La nouvelle convention fiscale belgo-française va faire mal au portefeuille de nombreux Belges.

Le 9 novembre dernier, la Belgique et la France ont signé une nouvelle convention préventive de la double imposition. Celle-ci entrera en vigueur à l’issue du processus de ratification législatif à venir (probablement le 1er janvier 2023, voire le 1er janvier 2024).

Cette nouvelle convention fiscale mérite que l’on s’y attarde dès à présent, même si son échéance semble lointaine. En effet, elle impactera de nombreux résidents belges, notamment les détenteurs d’actions de sociétés françaises ou les propriétaires d’immeubles en France (directement ou via une société). Dans certains cas, une restructuration du patrimoine pourrait s’avérer opportune, en vue d’anticiper les conséquences fiscales défavorables de la nouvelle convention.

Résidents belges détenant des actions dans des sociétés françaises

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la nouvelle convention n’apporte guère de nouvelles réjouissantes aux nombreux Belges détenant des actions françaises (Engie, TotalEnergies,…). En effet, celle-ci les privera définitivement du droit d’imputer un crédit d’impôt (la « quotité forfaitaire d’impôt étranger » ou « QFIE ») sur l’impôt belge frappant les dividendes de source française, ce qui conduira à un doublement de la pression fiscale.

Petite illustration. Lorsqu’une société française distribue un dividende à un particulier belge, celui-ci est soumis d’abord à une retenue à la source en France au taux de 12,8%. Ensuite, le dividende net subit l’impôt en Belgique au taux de 30% (87,2 x 30% = 26,16%). Soit une imposition totale de 38,96%. Afin d’atténuer cette double imposition, la convention fiscale belgo-française actuellement en vigueur impose à la Belgique d’octroyer un crédit d’impôt (la QFIE), qui doit s’élever à au moins 15 % du montant net du dividende. Cela signifie que l’impôt belge de 26,16 euros est réduit à hauteur d’une QFIE de 15 %, soit de 13,08 euros. L’imposition globale des dividendes français passe donc de 38,96% à 25,88%. On notera au passage que ce droit d’imputer la QFIE a été reconnu par l’administration fiscale belge dans une circulaire du 28 mai 2021, après une bataille juridique acharnée.

Mais comme la nouvelle convention fiscale supprime le droit d’imputer la QFIE, les actionnaires belges de sociétés françaises seront taxés à 38,96% sur les dividendes reçus à partir de 2023 (voire 2024). D’ici là, il est par contre encore possible de revendiquer la QFIE ; la chasse aux actions françaises productives de gros dividendes peut donc encore se poursuivre un peu…

Résidents belges détenant (directement ou indirectement) des immeubles en France

La nouvelle convention fiscale ne fera pas davantage les affaires des résidents belges détenant (directement ou indirectement) des immeubles en France.

a.Taxation des gains provenant de la cession d’actions de sociétés détenant des immeubles en France

D’abord, la nouvelle convention va impacter lourdement les particuliers (ou les sociétés belges), lorsqu’ils réaliseront des plus-values lors de la vente d’actions de sociétés possédant des biens immobiliers situés en France.

Pour y voir clair, il faut commencer par rappeler que, suivant la convention fiscale en vigueur à l’heure actuelle, les résidents belges échappent en principe à toute imposition, tant en France qu’en Belgique, lorsqu’ils réalisent une plus-value lors de la cession de leurs parts dans une société immobilière française. Il est ainsi généralement admis que c’est la Belgique (et non la France) qui a le pouvoir de taxer pareille plus-value sur la base de la convention fiscale actuelle. Or, en Belgique, les plus-values sur actions sont exonérées dès lors qu’elles relèvent de la gestion normale du patrimoine privé. Pas d’impôt donc sur la plus-value. Un mini-paradis fiscal !

La nouvelle convention fiscale va changer la donne, puisqu’elle permettra désormais à la France de taxer les gains provenant de la cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière en France. Imaginons qu’un particulier belge réalise une plus-value lors de la vente de ses parts dans une société civile immobilière (SCI) française. Le fisc français pourra alors réclamer le prélèvement de 19%, sans compter les prélèvements sociaux et la taxe sur les plus-values immobilières élevées. La note fiscale peut ainsi être salée !

Ne faut-il dès lors pas anticiper les conséquences fiscales défavorables de la nouvelle convention, en cédant les actions dans pareilles sociétés immobilières avant son entrée en vigueur (2023 ou 2024) ? Oui… mais attention au retour de bâton : l’administration fiscale française a parfois tendance à défendre une interprétation (contestable !) de la convention actuelle, en vue de taxer les gains de cession d’actions de sociétés immobilières en France…

b.Seconde résidence en France non louée

La nouvelle convention réserve une autre mauvaise surprise à une bonne partie des quelque 55.000 Belges détenant une résidence secondaire en France. En effet, si la seconde résidence n’est pas louée, la Belgique a en théorie le pouvoir d’imposer un revenu fictif, basé sur le nouveau cadastral qui sera attribué par l’administration aux immeubles étrangers.

Cette situation, qui a vraisemblablement échappé aux rédacteurs de la nouvelle convention, s’explique par le fait que la nouvelle convention n’oblige la Belgique à exonérer les revenus immobiliers de source française que dans la mesure où ceux-ci sont “effectivement imposés” en France. Comme la France ne taxe pas le revenu « fictif » découlant de la détention d’un immeuble non loué, la Belgique a la voie libre pour taxer son propriétaire belge…

Denis-Emmanuel Philippe

Source : Bloom-12 décembre 2021 - article publié dans la libre ECO

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