Responsabilité civile de l’État belge: un arrêt de la Cour d’appel de Mons ouvre une brèche inédite
Temps de lecture: 3 min | 22 juin 2025 à 04:10
Denis-Emmanuel Philippe
Avocat - Associé @ Bloom Law
Quand un contribuable parvient à mettre en cause la responsabilité civile de l’État belge…
Un arrêt récent de la Cour d’appel de Mons vient bousculer les lignes en matière de responsabilité de l’État du fait d’une faute législative. L’affaire, largement analysée par Philippe Galloy dans L’Echo, met en lumière la possibilité pour un contribuable d’obtenir réparation lorsqu’une disposition légale, inconstitutionnelle, lui a causé un préjudice, même si la Cour constitutionnelle en a maintenu les effets pour le passé.
1. Un arrêt important : Cour d’appel de Mons, 22 septembre 2023
Ce n’est pas la première fois qu’un juge reconnaît que l’État peut engager sa responsabilité pour une faute du législateur, en l’occurrence l’adoption d’une norme fiscale contraire à la Constitution, par la suite annulée par la Cour constitutionnelle.
Mais la Cour d’appel de Mons va plus loin que la jurisprudence antérieure, notamment un arrêt de la Cour d’appel d’Anvers du 23 septembre 2019, en jugeant que le fait que la Cour constitutionnelle ait maintenu les effets de la norme annulée ne dispense pas l’État de sa responsabilité.
Le maintien des effets ne peut effacer l’inconstitutionnalité commise : la faute du législateur subsiste, et avec elle, la possibilité d’engager la responsabilité civile de l’État.
Comme le révèle L’Echo, l’État a introduit un pourvoi en cassation contre cet arrêt, ce qui laisse présager un débat de principe à venir devant la Cour de cassation.
2. Un signal d’alerte pour le législateur
Cette décision pourrait avoir un effet dissuasif important, en incitant le législateur à être plus attentif aux avis rendus par le Conseil d’État, en particulier lorsqu’ils soulignent une inconstitutionnalité potentielle.
Elle met également en lumière les tensions entre nécessité budgétaire et respect des principes constitutionnels, notamment l’égalité devant l’impôt et la légalité fiscale.
3. Une portée à relativiser
Il serait toutefois imprudent de croire que cette voie de recours est désormais systématiquement ouverte aux contribuables lésés.
L’arrêt de la Cour d’appel de Mons ne fait pas l’unanimité, ni en jurisprudence, ni en doctrine. Il est sévèrement critiqué par plusieurs auteurs, et pourrait ne pas être suivi par d’autres juridictions.
L’issue du pourvoi en cassation sera déterminante pour mesurer la portée réelle de cette évolution.
Conclusion
Le contribuable obtient ici gain de cause contre l’État pour une faute législative reconnue, mais le débat reste ouvert quant à la portée générale de cette jurisprudence.
Si la Cour de cassation confirme l’approche montoise, cela marquera une évolution majeure du droit de la responsabilité de l’État, susceptible d’encadrer plus strictement l’action du législateur fiscal.
Une affaire à suivre de près… pour le contribuable, pour l’administration et pour le législateur lui-même.
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