Les investisseurs belges sont confrontés à un éternel problème de double imposition de leurs dividendes de source étrangère. Dans certains cas, ils peuvent néanmoins obtenir un crédit d’impôt, que l’on désigne par l’acronyme « QFIE ». Bientôt, ils pourront aussi tirer profit plus rapidement des réductions de retenues à la source sur leurs dividendes de sociétés établies dans d’autres Etats membres.
Lorsqu’un investisseur privé belge recueille des dividendes d’une société belge, ceux-ci sont, en principe, soumis au précompte mobilier libératoire de 30%. La situation d’épargnants percevant des dividendes de sociétés étrangères est, en revanche, moins confortable. Ces dividendes doivent, en effet, subir une double imposition : dans un premier temps, les dividendes sont soumis à une retenue dans l’Etat de la source (souvent réduite à 15% en vertu des conventions préventives de la double imposition); dans un second temps, le montant du dividende net (après la retenue à la source étrangère) est taxé à l’impôt sur les personnes physiques en Belgique (en principe au taux de 30%).
Cette pression fiscale insupportable trouve son origine dans une loi belge de 1988, qui a privé les particuliers du droit d'imputer la QFIE.
La QFIE pourra toutefois être obtenue dans les cas exceptionnels où la Belgique s’engage, dans une convention préventive de la double imposition (CPDI), à octroyer un crédit d’impôt. On retrouve pareil engagement dans quelques CPDI, notamment celles conclues par la Belgique avec la France[1] et l’Italie[2]. Dans un récent jugement, le tribunal de première instance de Liège a considéré qu’il en allait de même de la CPDI avec l’Allemagne, ce qui me semble critiquable. On précisera au passage que lorsque la nouvelle CPDI avec la France entrera en vigueur (sans doute pas avant 2026), il ne sera plus possible de revendiquer la QFIE sur les dividendes de source française.
Les investisseurs belges qui ont recueilli des dividendes de sociétés françaises et italiennes peuvent donc réclamer l’imputation de la QFIE dans leur déclaration fiscale à l’IPP. A cette fin, ils doivent déclarer les dividendes soit au code 1160/2160 si le précompte mobilier belge a été retenu (hypothèse où les dividendes ont été payés sur un compte belge), soit au code 1444/2444 s’il n’y a pas eu de précompte belge (hypothèse où les dividendes ont été perçus sur un compte à l’étranger). Il convient ensuite de compléter la rubrique F, en renseignant le pays (la France ou l’Italie), le code (1160/2260 ou 1444/2444), le montant des dividendes et la nature des revenus (dividendes).
Quid des investisseurs qui ont perçu leurs dividendes sur un compte belge avec application du précompte mobilier libératoire, et qui n’ont pas renseigné leurs dividendes dans leur déclaration fiscale ? L’administration fiscale refuse dans ce cas d’octroyer la QFIE. Suivant deux arrêts rendus par la Cour de cassation en date du 23 novembre 2023, le fisc devrait toutefois rembourser la QFIE même si les dividendes n’ont pas été déclarés au code 1160/2160. Le ministre des Finances a récemment déclaré que son administration ne s’inclinait pas encore, préférant attendre que la chambre francophone de la Cour de cassation rende un arrêt dans une autre affaire pendante. Pour éviter toute discussion, il est vivement conseillé de renseigner les dividendes (ayant été soumis au précompte) dans sa déclaration fiscale…
Lorsqu’un particulier belge reçoit des dividendes en provenance de sociétés étrangères, il peut souvent bénéficier d’une réduction de la retenue à la source étrangère en vertu de la CPDI applicable.
Voici un particulier belge qui a investi dans des actions de sociétés allemandes cotées, par exemple Siemens et Allianz. Il reçoit des dividendes pour 10.000 EUR; ceux-ci sont amputés d'une retenue à la source en Allemagne de 25%. Il lui reste donc 7.500 EUR en poche (10.000 EUR - 2.500 EUR). En vertu de la CPDI entre l'Allemagne et la Belgique, il peut toutefois bénéficier d'une retenue à la source réduite de 15% en Allemagne (au lieu de 25%). Il a donc ici droit à récupérer 1.000 EUR (25% - 15% * 10.000 EUR). Aujourd'hui, il peut introduire une demande de remboursement de l'excédent d'impôt payé en Allemagne. Le problème est que la procédure de remboursement est laborieuse, coûteuse et longue (parfois plus de 2 ans !).
Grâce à une directive appelée FASTER, les contribuables pourront, à partir de 2030, tirer profit rapidement de retenues à la source réduites sur leurs dividendes perçus dans un autre Etat membre.
Petit bémol : cette directive ne prévoit (malheureusement) pas d'harmonisation des législations fiscales des Etats membres en matière de taux des retenues à la source ou de crédits d'impôt. Elle ne solutionnera donc pas l’éternel problème de la double imposition des dividendes de source étrangère…
Denis-Emmanuel Philippe
[1] La Cour de cassation a ainsi jugé à plusieurs reprises que la Belgique était tenue d’octroyer le bénéfice de la QFIE sur les dividendes de source française, en se référant aux termes de la CPDI belgo-française.
[2] En ce sens, on peut renvoyer à un récent jugement du tribunal de première instance de Liège du 13 octobre 2022.