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Entrée interdite: quand le fisc entre… par la mauvaise porte

Dans le silence d’un matin de septembre, l’Etat a voulu entrer. Non par la grande porte, mais par le côté. L’entrée principale était close ; une porte latérale, restée ouverte, s’ouvrait sur l’entrepôt. Par là, l’administration s’est introduite dans les lieux. Elle y a trouvé un employé, elle a copié des données. Elle a dressé procès-verbal, imposé, majoré.

Mais un principe tenace lui a résisté : nul ne pénètre dans les lieux d’autrui si la loi ne l’y autorise. Et la loi, ici, n’avait rien prévu.

Les faits et la portée de l'arrêt

L’arrêt rendu le 4 février 2025 par la cour d’appel de Gand (n° 2023/AR/1348) rappelle une exigence fondamentale : l’accès aux locaux professionnels par l’administration fiscale suppose une autorisation préalable du contribuable. A défaut, l’ensemble des actes subséquents se trouve frappé d’irrégularité.

La cour s’inscrit dans une logique claire : l’article 319 du CIR 92 instaure une obligation de collaboration à charge du contribuable, mais il ne fonde aucun pouvoir d’accès forcé en l’absence de consentement ou de base légale explicite. Ce texte organise une visite, non une perquisition.

La cour constate que l'administration est entrée dans un entrepôt par une porte secondaire restée ouverte, sans sonner, ni solliciter l’accord de la direction. Aucune autorisation n'a été donnée avant l'accès aux bureaux, et la personne présente n'était ni mandatée, ni considérée comme apte à représenter valablement la société.

L’encadrement de la preuve irrégulière

La cour refuse ici d’appliquer la jurisprudence Antigone en matière fiscale, laquelle admet, dans certaines conditions, l’utilisation de preuves obtenues de manière irrégulière. Ce refus n’est pas absolu, mais il s’explique par l’incompatibilité manifeste de la manière dont la preuve a été recueillie avec les exigences minimales de bonne administration et de procès équitable.

En outre, la cour rappelle également dans son arrêt que l’article 315bis du CIR 92 n’autorise la copie de données informatiques que sur équipement du contribuable et en sa présence. Ce formalisme n’est pas accessoire mais il est le garant d’un équilibre nécessaire.

Le contribuable, sujet de droit

La décision rappelle que le contribuable, même suspecté, demeure titulaire de droits fondamentaux. L’exercice de la puissance publique, y compris à des fins fiscales, ne saurait s’affranchir du respect des formes prévues par la loi.

Cette affirmation prend une résonance particulière alors que l’on observe une propension croissante de l’administration à privilégier l’efficacité sur la légalité.

La cour oppose à cette tendance une exigence simple : l’Etat, comme tout justiciable, est tenu à la loi.

Un retour à une logique de légalité stricte ?

Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence naissante qui marque un infléchissement.

Après des années d’application plutôt conciliante de la jurisprudence Antigone en matière fiscale, les juges du fond semblent de plus en plus enclins à écarter les preuves entachées d’irrégularités substantielles.

En refusant de valider une visite effectuée sans autorisation préalable, et en écartant l’ensemble des preuves qui en sont issues, la cour d’appel de Gand réaffirme que la lutte contre la fraude fiscale ne peut justifier toutes les entorses aux garanties procédurales.

Moralité : le fisc doit frapper à la bonne porte…et attendre qu’on lui ouvre.

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