La loi programme modifie (déjà) en profondeur le régime CFC

Pourquoi une modification de ce régime ?

La loi programme du 21 décembre 2023 renverse les fondamentaux du régime des « sociétés / entités étrangères contrôlées » (« CFC ») tel qu’appliqué depuis le 1er janvier 2019. Pour rappel, ce régime permet d’imposer les bénéfices non distribués de certaines entités étrangères qualifiées.

Il trouve son origine dans la Directive ATAD I du 12 juillet 2016 (Directive (UE) 2016/1164) qui offrait aux États Membres le choix entre deux approches :

  • L’approche « transactionnelle », qui vise l’imposition dans le chef du contribuable belge des bénéfices non distribués d’une CFC pour autant qu’ils résultent de montages non authentiques mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal ; et
  • L’approche « entité », plus radicale, qui vise à imposer dans le chef du contribuable belge, certaines catégories prédéfinies de revenus passifs générés par la CFC (dont le mécanisme complexe de recalcul n’est pas sans rappeler celui de la taxe Caïman).

Le législateur belge avait opté à l’époque pour l’approche transactionnelle.

Toutefois, en raison du double emploi avec les règles applicables en matière de prix de transfert et de son champ d’application trop restrictif, ce régime s’est avéré particulièrement complexe et inefficace (sans doute était-ce l’objectif du législateur à l’époque qui souhaitait limiter les atteintes d’ATAD à l’attractivité du régime holding belge).

Sur la base de ce constat et compte tenu de la volonté affichée de « passer à la vitesse supérieure dans la lutte contre l’évasion fiscale » (et d’un cadre budgétaire défavorable), le législateur a pris la décision de migrer vers une architecture CFC basée sur l’approche entité.

À compter de l’exercice d’imposition 2024, les sociétés belges doivent mentionner dans leur déclaration fiscale l’existence de chaque société étrangère et établissement étranger qualifié de CFC (point B ci-dessous) et inclure certains revenus passifs de ces CFC dans leur base imposable belge (point C ci-dessous).

Quelles sont les participations que ma société doit déclarer comme CFC ?

Le nouveau régime s’articule, comme l’ancien, autour (a.) d’une condition de participation et d’une condition de taxation prenant la forme d’un « recalcul à la belge » (ces conditions d’application sont cumulatives) mais la loi-programme introduit (b.) trois nouvelles exclusions.

a. Conditions de participation et de taxation

Une entité étrangère est qualifiée de CFC lorsque :

  • Le contribuable lui-même ou avec d’autres entités associées (toute entité avec laquelle le contribuable présente un lien direct ou indirect de 25% en capital, droits de votes ou droits aux bénéfices) détient :
    • Soit, la majorité des droits de votes se rattachant aux actions émises par la société étrangère ;
    • Soit, une participation d’au moins 50% dans le capital de cette société ;
    • Soit, le droit de percevoir au moins 50% des bénéfices de cette société ;
  • Le ministre des Finances a précisé dans l’exposé des motifs que les établissements stables des contribuables belges sont toujours réputés satisfaire à la condition de participation.
  • La société étrangère ou l’établissement étranger n’est pas soumis à un impôt sur les revenus ou est soumis à un impôt sur les revenus inférieur à 50% de l’impôt sur les sociétés belges qui serait dû si cette entité était établie ou située en Belgique. Cette condition est présumée remplie si l’entité étrangère est située dans une juridiction reprise sur la liste des juridictions non coopératives établie par l’UE ou sur la liste des États à fiscalité inexistante ou peu élevée.

b. Exclusions

La loi-programme prévoit trois cas d’exclusion :

  • La CFC dispose d’une substance suffisante parce qu’elle exerce une activité économique substantielle au moyen de personnel, d’équipements, de biens et de locaux, étant entendu que :
    • oL’exercice d’une activité économique s’entend comme l’offre de biens ou de services sur un marché donné (ceci vise donc également les prestations de services pour d’autres entités du groupe pour autant que ces services soient offerts aux conditions du marché) ;
    • oLe ministre des Finances précise que les revenus obtenus grâce à cette activité économique doivent être substantiels par rapport aux revenus totaux obtenus par la CFC ;
    • oLes moyens mis à disposition de l’entité (personnel, équipements, etc…) doivent être crédibles par rapports au chiffre d’affaires et à l’activité économique exercée ;
  • Moins d’un tiers (1/3) des revenus totaux de la CFC sont des revenus passifs ; ou
  • La CFC est une entreprise financière visée à l’article 198/1, §6, 1° à 12° CIR92 qui exerce son activité auprès des tiers (principalement les banques et les compagnies d’assurances).

C. Quels sont les revenus à inclure dans la base belge ?

Les bénéfices CFC – qui doivent être inclus dans la base belge - sont déterminés comme si la CFC était établie ou située en Belgique ; il est ici tenu compte des conventions conclues par l’État dans lequel la société étrangère est établie (et non des conventions conclues par la Belgique) ;

Les bénéfices de la CFC sont intégrés dans la base imposable de la société belge après application successive des trois proratas suivants :

  • Seule la partie des bénéfices de la période imposable qui n’ont pas été distribués par l’entité contrôlée au cours de la période est réintégrée ;
  • Les bénéfices réintégrés sont limités proportionnellement aux revenus de la CFC qui proviennent de revenus passifs (dividendes, intérêts et revenus assimilés, redevances, revenus provenant de contrats de location ou de leasing opérationnel ou financier, les revenus issus de l’achat et de la vente de biens et services, auxquels peu ou pas de valeur économique n’est ajoutée par l’entité étrangère, etc.) ; et
  • Les bénéfices réintégrés sont encore limités au prorata de la participation (calculée au plus élevé du capital, des droits de vote ou des droits au bénéfice détenus directement par le contribuable belge).

D. Évitement de la double imposition et crédit d’impôt

La loi-programme refond également les différents mécanismes prévus dans l’ancien régime pour éviter la double imposition, sans toutefois en modifier profondément la substance, nous n’examinerons donc pas ceci plus avant.

Notons encore que la loi-programme introduit dans le nouvel article 289/1 dans le CIR92, un crédit d’impôt afin de tenir compte, lors de la détermination de l’impôt dû par le contribuable en Belgique, de l’impôt sur les revenus payé à l’étranger par la ou les CFC.

Conclusion

Le passage à l’approche entité entraîne des conséquences pratiques importantes dans le chef des holdings belges qui détiennent des participations ou des établissements stables qualifiant à l’étranger qui vont devoir effectuer de nombreux « recalculs à la belge » afin de s’assurer d’introduire une déclaration fiscale correcte en Belgique.

Nous ne pouvons que recommander d’examiner dès aujourd’hui la mesure dans laquelle cette refonte du régime CFC va impacter votre groupe.


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