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Fusions entre sociétés sœurs: un pas important vers une véritable neutralité fiscale

1. Une mise en cohérence du droit fiscal et du droit des sociétés

Le 23 octobre 2025, le Parlement belge a approuvé une loi alignant le droit fiscal sur le droit des sociétés pour les opérations de réorganisation sans émission de nouvelles actions, telles que les « fusions entre sociétés sœurs » (side stream mergers).

Jusqu’à présent, l’absence d’émission de nouvelles actions empêchait ces « sister mergers » d’être pleinement neutres fiscalement, alors qu’elles étaient déjà possibles en droit des sociétés.

La nouvelle loi renforce la continuité fiscale et rapproche les deux cadres juridiques.


2. Ce qui change

La réforme apporte plusieurs ajustements techniques majeurs :

1. Article 211 CIR – Neutralité sans émission de nouvelles actions

L’article 211 du CIR est modifié :

  • la neutralité fiscale s’applique désormais même en l’absence d’émission de nouvelles actions ;
  • le capital libéré et les réserves exonérées peuvent être transférés sans discontinuité vers la société absorbante.

2. Article 102 CIR – Continuité de la valeur d’acquisition fiscale des actions

L’article 102 du CIR est adapté pour prévoir que :

  • la valeur fiscale d’acquisition des actions de la société absorbante intègre la valeur d’acquisition historique des actions des sociétés sœurs absorbées ;
  • ceci garantit une continuité fiscale lors d’une cession ultérieure des actions.

3. Article 192 CIR – Délai de détention pour l’exonération des plus-values

L’article 192 du CIR est clarifié :

  • la période de détention d’un an, requise pour l’exonération des plus-values sur actions, s’applique désormais proportionnellement aux composantes absorbée et absorbante ;
  • cela permet de mieux tenir compte de l’historique de détention dans le cadre d’une fusion entre sociétés liées.

4. Droits d’enregistrement – Application du taux de 0 % sans nouvelles actions

En matière de droits d’enregistrement :

  • le droit de 0 % sur les apports et réorganisations s’applique même lorsqu’aucune nouvelle action n’est émise ;
  • cette neutralité vaut également pour certaines opérations assimilées, telles que les « scissions partielles silencieuses ».

5. Définition de l’« unité d’exploitation »

Les définitions fiscales de l’« unité d’exploitation » (« branche d’activité » / « bedrijfstak ») sont mises à jour :

  • elles sont alignées sur la notion en droit des sociétés ;
  • cet alignement renforce la cohérence entre droit fiscal et droit des sociétés pour les restructurations.

6. Associations et fondations soumises à l’ISoc

Un régime similaire est étendu aux associations et fondations soumises à l’impôt des sociétés,

  • et ce même en l’absence d’actions,
  • afin de garantir une approche cohérente pour ces entités dans les opérations de réorganisation.


3. Ce qui limite encore la neutralité complète

Malgré ces avancées, certaines limitations subsistent et empêchent encore d’atteindre une neutralité fiscale totale :

  • Application prorata aux latences fiscales :
    • la répartition prorata temporis ou proportionnelle des latences fiscales ne permet pas leur transfert intégral entre sociétés fusionnées, ce qui maintient des zones de friction.
  • Définitions encore partiellement divergentes :
    • les définitions fiscales et sociétaires ne sont pas entièrement alignées ;par exemple,
    • la neutralité ne couvre pas encore toutes les formes de fusions indirectes entre sociétés sœurs.
  • Asymétries de calendrier et de valorisation :
    • des décalages subsistent entre :
      • la date de l’acte en droit des sociétés et la prise d’effet fiscale,
      • les règles de valorisation (continuité vs discontinuité),

ce qui peut conduire à des traitements asymétriques entre les deux branches du droit.


4. En conclusion : une avancée importante, mais pas encore l’aboutissement

Cette réforme constitue un ancrage solide vers une neutralité fiscale accrue des fusions entre sociétés sœurs et des réorganisations sans émission de nouvelles actions.

Elle marque un rapprochement significatif entre le droit des sociétés et le droit fiscal, tout en laissant en suspens certaines questions techniques (latences, fusions indirectes, asymétries de timing et de valorisation).

En d’autres termes : un pas important vers le sommet, mais la montée n’est pas encore achevée.

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