Litige fiscal et amende fiscale – l’article 445 CIR 1992 prévoyant l’amende de 6.250 EUR pour absence de déclaration d’une construction juridique à l’étranger viole le principe d’égalité en ce qu’il ne permet pas au juge civil d’assortir d’un sursis l’amende qu’il prévoit.
Si un contribuable est poursuivi au pénal dans un dossier fiscal, il pourra demander au juge pénal à bénéficier d’un sursis. Concrètement, il ne devra pas payer l’amende pénale ou exécuter la peine de prison pour autant qu’il ne récidive pas pendant un certain délai.
Le contribuable qui, pour exactement les mêmes faits, fait seulement l’objet d’un redressement de la part de l’administration fiscale se verra appliquer une amende administrative à caractère pénal sans pouvoir bénéficier d’un tel sursis. La loi fiscale ne le prévoit pas. Il peut s’agir d’un accroissement d’impôt allant de 10 à 200% ou d’une amende non-proportionnelle allant de 50 à 1.250 EUR.
Depuis 2014, la Cour constitutionnelle a dit pour droit qu’il s’agissait d’une violation du principe d’égalité. En effet, celui qui ne fait l’objet que d’un redressement de l’administration fiscale est dans une situation moins favorable puisqu’il ne peut bénéficier d’un sursis sur les amendes fiscales dont le montant peut parfois être très élevé et impacter la vie du contribuable pendant de nombreuses années, l’obligeant parfois à demander un règlement collectif de dettes ou la faillite.
La Cour constitutionnelle vient de rappeler cette inconstitutionnalité dans un arrêt du 14 octobre concernant cette fois-ci l’amende 6.250 EUR de l’article 445 CIR 1992 pour absence de déclaration d'une construction juridique à l'étranger. Compte tenu du montant élevé de cette amende, son caractère pénal en fait aucun doute.
8 ans plus tard, la législation n’a absolument pas changé. Le législateur laisse donc subsister un système fisco-pénal contraire à la Constitution. Pour s’en sortir, il est demandé au juge de « bricoler » sur base de l’article 6 CEDH.
Avec les pandora papers, on peut raisonnablement anticiper que l’amende de 6.250 EUR sera massivement établie dans le chef de bénéficiaire effectif de structure offshore. A défaut de modification législative, les concernés devront porter leur affaire devant un tribunal afin de solliciter un sursis ou une réduction de l’amende sur base de l’article 6 CEDH. L’administration considère en effet qu’elle ne peut qu’appliquer la loi « à la lettre » en vertu du principe de légalité.
En revanche, les modifications législatives visant à prévoir de nouvelles sanctions administratives ont été plus rapides : accroissement en cas de déclaration tardive (modifications législatives à deux reprises), impossibilité d’utiliser les pertes si un accroissement de 10% est appliqué, sanction de 6.250 EUR pour absence de déclaration d’une construction juridique, amende fiscale pour absence de déclaration de la valeur de marché d’un immeuble situé à l’étranger, etc.
A quand l’adoption d’un code de droit pénal fiscal instaurant un cadre juridique cohérent et respectant les grands principes du droit pénal lorsqu’il s’agit de sanctionner un contribuable ?
Arrêt Cour constitutionnelle du 14 octobre 2021 : https://www.const-court.be/public/f/2021/2021-143f.pdf
Baptistin Alaime
Senior Associate – Tuerlinckx Tax Lawyers