 15 et 271/10 de la loi du 03 août 2012 relative aux organismes de placement collectif qui répondent aux conditions de la directive 2009/65/CE et aux organismes de placement en créances ;

- les sociétés d'investissement visées aux art. 190, 195, 285, 288 et 298 de la loi du 19 avril 2014 relative aux organismes de placement collectif alternatifs et à leurs gestionnaires ;

- les sociétés immobilières réglementées ;

- les organismes de financement de pensions visés à l'art. 8 de la loi du 27 octobre 2006 relative au contrôle des institutions de retraite professionnelle ;

- les sociétés coopératives en participation, en application de la loi du 22 mai 2001 relative à la participation des travailleurs dans le capital des sociétés et à l'établissement d'une prime bénéficiaire pour les travailleurs ;

- les sociétés de navigation maritime qui sont soumises à l'impôt sur les revenus conformément aux art. 115 à 120 ou à l'art. 124 de la loi-programme du 02 août 2002.

(11) Art. 194quater/1, § 2, 1° à 3°, CIR 92.

2. Sociétés qui procèdent à une diminution ou distribution de capitaux propres

10. Les sociétés qui réalisent des opérations allant à l'encontre de l'objectif de la mesure, en l'espèce le renforcement des fonds propres, sont exclues du bénéfice de celle-ci. Ainsi, ce régime d'exonération ne s'applique pas aux sociétés qui ont effectué durant la période du 12.03.2020 jusqu'au jour de l'introduction de la déclaration se rattachant à l'ex. d'imp. pour lequel la réserve de reconstitution est constituée (12) :

- un rachat d'actions ou de parts propres, ou

- une attribution ou distribution de dividendes visée à l'art. 18, CIR 92, en ce compris les distributions de réserves de liquidation visées aux art. 184quater et 541, CIR 92, ou

- une diminution de capital, en ce compris la diminution de capital visée à l'art. 537, CIR 92, ou

- toute autre diminution ou distribution de capitaux propres.

(12) Art. 194quater/1, § 2, 4°, CIR 92.

11. Il est expressément prévu que lors du rachat d'actions ou parts propres (1er tiret sous le n° 10), le moment de l'acquisition de celles-ci est déterminant pour l'application du régime d'exonération. La qualification éventuelle de dividende conformément à l'art. 186, CIR 92 qui peut avoir lieu ultérieurement n'est pas pertinente (13). En d'autres termes, il convient de tenir compte du moment où les actions ou parts propres sont acquises afin de déterminer si le rachat se situe dans la période visée du 12.03.2020 jusqu'au jour de l'introduction de la déclaration relative à l'ex. d'imp. concerné et non du moment où le dividende est censé être attribué, le cas échéant à une date ultérieure, conformément à l'art. 186, CIR 92.

Il va de soi qu'une opération de rachat d'actions ou parts propres qui interviendrait avant le 12.03.2020 ne préjudicie pas de l'exclusion des sociétés en vertu de l'art. 194quater/1, § 5, al. 1er, 2°, CIR 92 (2e tiret sous le n° 10).

(13) Voir Doc. Parl., Chambre, session 2019-2020, DOC 55-1412/001, p. 7.

12. Les termes « rachat » d'actions ou parts propres ont la même portée que les termes « acquisition » d'actions ou parts propres utilisés à l'art. 186, CIR 92 (14).

(14) Voir en ce sens Doc. Parl., Chambre, session 2019-2020, DOC 55-1412/001, p. 7.

13. En ce qui concerne les notions de « dividendes » et « diminution de capital », il peut être référé aux travaux parlementaires (15) relatifs à la L 23.06.2020 (16) et à la circulaire 2020/C/122 (17).

Conformément à ceux-ci, par dividendes, sont, entre autres, visés :

- la distribution normale de dividendes ;

- le partage par suite du décès, de la démission ou de l'exclusion d'un associé ;

- le bonus de liquidation à l'occasion de la liquidation ;

- la distribution de réserves de liquidation.

Par diminution de capital, est visé :

- le remboursement du capital libéré ;

- le remboursement de montants assimilés à du capital.

Les primes d'émission et autres sommes souscrites par des apports réellement libérés en numéraire ou en nature, autres qu'en industrie (18), à l'occasion de l'émission d'actions ou parts ou de parts bénéficiaires sont assimilées au capital libéré aux conditions prévues par l'article 184, CIR 92.

(15) Doc. Parl., Chambre, session 2019-2020, DOC 55 1309/001, p. 18.

(16) Loi du 23.06.2020 portant des dispositions fiscales afin de promouvoir la liquidité et la solvabilité des entreprises dans le contexte de la lutte contre les conséquences économiques de la pandémie de COVID-19, MB 01.07.2020.

(17) Circulaire 2020/C/122 du 22.09.2020 relative à la réserve exonérée en vue de renforcer la solvabilité et les fonds propres des sociétés suite à la pandémie du Covid-19.

(18) Il convient de noter que le « remboursement » d'apport en industrie aboutit, en principe, à une diminution des fonds propres.

14. Il est en outre précisé que l'affectation du bénéfice de l'exercice comptable (donc sans affecter les capitaux propres) au paiement de participations bénéficiaires aux travailleurs de la société (19) n'est pas un obstacle au bénéfice de ce régime d'exonération.

L'octroi de tantièmes doit être examiné à la lumière des circonstances de fait (notamment la situation où le dirigeant bénéficiaire est également actionnaire ou associé de la société), afin de déterminer si celui-ci doit être requalifié en une distribution de dividendes.

En d'autres termes, il convient de vérifier si au regard des circonstances de fait, l'attribution de tantièmes ne vise pas à se substituer à une attribution de dividendes en vue d'éviter une exclusion de ce régime d'exonération.

A titre d'exemple, une société qui aurait pour politique d'attribuer annuellement une partie du bénéfice de l'exercice comptable sous forme de dividendes à son dirigeant-actionnaire et qui pour l'exercice comptable concerné par ce régime d'exonération n'aurait pas attribué de dividendes mais aurait octroyé un tantième pourrait se voir exclue dudit régime d'exonération.

(19) Conformément à la loi du 22.05.2001 relative à la participation des travailleurs au capital des sociétés et à l'établissement d'une prime bénéficiaire pour les travailleurs.

3. Sociétés en difficulté

15. Ce régime d'exonération n'est pas applicable aux sociétés qui au début de la crise due à la pandémie de COVID-19, en l'espèce, au 18.03.2020, pouvaient être considérées comme des entreprises en difficulté, telles que définies à l'art. 2, § 1er, 4°/2, CIR 92 (20). Il s'agit donc des sociétés :

- pour lesquelles une demande de faillite est introduite ou dont à ce moment la gestion de tout ou partie de l'actif leur est retirée comme cela est prévu aux art. XX. 32 et XX. 100 du Code de droit économique ;

- pour lesquelles une procédure de réorganisation judiciaire est entamée comme cela est prévu au titre V du livre XX du Code de droit économique ;

- qui sont dissoutes et se trouvent en liquidation ;

- dont à la suite de pertes, l'actif net est devenu négatif ou réduit à un montant inférieur à la moitié de la partie des capitaux propres qui sont indisponibles en vertu des statuts ou de la loi qui régit la société ;

- qui ont reçu des aides qui ont été considérées comme compatibles par la Commission européenne avec des lignes directrices concernant les aides d'Etat au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté autres que les établissements financiers du 31.07.2014 (JO C 249) ou avec l'art. 107, al. 3, b, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et qui en cas d'aide au sauvetage n'ont pas encore remboursé le prêt ou mis fin à la garantie ou en cas d'aide à la restructuration sont toujours soumises au plan de restructuration.

La mesure est en effet destinée à aider les entreprises qui sont en principe saines, mais qui font face à des problèmes temporaires de liquidités suite à la pandémie de COVID-19 (21).

(20) Art. 194quater/1, § 2, 5°, CIR 92.

(21) Voir Doc. Parl., Chambre, session 2019-2020, DOC 55-1412/001, p. 7.

V. CONDITIONS D'EXONÉRATION

16. La réserve de reconstitution n'est exonérée que pour autant qu'il soit satisfait aux deux conditions suivantes.

1. Condition d'intangibilité

17. La réserve de reconstitution n'est exonérée que dans la mesure où elle est portée et maintenue dans un ou plusieurs comptes distincts du passif et qu'elle ne serve pas de base au calcul de la dotation annuelle de la réserve légale ou des rémunérations ou attributions quelconques (22).

(22) Art. 194quater/1, § 4, 1°, CIR 92.

2. Sociétés non liées à des paradis fiscaux

18. La réserve de reconstitution n'est exonérée que pour autant que la société, entre le 12.03.2020 et la fin de la période imposable endéans laquelle la société bénéficie de la réserve de reconstitution, n'a pas :

- détenu de participation directe dans une société établie dans un État qui est repris dans une des listes visées à l'art. 307, § 1er/2, CIR 92 ou dans un État qui est repris dans la liste visée à l'art. 179, AR/CIR 92 ;

- effectué des paiements à de telles sociétés, d'un montant total de minimum 100.000 euros pour la période imposable, à moins qu'il n'ait été démontré que ces paiements ont été effectués dans le cadre d'opérations réelles et sincères résultant de besoins légitimes de caractère financier ou économique (23).

(23) Art. 194quater/1, § 4, 2°, CIR 92.

19. Il ressort du second tiret que les paiements effectués de bonne foi ou d'un montant limité n'auront jamais pour conséquence l'imposition de la réserve de reconstitution.

Le Conseil d'Etat souligne l'absence de réfutation (preuve du contraire) dans le cas d'une détention d'une participation (1er tiret du n° 18) à la différence de l'exécution d'un paiement (2e tiret du n° 18). A ce propos, le législateur précise « qu'un contribuable qui effectue des paiements à un résident établi dans un paradis fiscal n'est simplement pas comparable à une société qui détient une participation dans une filiale établie dans un paradis fiscal. On peut affirmer que le choix de créer une filiale ou la détention de participations constitue un choix actif. Cela permet de justifier que dans un cas, il est possible de prouver le contraire et dans l'autre cas, ce ne l'est pas » (24).

(24) Voir Doc. Parl., Chambre, session 2019-2020, DOC 55-1412/001, pp. 8 et 9.

VI. IMPOSITION

20. L'exonération de la réserve de reconstitution n'est pas définitivement acquise. Celle-ci deviendra imposable au plus tard à la clôture de la liquidation et, si les conditions d'exonération détaillées aux n°s 16 à 19 ne sont plus respectées, la réserve de reconstitution devient également imposable.

21. En outre, l'art. 194quater/1, § 5, CIR 92 énonce les différentes opérations qui conduisent à une imposition - partielle ou complète - de la réserve de reconstitution. Les montants affectés à la réserve de reconstitution sont considérés partiellement ou entièrement comme des bénéfices de la période imposable, lorsque la société procède durant cette période imposable une ou plusieurs de ces opérations décrites ci-après.

22. Il s'agit principalement des mêmes opérations que celles qui entrainent l'exclusion du régime d'exonération lorsqu'elles sont réalisées durant la période du 12.03.2020 jusqu'au jour de l'introduction de la déclaration relative à l'ex. d'imp. pour lequel la réserve de reconstitution est revendiquée (voir n°s 10 et suivants).

23. Les montants imposés conformément à l'art. 194quater/1, § 5, CIR 92, cumulés sur les différentes périodes imposables, sont limités au montant de la réserve de reconstitution. En d'autres termes, les montants imposés cumulés ne peuvent excéder le montant total de la réserve de reconstitution exonérée.

1. Rachat d'actions ou de parts propres

24. Conformément à l'art. 194quater/1, § 5, 1°, CIR 92, lorsque la société acquiert ses propres actions ou parts, les montants affectés à la réserve de reconstitution sont imposables à concurrence de la valeur du rachat, en d'autres termes, le prix d'acquisition ou à défaut, la valeur des actions ou parts acquises.

25. La réserve de reconstitution est imposable pour la période imposable au cours de laquelle les actions ou parts propres sont acquises (voir n° 11).

2. Attribution ou distribution de dividendes

26. Conformément à l'art. 194quater/1, § 5, 2°, CIR 92, lorsque la société paye ou attribue des dividendes visés à l'art. 18, CIR 92, en ce compris les distributions de réserves de liquidation visées aux art. 184quater et 541, CIR 92, les montants affectés à la réserve de reconstitution sont imposables à concurrence du montant du dividende.

3. Diminution ou distribution de capitaux propres

27. Conformément à l'art. 194quater/, § 5, 3°, CIR 92, lorsque la société opère :

- une diminution de capital, en ce compris la diminution de capital visée à l'art. 537, CIR 92, ou

- toute autre diminution ou distribution de capitaux propres,

les montants affectés à la réserve de reconstitution sont imposables à concurrence du montant de la diminution de capital ou de la diminution ou distribution de capitaux propres.

4. Economie sur les rémunérations

28. Conformément à l'art. 194quater/1, § 5, 4°, CIR 92, lorsque la société comptabilise une baisse de ses coûts salariaux en dessous d'un certain seuil, en l'espèce 85 % des coûts salariaux enregistrés pour l'exercice comptable clôturé en 2019, les montants affectés à la réserve de reconstitution sont imposés à concurrence de la réduction des coûts sous le seuil de 85 % précité.

En d'autres termes, lorsque le compte « 620 Rémunérations et avantages sociaux directs » présente un montant inférieur :

- soit à 85 % du montant établi pour ce même poste pour l'exercice comptable clôturé en 2019, lorsque cette condition est rencontrée pour la première fois ;

- soit au seuil antérieurement le plus bas, lorsque cette même condition a déjà été rencontrée au cours d'une période imposable antérieure,

les montants affectés à la réserve de reconstitution sont imposables à concurrence de la différence entre :

- le montant du seuil de 85 % ou le montant du seuil antérieurement le plus bas, et ;

- le montant comptabilisé au compte « 620 Rémunérations et avantages sociaux directs » précité.

29. Cette condition s'apprécie à partir de la période imposable au cours de laquelle la réserve de reconstitution est créée (25).

(25) Questions et interpellations jointes de Joy Donné (55015587C) et Wouter Vermeersch (55000114I), Chambre, session 2020-2021, CRIV 55 COM 433, p. 30 et svt.

VII. EXEMPLE

Données

Une société qui clôture par année civile, a réalisé pour l'exercice comptable clôturé au 31.12.2020 une perte d'exploitation de 1.200.000 euros. Conformément à l'art. 194quater/1, CIR 92, pour les ex. d'imp. 2022, 2023 et/ou 2024, elle peut constituer, dans les limites et aux conditions y prévues, une réserve de reconstitution à hauteur de ce même montant.

Le compte « 620 Rémunérations et avantages sociaux directs » s'élève à 350.000 euros pour l'exercice comptable clôturé au 31.12.2019.

Ex. d'imp. 2022

Les bénéfices réservés imposables s'élèvent à 300.000 euros. La société décide de constituer une réserve de reconstitution à hauteur de ce même montant.

Le compte « 620 Rémunérations et avantages sociaux directs » présente un solde de 280.000 euros. Le seuil de 85 % (350.000 x 85 % = 297.500) n'est pas atteint à concurrence de 17.500 euros (297.500 – 280.000). Le montant affecté à la réserve de reconstitution doit dès lors être considéré comme un bénéfice de la période imposable à concurrence de 17.500 euros (26).

Toutes les autres conditions et limites prescrites par l'art. 194quater/1, CIR 92, sont respectées.

La réserve de reconstitution figurant au 328 S au 31.12.2021 s'élève donc à 282.500 euros (300.000 – 17.500). A ce stade, une réserve de reconstitution peut encore être constituée à hauteur de 900.000 euros (1.200.000 – 300.000).

(26) Questions et interpellations jointes de Joy Donné (55015587C) et Wouter Vermeersch (55000114I), Chambre, session 2020-2021, CRIV 55 COM 433, p. 30 et svt.

Ex. d'imp. 2023

Les bénéfices réservés imposables de la période s'élèvent à 400.000 euros. La société décide de constituer une réserve de reconstitution à hauteur de ce même montant.

La réserve de reconstitution figurant au 328 S au 31.12.2022 s'élève à 682.500 euros (282.500 + 400.000). Une réserve de reconstitution peut encore être constituée en exonération d'impôt à hauteur de 500.000 euros (900.000 – 400.000).

Le solde du compte « 620 Rémunérations et avantages sociaux directs » est resté inchangé.

Ex. d'imp. 2024

Les bénéfices réservés imposables de la période s'élèvent à 250.000 euros. Au 31.10.2023, la société a attribué un dividende à hauteur de 100.000 euros.

La société ne peut pas constituer de réserve de reconstitution pour l'ex. d'imp. 2024 (27).

En outre, le compte « 620 Rémunérations et avantages sociaux directs » présente un solde de 270.000 euros. Le seuil antérieurement le plus bas, soit 280.000 euros, n'est pas atteint à concurrence d'un montant de 10.000 euros (280.000 – 270.000).

Les montants affectés à la réserve de reconstitution doivent être considérés comme des bénéfices imposables à concurrence d'une part, du montant du dividende, en l'espèce 100.000 euros et, d'autre part, de la nouvelle réduction du poste « 620 Rémunérations et avantages sociaux directs », soit 10.000 euros.

La réserve de reconstitution au 31.12.2023 figurant au 328 S s'élève ainsi à 572.500 euros (682.500 – 100.000 – 10.000).

(27) Question n° 173 de Christian Leysen, Chambre, session 2020-2021, QRVA 55 040, p. 84 et svt.

VIII. FORMALITÉS

30. Pour pouvoir bénéficier du régime d'exonération de la réserve de reconstitution, le contribuable est tenu de joindre le relevé 275 RR à sa déclaration à l'ISoc ou à l'INR/Soc, pour les ex. d'imp. pour lesquelles l'exonération est appliquée.

Plus précisément, il convient de joindre ledit relevé pour chaque exercice d'imposition pour lequel l'exonération est octroyée ou continue à être appliquée (aussi longtemps qu'une réserve de reconstitution est reprise dans le 328 S).

AU NOM DU MINISTRE
Pour l'Administrateur général de la Fiscalité,

D. DELVAUX
Conseiller général

Réf. interne : 729.509

Source : Fisconetplus

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