La loi du 25 mai 2023 a transposé en droit interne la directive 2019/2121 du 27 novembre 2019 dite « Directive Mobilité », laquelle visait à faciliter les règles procédurales d’opérations transfrontalières de fusions, scissions et transformations.
Cette loi belge de transposition de la Directive Mobilité a donc introduit dans notre arsenal législatif de nouvelles formes intéressantes de réorganisation, dont
Toutefois, cette harmonisation a trait au droit des sociétés et des associations mais ne concerne pas le volet fiscal de telles opérations de réorganisation.
Dès lors, la question de savoir si les formes de réorganisation nouvellement introduites dans notre Code des Sociétés et des Associations (« CSA ») peuvent bénéficier d’un traitement fiscal identique aux formes de réorganisation anciennement prévues peut se poser.
En synthèse, les opérations de réorganisation peuvent être soumises à deux régimes fiscaux très différents, à savoir d’une part, un régime de neutralité fiscale et d’autre part, un régime de taxation.
Afin de bénéficier du régime de neutralité, il faut
En outre, il faut qu’il s’agisse d’une opération de réorganisation au sens du Code des Impôts sur les revenus (« CIR/92 »).
Si ces conditions sont remplies, alors le régime de neutralité est automatiquement applicable et a pour principal avantage la non-imposition, au moment de la restructuration, des plus-values latentes et des réserves non encore taxées des sociétés participantes ainsi que des plus-values réalisées par les associés sur les actions échangées.
En revanche, si ces conditions ne sont pas remplies et que c’est le régime de taxation qui trouve à s’appliquer, l’opération est assimilée à une liquidation, avec les conséquences que cela entraine notamment en termes d’imposition des plus-values latentes et des réserves non taxées.
Là où le bât blesse en ce qui concerne les formes de réorganisations introduites par la Directive Mobilité, c’est que depuis l’avènement du CSA qui consacre la doctrine du siège statutaire, des définitions fiscales autonomes ont vu le jour et sont désormais reprises dans le CIR/92.
En effet, désormais une société considérée comme résidente fiscale de la Belgique peut, en vertu de la doctrine du siège statutaire, être régie par une législation étrangère sur les sociétés.
Par conséquent, le recours à des définitions fiscales autonomes était nécessaire et celles-ci déterminent les formes de réorganisation éligibles à la neutralité fiscale à savoir les fusions, scissions et opérations assimilées.
Or le CIR/92 n’ayant pas été modifié dans le cadre de la transposition de la Directive Mobilité, les définitions fiscales autonomes contenues dans le CIR/92 n’ont pas été adaptées et ne visent donc pas les formes de réorganisations récemment introduites dans le CSA.
Partant, ces nouvelles formes de réorganisation ne semblent, à tout le moins sans modification préalable des définitions fiscales autonomes, pas pouvoir bénéficier du régime de neutralité fiscale et seraient donc, en toute hypothèse, assimilées à une liquidation et taxées comme telle.
Heureusement, le 19 octobre dernier un projet de loi portant des dispositions fiscales diverses (Doc. parl. Chambre, 2023-2024, n° 55-3607/001) a été déposé en vue d’étendre les formes de réorganisations auxquelles la neutralité fiscale peut être appliquée.
En ce sens, l’exposé des motifs du projet de loi indique que l’intention est de remédier à cette lacune en adaptant les définitions relatives aux fusions, scissions et autres opérations de réorganisation dans le CIR/92 « où c’était nécessaire pour refléter pleinement les modifications en droit des sociétés suite à la transposition de la directive [mobilité] également au niveau fiscal »[1].
Le 10 novembre 2023, la Commission des Finances et du Budget de la Chambre a approuvé en première lecture le projet de loi.
La neutralité fiscale décrite ci-avant devrait donc également pouvoir être appliquée aux nouvelles formes de réorganisation[2] insérées dans le CSA à la suite de la transposition de la Directive Mobilité.
Enfin, les définitions fiscales modifiées sont destinées à entrer en vigueur de manière rétroactive. Le projet de loi entend aligner la date de leur entrée en vigueur sur la date d’entrée en vigueur des nouvelles formes de réorganisation dans le CSA, soit le 16 juin 2023.
Par conséquent, les nouvelles formes de réorganisation qui auraient déjà été réalisées depuis cette date devraient, en principe, pouvoir bénéficier du régime de la neutralité fiscale.
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[1] Doc. parl., Chambre, 2023-2024, n° 55-3607/001, p. 34-35.
[2] A la lecture du texte du projet de loi, une certaine discordance entre les définitions du CSA et celles du CIR en projet semble transparaitre. Il pourrait en résulter que certaines formes de réorganisation (potentiellement la fusion simplifiée entre sœurs indirecte) ne pourraient pas bénéficier du régime de neutralité.
image : freepix