Réforme des droits d’auteur : FAQ

Suite à la réforme de janvier 2023[1], le régime fiscal favorable des droits d’auteur est soumis à des conditions plus strictes. Certains auteurs qui en bénéficiaient par le passé en seront probablement exclus. En faites-vous partie ?

Voici 10 questions à se poser.


Q1. Quels sont les avantages fiscaux du régime ? (Rappel)

Pour rappel, les droits d’auteur[2] répondant à certains critères fiscaux (infra) sont des revenus mobiliers taxés à un taux distinct de 15% et ce, jusqu’à un certain plafond (infra).

Le montant (faiblement) imposable de ces revenus peut encore être réduit, via la déduction de frais forfaitaires susceptibles de s’élever à 50% des droits d’auteur.

Dans le chef du débiteur des revenus, ces derniers sont par ailleurs déductibles.

Q2. Toutes les œuvres sont-elles éligibles au régime fiscal ? (Nouveauté)

Le régime fiscal des droits d’auteur vise désormais, de manière limitative : la cession / l’octroi d’une licence sur des œuvres littéraires ou artistiques originales visées au livre XI, titre 5 du Code des droits économiques (« CDE »).

Il s’agit notamment des articles / textes, newsletters, présentations, plans d’architecture, photographies, dessins / schémas, logos, etc.

Q3. Quid des programmes d’ordinateur ?

Les programmes d’ordinateur ne sont pas expressément visés par la nouvelle loi fiscale[3]. Le Ministre des Finances avait dans un premier temps précisé qu’ils seraient exclus du régime fiscal favorable. Il semble s’être rétracté depuis lors[4].

Il nous semble que les programmes d’ordinateur doivent être assimilés à des œuvres « littéraires ou artistiques » et ce, sur base notamment de la jurisprudence européenne. Ils devraient donc continuer à être éligibles au le régime fiscal favorable sous réserve du respect des autres conditions.

Q4. Quid si le cessionnaire n’exploite pas l’œuvre ? (Nouveauté)

La cession (ou licence) de droits d'auteur doit désormais être effectuée sauf exception en vue de l'exploitation ou de l'utilisation effective des œuvres par le cessionnaire.

Cette condition est imprécise et source d’insécurité juridique. Pour illustrer cette problématique, prenons l’exemple d’un photographe, rémunéré par un journal pour prendre des photos destinées à être publiées. Seules certaines d’entre elles seront au final publiées (exploitées). Quid des droits d’auteur lié aux photos non exploitées ? Selon le Ministre des Finances, ces droits devraient pouvoir bénéficier du régime fiscal favorable (alors pourtant qu’il n’y aura pas d’exploitation effective…). Une appréciation au cas par cas sera en toute hypothèse requise.

Q5. Quid si l’œuvre n’est pas communiquée au public ? (Nouveauté)

L’œuvre doit désormais être cédée e.a. en vue d’une communication au public ou d’une reproduction[5].

Le « public » vise « un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important ». Il doit s’agir des « personnes en général », par opposition à des « personnes déterminées appartenant à un groupe privé »[6].

Cette condition restreint sensiblement les œuvres qui seront visées par le nouveau régime fiscal. A nouveau, elle est confuse. Quid par exemple :

  • d’un architecte qui céderait ses droits sur les plans d’un immeuble à sa société, laquelle publierait l’œuvre sur son site internet pour faire sa propre publicité et ainsi attirer de nouveaux clients (communication au public) ?
  • de l’informaticien qui créerait un programme informatique pour une entreprise particulière mais dont le nombre d’utilisateur serait très large (ex : programme interne au SPF Finance) ;
  • du conférencier qui établirait une présentation destinée à une seule conférence à laquelle chacun est libre de s’inscrire ?
  • de l’auteur qui cèderait son droit de reproduction sans communication au public ?
  • Etc.

Lors des travaux préparatoires, le Ministre a donné certaines réponses aux questions ci-dessus. Elles ne nous paraissent toutefois pas toutes claires ni convaincantes sur le plan juridique[7].

Q6. Quid de l’entrée en vigueur de la réforme

La réforme s’applique aux droits d’auteur payés ou attribués à partir du 1er janvier 2023 (en ce compris, donc, pour les droits d’auteur éventuellement promérités pour le passé).

Q7. Quid des contribuables visés par le régime en 2023 (Nouveauté)

Pour rappel, la loi prévoit que les droits d’auteur peuvent être requalifiés en revenus professionnels lorsqu’ils dépassent un plafond annuel 37.500€ (indexé). Rappelons toutefois que la requalification en revenus professionnel ci-dessus n’est pas automatique et que l’administration fiscale doit démontrer que le contribuable a affecté l’œuvre à son activité professionnelle.

Pour les droits d’auteur versés en 2023, deux limites supplémentaires sont instaurées par rapport à l’«ancien régime »:

  • · Ratio droits d’auteur/rémunération : si la création de l’œuvre est accompagnée de prestations de services, les droits d’auteur ne pourront excéder 50% de l’enveloppe totale de la rémunération d’un contribuable[8].

Exemple : l’informaticien qui crée un logiciel destiné à être commercialisé pour le compte de son employeur, qui le rémunère à la fois pour ses prestations et pour l’acquisition de ses droits d’auteur.

NB : le plafond de 50% passera à 40% en 2024 (EI 2025) puis à 30% en 2025 (EI 2026).

  • · Plafond maximum sur 4 ans : le régime fiscal favorable est désormais soumis à la condition que le revenu brut moyen annuel des droits d’auteur sur les 4 dernières années n’excède pas le plafond maximal de 37.500€ indexé.

Q8. Quid des contribuables exclus du régime pour 2023 ? (Nouveauté)

Un régime transitoire d’un an est prévu pour les auteurs qui ont bénéficié du régime fiscal favorable en 2022, mais qui en seraient désormais privés suite à la réforme.

Ceux-ci pourront continuer à bénéficier du régime favorable pour leurs droits d’auteurs payés en 2023 (le régime fiscal favorable prendra ensuite fin pour eux).

Toutefois, le plafond de 37.500€ (indexé) ainsi que le forfait de frais (indexé) seront diminués de moitié.

Q9. Quid de la validité des ruling obtenus par le passé ?

Une modification législative peut être une cause de caducité d’un ruling. Il convient ainsi de s’assurer que les ruling obtenus sous l’ancien régime sont toujours applicables compte tenu de la réforme.

Une demande de confirmation (avenant) peut être introduite auprès du Service des décisions anticipées. Notons que ce dernier a toutefois décider de suspendre ses décisions en la matière vu l’incertitude existante… Une communication officielle du SDA pourrait intervenir prochainement à cet égard.

Q10. Comment se positionner ?

La réforme du régime des droits d’auteur est contestable à plusieurs égards et il n’est pas exclu qu’elle soit annulée par la Cour constitutionnelle (discrimination, non-justifiée par les objectifs de la loi, entre des catégories d’auteurs, etc.).

En l’état, la loi est néanmoins applicable et il est ainsi prudent de réaliser dès maintenant un audit des mécanismes mis en place. Celui-ci permettra de s’assurer que les conditions d’application du régime fiscale favorable sont toujours remplies ou, le cas échéant, si des aménagements sont éventuellement envisageables pour rencontrer ces conditions.

Dans le cas contraire, l’audit invitera le contribuable à revendiquer le régime transitoire pour 2023 et à se diriger vers d’autres mécanismes d’optimisation fiscale adaptés à sa situation et ses objectifs.


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[1] Loi du 26 décembre 2022 (DOC 55 3015/014).

[2] Précision terminologique : par soucis de simplification, nous visons par « droits d’auteur » les redevances issues de la cession (ou octroi d’une licence) de droits d’auteur.

[3] Ils sont traités au livre XI, titre 6 du CDE, et donc non expressément visés par l’article 17 du CIR.

[4] « aucune profession n’est a priori exclue ».

[5] Cette condition ne s’applique pas notamment si l’auteur est titulaire d’une attestation d’artiste ou si les droits d’auteur sont perçus via un organisme de gestion agréé (ex : la SACD).

[6] CJUE, Arrêt Reha Training (C-117/15).

[7] Exemple : la référence à l’arrêt Reha Training concernant la publication d’une œuvre architecturale sur un site internet ne nous parait pas pertinente sur le plan juridique.

[8] Il s’agit ici d’un plafond maximum (et non d’un droit acquis à obtenir des droits d’auteur à concurrence de 50% de sa rémunération).

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