Nombre de consœurs et confrères se sont déjà brillamment insurgé contre les propos diffamants et blessants de Mr Magnette à l'égard de la profession de conseil fiscal.
Mon propos est de rappeler simplement quelques évidences qui viennent briser une montagne de démagogie outrancière.
Depuis toujours, les professionnels du chiffre doivent concilier leur rôle citoyen de gardien de la correcte application des lois fiscales (ce que d’ailleurs leur impose leur déontologie professionnelle) et leur mission d’assistance de leurs clients en vue de leur éviter des charges fiscales inutiles.
Il faut dénoncer ce mouvement de pensée, parfois véhiculé par des élus mal informés et notamment par le Président du PS qui aurait été mieux inspiré hier de se taire , favorisant l’assimilation tacite du professionnel du chiffre à un « facilitateur » de la fraude. Même si elle a fait du chemin dans certains milieux politiques, nous opposons le plus ferme démenti à l’affirmation selon laquelle la fraude fiscale ne serait pas possible sans le concours de spécialistes à l’origine de conseils sur mesure, enfermant dans un même et rapide amalgame la recherche de la voie la moins imposée et la fraude fiscale. Un tel postulat est inadmissible.
Dans le cadre de leurs activités professionnelles, les experts-comptables et conseils fiscaux sont un corps de spécialistes soumis à une déontologie stricte, contrôlée. L’un de leurs premiers devoirs est de guider leurs clients à travers les méandres d’une fiscalité chaque jour plus complexe.
Cette mission mérite avant tout respect et non méfiance. La réalité des faits nous apprend également que les montages fiscaux agressifs et hasardeux, régulièrement cloués au pilori, sont, en pratique, le fait et l’apanage de conseillers qui ne sont pas agréés.
Une mission essentielle de notre profession est celle qui consiste à expliquer le plus clairement possible les lois fiscales. Ce travail pédagogique que j'essaie de faire modestement depuis plus de 25 ans, et comme le font avec talent tant d'autres fiscalistes, se traduit par la publication d'ouvrages et la dispense de séminaires dont le seul but est d'essayer de rendre intelligible ce qui l'est de moins en moins.
Car en effet, rédiger le droit est un art et nos élus ne sont plus des artistes….Piqués d’une folle vitesse, pris dans le tourbillon des contraintes budgétaires, les auteurs de lois ont oublié d’apprendre à penser avant d’écrire.
Ainsi en est-il du droit fiscal où l'on se noie aujourd’hui dans un océan de textes législatifs et administratifs dont on ne perçoit plus ni le sens ni la finalité. On se désespère à trouver une direction, une vision. Les mesures fiscales récentes en matière d’impôt des personnes physiques illustrent à merveille que le temps de la recherche d’une cohérence minimale et d’une réflexion à moyen terme (nous n’osons même plus parler de long terme..) semble bien révolu. Une loi-programme vient corriger en urgence une précédente loi-programme dont l’encre est parfois à peine séchée, on découvre que des taxations nouvelles se révèlent, après-coup, contre-productives , de véritables « usines à gaz » sont construites puis détruites, des circulaires administratives se contredisent, certains efforts précipités de l’administration et le législateur pour « éclairer » le contribuable le plongent en définitive dans le plus grand désarroi, des mesures nouvelles heurtent le simple bon sens ou la réalité économique, l’impact d’une mesure n’est plus envisagé de manière objective, diverses techniques de colmatage sont adoptées dans l’urgence et abîment nos principes de droit fiscal pourtant élaborés et consolidés au fil des décennies.
Le tableau est certes sombre mais l’inflation normative et administrative de ces dernières années force ce constat. Combien de « lois (fiscales) inutiles affaiblissent des lois nécessaires. » L’ombre tutélaire de Montesquieu ne plane plus sur ceux qui nous gouvernent et nous dictent leur loi.
Dans ce contexte où la loi fiscale devient si peu compréhensible, où l'on subit chaque année une véritable "incontinence" normative, le conseiller fiscal est plus que jamais la personne vers qui se tourner lorsqu'il s'agit d'expliquer, d'appliquer et d’interpréter des textes produits à la hâte.
Il est le phare dans la tempête et non ce navire qui mène des citoyens véreux vers les rives des paradis fiscaux, comme cette lamentable caricature donnée hier par Mr Magnette le laisse à penser.
Il est celui qui permet à des milliers de contribuable de sortir du maquis de règles souvent contradictoires et imprécises et non celui qui les accueille sur des îles Vierges d’impôts.
Cher monsieur Magnette, ne serait-il pas temps modifier le regard porté sur notre métier et de cesser ces attaques indignes d'un président de parti qui se veut solidaire ?
Ne serait pas temps de faire "un mea culpa " ?
Pierre-François Coppens
Conseil fiscal ITAA
Fondateur de l'ADFPC www.adfpc.be
Source : Linkedin