Déductibilité de la TVA sur les frais de publicité et de courtage en cas de vente d’immeuble à appartements : la Cour de justice clarifie

Dans le secteur immobilier, il est courant qu'un promoteur se charge de la réalisation d’un projet immobilier sur un terrain qui appartient à une autre société. En cas de vente à des tiers, la société foncière cède les parts indivises de terrain (cession soumise aux droits d'enregistrement) tandis que le promoteur immobilier vend les bâtiments sous le régime de la TVA. C’est ce que l’on appelle les ventes fractionnées.


Les frais de publicité, les frais administratifs ainsi que les commissions d’agents immobiliers (ci-après appelés ensemble les « frais de publicité et de courtage ») sont généralement facturés à l'entreprise de construction qui déduit 100% de la TVA sur ces frais.

En cas de contrôle TVA, la déduction de 100% des frais précités conduit souvent à des discussions avec l’Administration qui veut limiter la déductibilité de la TVA encourue amont parce que ces dépenses sont réputées se rapporter également aux ventes réalisées par la société foncière. Ainsi, l'Administration de la TVA impose une restriction de la déduction de la TVA en amont qui est déterminée sur la base du chiffre d'affaires réalisé par la société foncière et par l'entreprise de construction.


Dans une précédente lettre d'information, nous avions souligné que la Cour de cassation avait remis en cause cette position de l’Administration de la TVA et avait saisi la Cour de justice de l’Union européenne de plusieurs questions préjudicielles. La Cour a rendu son arrêt le 1er octobre 2020 (C-405/19).


Dans son arrêt, la Cour de justice a précisé que le simple fait qu'une partie des dépenses engagées bénéficie à la société foncière ne suffit pas en soi à limiter le droit à déduction de la TVA dont dispose la société de construction. Toutefois, la Cour exige qu’il existe un lien direct et immédiat entre lesdites dépenses et l’activité économique de l’assujetti et que l’avantage pour le tiers (la société foncière) [soit] accessoire par rapport aux besoins de l’entreprise de l’assujetti.


La question de savoir s'il existe un lien direct entre ces dépenses et les ventes soumise à la TVA du promoteur immobilier reste une question de fait dont l'appréciation est laissée à la juridiction nationale.


En réponse à la troisième question de la Cour de cassation, la Cour de justice précise également que le fait que l'entreprise de construction puisse répercuter sur le propriétaire foncier une partie de ces dépenses est un indice en faveur de la conclusion selon laquelle cette partie des dépenses n'est pas liée aux activités du promoteur immobilier qui sont soumises à la TVA. Toutefois, la Cour poursuit en précisant que cet élément ne suffit pas à lui seul pour déterminer l'étendue du droit à déduction de la TVA du promoteur immobilier. Toutes les circonstances de fait doivent être dûment prises en compte.


Cette décision est positive entre autres pour le secteur immobilier car la méthode standard de limitation du droit à déduction de la TVA, appliquée par l'Administration de la TVA et décrite ci-dessus, ne peut plus désormais continuer à s'appliquer intégralement en cas de contrôle.


Si, dans les faits, il est clair que l'ensemble de la gestion du projet de construction et de sa commercialisation incombe à la société de construction, la société foncière ayant une activité passive (se contentant de vendre des parts de terrain dès qu'un acheteur est trouvé), le droit à la déduction de 100% de la TVA relative aux dépenses susmentionnées doit être possible. Par contre, la restriction du droit à déduction ne peut être évitée si, dans les faits, le promoteur immobilier peut répercuter une partie desdites dépenses sur la société foncière.


Même s'il était établi sur la base des faits réels qu'une restriction de la déduction de la TVA est justifiée (ce qui de notre expérience ne va pas de soi), précisons qu’une restriction basée uniquement sur le chiffre d'affaires réalisé par l’une et l’autre partie serait entre autres contraire aux principes européens.


Reste à voir comment la Cour de cassation appliquera cet arrêt dans sa décision finale et comment cela sera ensuite évalué par une Cour d'appel (le cas échéant).


To be continued…


Stijn Vastmans - Associé (stijn.vastmans@tiberghien.com)

Stein De Maeijer - Counsel (stein.demaeijer@tiberghien.com)

Samira Moujahid - Associate (samira.moujahid@tiberghien.com)

Justine Smeets - Associate (justine.smeets@t


Source : Tiberghien

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