Ce nouvel avis est publié à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 19 novembre 2020 portant l'introduction d'une réserve de reconstitution pour les sociétés, qui permet aux sociétés de rétablir progressivement leur solvabilité en constituant, pour trois périodes imposables, une réserve de reconstitution.
Cette réserve de reconstitution permet de maintenir une fiscalité avantageuse pour les bénéfices à venir, à partir de l’exercice d’imposition 2022, en les exonérant, pour que les sociétés récupèrent au plus vite les fonds propres qu’elles possédaient avant l’ère COVID-19.
La loi du 19 novembre 2020 portant l'introduction d'une réserve de reconstitution pour les sociétés2 introduit une nouvelle mesure en matière d'impôt des sociétés. Cette mesure permet aux entreprises soumises à l’impôt des sociétés de rétablir progressivement leur solvabilité en constituant, pour trois périodes imposables, une réserve de reconstitution à la fin de l’exercice comptable se rattachant à l’exercice d’imposition 2022, 2023 ou 2024.3
Cette réserve de reconstitution permet de maintenir une fiscalité avantageuse pour les bénéfices à venir, à partir de l’exercice d’imposition 2022, en les exonérant, pour que les entreprises soumises à l’impôt des sociétés, si elles maintiennent leurs capitaux propres et leur niveau d’emploi, récupèrent au plus vite les fonds propres qu’elles possédaient avant l’ère COVID-19.
Le montant de la réserve de reconstitution se limite en principe aux pertes d’exploitation4 de l’exercice comptable clôturé en 2020, et ne peut excéder les 20 millions d’euros. Autrement dit, une entreprise dont le résultat d’exploitation de l’exercice concerné n’est pas en perte ne peut pas bénéficier du régime.
L'on entend par perte d’exploitation, la différence négative entre produits d'exploitation et charges d’exploitation, telle qu’elle ressort du modèle des comptes annuels déposés à la Banque nationale de Belgique, sous le code 99015. Il n’est donc pas tenu compte des autres résultats de l’entreprise, qui comprennent notamment les produits financiers, les charges financières et le résultat fiscal.
Le montant négatif à prendre en compte (inscrit sous le code 9901) doit en principe être déterminé conformément à la législation sur la comptabilité et les comptes annuels, à la date de clôture de l’exercice 2020. Ce montant est plafonné à 20 millions d’euros. Par dérogation à ce principe général, les entreprises clôturant leur exercice comptable pendant la période allant du 1er janvier 2020 au 31 juillet 2020 peuvent choisir de limiter le montant maximal de l’exonération au montant des pertes d’exploitation, déterminé conformément à la législation sur la comptabilité et les comptes annuels, de l'exercice comptable clôturé en 2021, de nouveau avec un maximum de 20 millions d’euros. Ce choix est fait lors de la constitution de la réserve pour la première fois et il est irrévocable.6
Dans les limites du montant susvisé, la réserve de reconstitution est constituée à concurrence d’un montant d’affectation par période imposable limité aux bénéfices imposables réservés de la période imposable déterminés, avant la constitution de la réserve exonérée visée à l’article 194quater/1 du CIR 92. La réserve de reconstitution constituée par l’entreprise à la fin d’une période imposable qui se rattache à un des exercices d’imposition 2022, 2023 ou 2024, est donc exonérée dans les limites et sous les conditions déterminées ci-après.
Le montant des bénéfices réservés imposables de la période imposable constaté avant la constitution de la réserve exonérée visée à l’article 194quater/1 du CIR 92, ne se retrouve pas dans les comptes annuels de l’entreprise concernée, mais dans la déclaration à l’impôt des sociétés. L'on entend par là le résultat réservé, diminué de certains éléments7, qui résulte communément du mouvement des réserves de la déclaration à l’impôt des sociétés.
La réserve de reconstitution n’est exonérée qu’à deux conditions. Premièrement, elle doit être portée et maintenue dans un ou plusieurs comptes distincts du passif et ne peut pas servir de base pour des rémunérations ou attributions quelconques.8 Deuxièmement, l’entreprise ne peut pas, entre le 12 mars 2020 et la fin de la période imposable dans laquelle l’entreprise bénéficie de la réserve de reconstitution, avoir détenu de participation directe dans une société établie dans un paradis fiscal9, et ne peut pas avoir effectué des paiements à de telles sociétés d’un montant total de minimum 100 000 euros pour la période imposable, à moins qu’il n’ait été démontré que ces paiements ont été effectués dans le cadre d’opérations réelles et sincères résultant de besoins légitimes de caractère financier ou économique.10
Le maintien de la réserve de reconstitution constituée est toutefois subordonné à la condition que l’entreprise concernée s'abstienne de réaliser certaines opérations. Autrement dit, les montants affectés à la réserve de reconstitution sont partiellement ou entièrement considérés comme des bénéfices de la période imposable lorsque l’entreprise réalise les opérations suivantes durant cette période imposable.
Si la société opère un rachat d’actions ou de parts propres, la réserve de reconstitution doit être reprise à concurrence de la valeur ou du prix d’acquisition du rachat. Si la société distribue des dividendes qui sont considérés tels quels en droit fiscal11, y compris les réserves de liquidation12, il convient également de considérer les montants affectés à la réserve de reconstitution comme des bénéfices de la période imposable à concurrence du montant du dividende. Il en va de même pour les réductions de capital13, ou toute autre diminution ou distribution de capitaux propres, dans la mesure du montant de la diminution de capital ou de la distribution.14
Il convient également de considérer les montant affectés à la réserve de reconstitution comme des bénéfices de la période imposable si l’entreprise comptabilise dans ses comptes de résultats sous le poste 620 Rémunération et avantages sociaux directs15 un montant inférieur à un seuil de 85 pour cent du montant établi pour ce même poste à la date de clôture de l'exercice comptable clôturé en 2019 si cette condition est rencontrée pour la première fois au cours de la période imposable, ou comptabilise sous ce même poste un montant inférieur au seuil antérieurement le plus bas si cette même condition a déjà été rencontrée au cours d'une période imposable antérieure, à concurrence de la différence entre:
Le poste 620 Rémunération et avantages sociaux directs comprend les rémunérations brutes et les cotisations sociales directes, versées aux administrateurs ou gérants17, au personnel de direction, aux employés, aux ouvriers et aux autres membres du personnel.
Il faut entendre par personnel de direction, les travailleurs « chargés de la gestion journalière de l'entreprise, qui ont pouvoir de représenter et d'engager l'employeur, ainsi que les membres du personnel directement subordonnés à ces personnes, lorsqu'ils remplissent également des missions de gestion journalière ».18 La catégorie résiduaire « Autres membres du personnel » vise tous les travailleurs qui ne sont ni employés, ni ouvriers au sens de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail et qui ne font pas partie du personnel de direction tel qu'il a été défini plus haut. Il s'agit entre autres des stagiaires et des apprentis.19
Les avantages sociaux directs sont ceux qui ne sont pas exonérés à l'impôt des personnes physiques. Ne sont donc pas visés les avantages sociaux dont il n'est pas possible, en raison des modalités de leur octroi, de déterminer le montant effectivement recueilli par chacun des bénéficiaires ; les avantages qui, bien que personnalisables, n'ont pas le caractère d'une véritable rémunération ; et les menus avantages ou cadeaux d'usage obtenus à l'occasion ou en raison d'événements sans rapport direct avec l'activité professionnelle20.
Le montant imposable cumulé sur les différentes périodes imposables, est limité au montant total de la réserve de reconstitution exonérée.21
Exemple 122
En 2019 (l’exercice comptable coïncide avec l’année civile), une société a au poste 620 Rémunération et avantages sociaux directs des coûts qui s’élèvent à 100.000 euros. Au cours de l’exercice comptable 2021, elle présente des bénéfices réservés imposables de la période imposable de 350.000 euros et constitue une réserve exonérée à concurrence de ses pertes d’exploitation de l’exercice 2020, à savoir 200.000 euros (code 9901) dans les comptes annuels se clôturant le 31 décembre 2021. Le montant enregistré sur le compte 620 s’élève à 100.000 euros pour ce même exercice. L'écriture suivante est enregistrée.
689 Transfert aux réserves immunisées 200.000
à 132 Réserves immunisées 200.000
Le poste 620 Rémunération et avantages sociaux directs s’élève à 80.000 euros pour l’exercice comptable 2022. Le montant de 80.000 euros est inférieur au seuil de 85 pour cent du poste 620 Rémunération et avantages sociaux directs de l’exercice comptable 2019 (85.000 euros). La réserve de reconstitution doit donc être reprise à concurrence de 5.000 euros. L’écriture sera la suivante :
132 Réserves immunisées 5.000
à 789 Prélèvements sur les réserves immunisées 5.000
Au cours de l’exercice comptable 2023, le poste 620 Rémunération et avantages sociaux directs s’élève à 70.000 euros. La société ne crée plus de nouvelle réserve, le maximum en fonction des pertes d’exploitation de l’exercice comptable 2020 ayant été atteint. Le montant imposable est alors de 80.000 euros (seuil antérieurement le plus bas). En déduisant de ce montant les coûts de l’exercice comptable, à savoir 70.000 euros, l'on obtient la somme de 10.000 euros, qui devra faire l’objet d'une reprise lors de cet exercice. Ceci se traduit par l'écriture suivante :
132 Réserves immunisées10.000
à 789 Prélèvements sur les réserves immunisées 10.000
Exemple 2
En 2019 (l’exercice coïncide avec l'année civile), une société a au poste 620 Rémunération et avantages sociaux directs des coûts qui s’élèvent à 100.000 euros. Pour l’exercice 2020, les pertes d’exploitation des comptes annuels s'élèvent à 250.000 euros (code 9901) et le total du compte 620 s'élève à 90.000 euros. Pour l’exercice 2021, les bénéfices réservés imposables de la période imposable déterminés avant la constitution de la réserve exonérée, s’élèvent à 100.000 euros.
689 Transfert aux réserves immunisées 100.000
à 132 Réserves immunisées 100.000
Pour l’exercice 2022, les bénéfices réservés imposables de la période imposable déterminés avant la constitution de la réserve exonérée, s’élèvent à 180.000 euros, et le total du compte 620 s'élève à 80.000 euros. Le montant maximum de réserve de reconstitution à constituer s’élève donc à 145.000 EUR.23
689 Transfert aux réserves immunisées 145.000
à 132 Réserves immunisées 145.000
Lors de l’exercice comptable 2023, la société distribue un dividende de 60.000 euros à ses actionnaires/associés. La société doit reprendre la réserve de reconstitution à concurrence de ce montant. Le total du compte 620 s'élève toujours à 80.000 euros pour cet exercice. La réserve de reconstitution doit être reprise à concurrence de 60.000 euros.
132 Réserves immunisées 60.000
à 789 Prélèvements sur les réserves immunisées 60.000
Lors de l’exercice comptable 2024, la société distribue un dividende de 200.000 euros à ses actionnaires/associés. La réserve de reconstitution doit être reprise à concurrence de la partie restante des 185.000 euros.24
132 Réserves immunisées 185.000
à 789 Prélèvements sur les réserves immunisées 185.000
1.Le présent avis a été élaboré après la publication pour consultation publique d’un projet d’avis le 8 avril 2021 sur le site de la CNC.
2.MB, 1er décembre 2020. Voir art. 194quater/1, CIR 92.
3.Dans un souci d’exhaustivité, il est important de préciser que certaines sociétés ne peuvent pas constituer de réserve de reconstitution. Il s’agit des sociétés d’investissement, des sociétés coopératives en participation, des sociétés de navigation maritime, des sociétés qui ont effectué, durant la période du 12 mars 2020 jusqu’au jour de l’introduction de la déclaration se rattachant à l’exercice d’imposition dans lequel la réserve de reconstitution est affectée, un rachat d’actions ou de parts propres, une distribution ou attribution de dividendes, ou toute autre diminution ou distribution de capitaux propres, ainsi que des sociétés qui pouvaient être considérées comme entreprises en difficulté au 18 mars 2020 (art. 194quater/1, § 2, CIR 92. La définition des entreprises en difficulté est celle de l’art. 2, § 1er, alinéa 1er, 4°/2, CIR 92).
4.Art. 194quater/1, § 3, alinéa 1er, CIR 92.
5.Tel que visé aux annexes 3 et 6, Compte de résultats, III de l’AR CSA pour ce qui concerne le schéma complet, et aux annexes 4 et 7, Compte de résultats, II de l’AR CSA pour ce qui concerne le schéma abrégé et le microschéma.
6.Art. 194quater/1, § 3, alinéa 2, CIR 92.
7.Voir art. 74, alinéa 2, AR CIR 92. Ces éléments à déduire des réserves imposables peuvent par exemple être des plus-values sur des actions ou parts, des reprises de réductions de valeur sur des actions ou parts anciennement actées en tant que dépenses non admises, l’exonération définitive tax shelter d’œuvres audio-visuelles agréées, l’exonération de primes régionales ou encore des subsides en capital et en intérêts.
8.Cette condition d'intangibilité doit également être respectée par les entreprises qui tiennent une comptabilité simplifiée. Cela doit être consigné dans le livre d'inventaire et les comptes annuels.
9.Un État qui est repris dans une des listes visées à l’art. 307, § 1er/2, CIR 92, ou dans un État qui est repris dans la liste visée à l’art. 179, AR CIR 92.
10.Art. 194quater/1, § 4, 2°, CIR 92.
11.Tel que défini à l’art. 18, CIR 92.
12.Art. 184quater et 541, CIR 92.
13.Y compris les diminutions de capital des réserves “verrouillées” conformément à l’art. 537, CIR 92.
14.Art. 194quater/1, § 5, alinéa 1er à 3, CIR 92.
15.Ne sont toutefois pas compris les montants repris au poste 618 Rémunérations, primes pour assurances extra-légales, pensions de retraite et de survie des administrateurs, gérants, associés actifs et dirigeants d'entreprise, qui ne sont pas attribués en vertu d'un contrat de travail.
16.Art. 194quater/1, § 5, alinéa 1er, 4°, CIR 92.
17.Ainsi que les commissaires non-réviseurs d'entreprises (voir Annexe 1re, Plan comptable minimum normalisé des entreprises soumises à des obligations comptables autres que les associations et les fondations, plan comptable, note en bas de page 25, AR CDE).
18.La définition est celle de « personnel de direction » de l’art. 1, 4° de l’arrêté royal du 25 mai 1999 relatif aux conseils d'entreprise et aux comités pour la prévention et la protection au travail.
19.Avis CNC S100 - Questions et réponses relatives au bilan social.
20.Voir art. 38, § 1er, 11°, CIR 92.
21.Art. 194quater/1, § 5, alinéa 2, CIR 92.
22.Basé sur l’exemple repris dans l’Exposé des motifs, Chambre, DOC 55 1412/001, p. 4 et 5.
23.A savoir la constitution de réserves imposables de 150.000 euros, diminuées de leur reprise à hauteur de 5.000 euros (différence entre 85.000 (85 % de 100.000) et 80.000). Il est à noter que les montants de la réserve de reconstitution déjà taxés entrent également en ligne de compte pour le calcul du plafond maximal de l’exonération (voir Exposé des motifs, Chambre, DOC 55 1412/001, p. 5).
24.L’imposition visée ne va pas au-delà du montant total de la réserve exonérée de reconstitution affecté au bilan. Sont visés les cas dans lesquels le montant imposable de l’attribution ou de la distribution du dividende, du rachat d’actions ou de parts propres, de la réduction du capital, d’autres distributions de capitaux propres, ou du déficit de rémunération est supérieur au montant de la réserve de reconstitution exonérée, ou les cas dans lesquels les dispositions générales pour l’imposition des réductions de capital imposeraient déjà une partie de la réserve exonérée. Dans ce dernier cas, les deux impositions sont appliquées avec, comme maximum, le montant de la réserve exonérée (voir Exposé des motifs, Chambre, DOC 55 1412/001, p. 5).
Source : CNC