Pactes successoraux : les Régions apportent des précisions utiles !

Remise en contexte


La loi du 31 juillet 2017 a modifié, parfois de manière substantielle, le régime ancien des droits de successions et/ou libéralités (donations). Ses dispositions sont entrées en vigueur depuis le 1er septembre 2018.


A titre de rappel, la loi précitée poursuit les objectifs suivants: (i) procurer une plus grande flexibilité et souplesse dans l'organisation de la succession (ce qui suppose une modification du droit des libéralités, en relation avec la liquidation et le partage de la masse successorale), (ii) sécuriser la transmission et la gestion ultérieure des biens donnés, (iii) mieux définir les droits respectifs du conjoint et des enfants dans la succession légale et (iv) assouplir l'interdiction de principe - néanmoins maintenue - relative aux pactes successoraux.


En pratique, la loi renforce la sécurité juridique en faveur du donataire; elle permet également (i) une meilleure gestion patrimoniale des relations entre le conjoint et les 'beaux-enfants' dans les familles recomposées (i.e., l'usufruit successoral de ce conjoint est automatiquement convertible; le nouveau conjoint n'a plus de droits successoraux sur les donations faites antérieurement aux enfants d'une union antérieure) et (ii) un 'équilibrage' des intérêts patrimoniaux, au sein d'une même famille, entre le conjoint survivant et les enfants.


‘Des Pactes successoraux’


L’un des aspects les plus importants de la réforme concerne les ‘pactes successoraux’: si le principe de l’interdiction de tels pactes est maintenu, cette interdiction est néanmoins assouplie.

Pour être légale et valable, la conclusion d’un pacte successoral suppose l’intervention d’un notaire (‘acte notarié’) (cf. article 1100/5, §1er et sv. C.civ.); le pacte successoral doit ensuite être inscrit dans le ‘Registre central des testaments’ (cf. article 1100/6 C.civ.).

Un pacte successoral peut être ‘ponctuel’ (i.e., lorsqu’il n’implique que certaines personnes d’une même famille, par exemple certains enfants, mais pas tous) ou ‘global’ (cf. article 1100/7, §1er et sv. C.civ.); dans cette dernière hypothèse, le pacte « constate l'existence d'un équilibre entre ces héritiers présomptifs eu égard notamment aux donations que le père ou la mère leur a respectivement consenties antérieurement au pacte, en avance d'hoirie ou par préciput, aux donations consenties aux termes du pacte lui-même et, le cas échéant, à la situation de chacun des héritiers présomptifs. (…)».


La conclusion d’un tel pacte successoral renforce et garantit donc la sécurité juridique, puisque le « consentement des parties au pacte emporte renonciation, dans le chef de chacune d'elles, [d’une part] à l'action en réduction et [d’autre part] à la demande de rapport portant sur les libéralités visées par le pacte. » (cf. article 1100/7, §6 C.civ.); de plus, le législateur a expressément prévu que « l'évaluation des avantages et donations compris dans le pacte est définitive. Le partage ainsi consenti ne peut, en outre, être attaqué pour cause de lésion. » (cf. article 1100/7, §9 C.civ.)


S’agissant précisément des libéralités/donations antérieures ainsi mentionnées dans un pacte successoral (notarié), et par hypothèse non enregistrées (comme par exemple une donation manuelle), la question s’est posée de savoir si leur mention dans un tel pacte successoral - notarié (et, dès lors, obligatoirement soumis en principe à la formalité de l’enregistrement) - constituait un titre emportant perception du droit de donation ?


Position des Régions


Les Régions flamande et wallonne ont toutes deux répondu par la négative. En effet, le décret flamand du 06 juillet 2018 (‘portant modernisation de l'impôt de succession et de donation, adapté au nouveau droit successoral’) comporte un article 10 (insérant un article 2.8.3.0.5. dans le Décret du 19 décembre 2014), lequel dispose:


« Un acte établissant un pacte successoral autorisé par la loi, ne fait pas preuve, pour l'application de l'impôt de donation, d'une donation qui est mentionnée dans le pacte et qui n'est pas soumise à la formalité de l'enregistrement, et dont les parties confirment dans ou en bas de l'acte qu'elle a eu lieu avant la date de conclusion de ce pacte.»


Il convient cependant de noter que les parties peuvent déroger à cette règle par le biais d’une « communication explicite dans la déclaration fiscale », selon laquelle elles souhaitent l’enregistrement de la donation (article 10, al.2 du décret flamand précité).

Quant au décret wallon du 18 juillet 2018 (‘portant des dispositions fiscales diverses’), il comporte également un article 10 (lequel insère un article 131sexies dans le Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et greffe), lequel dispose:


« Par dérogation à l'article 131 ou à l'article 131bis, est exempte de droit d'enregistrement, la valeur de la donation entre vifs, de biens meubles, non enregistrée antérieurement, mentionnée dans un pacte successoral soumis aux articles 1100/2 à 1100/6 du Code civil ou dans la convention visée à l'article 843/1 du même Code.»


Il convient de noter qu’à la différence de la législation flamande, laquelle institue l’exemption des droits [d’enregistrement] comme règle (sous réserve d’une stipulation contraire express des parties: cf. article 10, al.2), le décret wallon subordonne quant à lui le bénéfice de cette exemption à la double condition que les parties (i) aient demandé l’application de cette disposition (i.e., article 131sexies nouveau) « dans ou au pied de l’acte, ou dans un écrit y annexé » et (ii) déclarent « que la donation a été consentie antérieurement à la date du pacte successoral ou de la convention visée à l'alinéa 1er» (cf. article 10, al.2).


S’il est vrai qu’un Homme averti en vaut deux, cet adage se vérifie particulièrement en matière fiscale….


Gaëtan ZEYEN

Avocat-fiscaliste au barreau de Bruxelles

Doctorant en fiscalité internationale

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