Le service des décisions anticipées, ci-après le « SDA », a rendu son rapport annuel pour l’année 2022. Ce rapport a été déposé à la Chambre le 8 mai 2023 (Doc. Parl. 55K3350001) et contient, comme chaque année, un condensé de certaines décisions présentant un intérêt particulier, ainsi que des opérations soumises au SDA mais non acceptées par ce dernier.
Y figure notamment la question de la qualification des plus-values sur cryptomonnaies. Dans son rapport, le SDA présente quatre cas lors desquels il a rejeté l’exemption des plus-values réalisées, estimant qu’elles ne ressortent pas de la gestion normale d’un patrimoine privé.
Ces cas donnent de nouveaux éléments aux contribuables concernés par cette problématique, notamment pour l’application des 17 questions posées par le SDA lors d’une demande de ruling en la matière.
Le premier cas concerne un contribuable ayant investi une bonne partie de son patrimoine mobilier dans des cryptomonnaies. Le rapport du SDA résume ainsi les faits qui lui ont été présentés, sans mentionner quelconque autre facteur qui aurait pu être pris en compte dans sa décision de rejet.
Il estime en effet que les plus-values constituent des revenus divers au sens de l’article 90, alinéa 1er, 1° du Code des impôts sur les revenus de 1992.
Il semblerait dès lors que la proportion du patrimoine mobilier investi, étant en l’espèce de plus de 40%, pourrait à elle seule faire tomber ces plus-values dans la catégorie des revenus divers, en tout cas selon le SDA.
En règle générale, le SDA reprend ce critère afin de qualifier les plus-values de revenus divers (voy. notamment les décisions anticipées n° 2022.0332 du 14.06.2022 et n° 2022.0262 du 03.05.2022).
Le deuxième cas concerne un contribuable diplômé en sciences appliquées et ingénieur en électronique, ayant une longue expérience professionnelle dans le domaine informatique. Le contribuable a investi en Bitcoin par vagues successives entre 2013 et 2017, pour une « part raisonnable » de son patrimoine, explique le rapport.
Il a également accompli des opérations de mining.
Il a ensuite fondé, avec deux autres associés, une société ayant pour objet social le développement de terminaux de vente de crypto-monnaies. Les terminaux pouvaient être vendus ou loués. La société a donc acquis un certain nombre de Bitcoins mais a dû être dissoute en 2017. Le contribuable était gérant non statutaire de cette société et, juste avant sa dissolution, elle lui a cédé une partie des Bitcoins à un prix très inférieur au prix du marché de cette période.
Ce dernier souhaite connaître le sort des éventuelles plus-values qu’il pourrait réaliser sur ces Bitcoins lors d’une cession ultérieure.
Le SDA qualifie d’abord d’irrecevable la demande de ruling « en raison de nombreuses opérations similaires de ventes et de conversions intervenues dans le passé », pour ensuite relever le caractère spéculatif de ces opérations – le demandeur étant un professionnel dans le secteur informatique – et décider que les plus-values réalisées ne ressortent pas de la gestion normale d’un patrimoine privé. Le SDA qualifie ces plus-values de revenus professionnels.
Le troisième cas concerne un contribuable qui a investi des montants relativement faibles dans les cryptomonnaies, mais en adoptant une stratégie quotidienne d’achat et de vente, allant jusqu’à plusieurs fois par jour. La fréquence de ces opérations semble être un facteur déterminant dans le raisonnement du SDA, qui qualifie les plus-values éventuelles de revenus divers, sortant selon lui de la gestion normale d’un patrimoine privé.
Par le passé, le SDA avait déjà décidé que l’application d’une stratégie de trading actif/day trading/scalping faisait pencher la balance en faveur de la qualification des plus-values ainsi réalisées en revenus divers (voy. Décision anticipée n° 2021.0945 du 26.10.2021), à l’inverse d’une stratégie « Buy and Hold » (voy. notamment Décision anticipée n° 2022.0052 du 08.03.2022).
Enfin, le quatrième cas concerne un contribuable, étudiant et habitant chez ses parents au moment de ses investissements, qui a cédé fin 2021 ses cryptomonnaies avec plus-values. L’étudiant avait fait le choix d’investir la quasi-totalité de son patrimoine mobilier, ce qui ne constitue pas, selon le SDA, de la gestion normale de patrimoine privé.
Le SDA qualifie ces plus-values de revenus divers.
Si le rapport ne reprend pas tous les éléments de faits entourant les demandes formulées devant le SDA, il permet tout de même d’obtenir un aperçu des éléments concrets qui poussent le service vers une qualification plutôt qu’une autre.
Ces décisions de rejet, qui viennent s’ajouter aux différentes décisions publiées officiellement et à la « liste de questions crypto-monnaies », permettent de déterminer les critères pris en compte par l’administration, dont on peut retenir :
Tandis que les deux premiers critères font pencher la balance en faveur d’une qualification des plus-values en revenus divers (taux de taxation à 33%), le dernier a pour effet de ranger le gain obtenu dans la catégorie des revenus professionnels (tranches d’imposition allant jusqu’à 50%).