
Le code des impôts sur les revenus prévoit classiquement trois types de sanctions administratives :
> Les accroissements d’impôt, à savoir une amende proportionnelle au montant d’impôt éludé (art. 444, CIR92), dont le taux est fixé sur la base d’une échelle allant de 10% à 200% (arts 225 et s. de l’AR/CIR92) ;
> Les amendes fixes (art. 445, CIR92) ;
> La perte du droit de représenter le contribuable, à savoir une sanction appliquée à certains mandataires fraudeurs (arts. 446 à 448, CIR92).
Dans le cadre de l’accord gouvernemental déposé à la chambre le 4 février 2025, l’Arizona entendait instaurer un « droit à l’erreur lorsque le contribuable est de bonne foi », à l’image du « droit à l’erreur » qui prévaut en France depuis 2018. Aucune précision n’était toutefois apportée quant au cadre dans lequel ce « droit à l’erreur » serait implémenté.
Le projet de loi-programme apporte à cet égard un certain nombre d’éclaircissements en matière d’accroissements d’impôt sur les revenus (uniquement).
L’actuel article 444 du CIR92 prévoit qu’en cas d'absence de déclaration, de remise tardive de celle-ci ou en cas de déclaration incomplète ou inexacte pour des montants qui excèdent 2.500,00 EUR, l’impôt dû est majoré d'un accroissement d'impôt fixé d'après la nature et la gravité de l'infraction, selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi et allant de 10 % à 200 % de l’impôt dû sur la portion des revenus non déclarés ou déclarés tardivement. Il est entendu qu’en cas d’absence de nouvelle infraction dans un délai de 4 ans, les compteurs sont remis à 0 pour le calcul de l’échelle d’accroissements.
Peu importe l’erreur, dès que le montant non déclaré excède 2.500,00 EUR, cet accroissement est appliqué. Le texte actuel prévoit toutefois, en son alinéa 3, qu’ « en l'absence de mauvaise foi, il peut être renoncé au minimum de 10 % d'accroissement ». En pratique, les conséquences économiques d’une simple erreur peuvent rapidement devenir catastrophiques. Ceci d’autant que le renoncement à l’accroissement de 10% n’est qu’une possibilité (et n’est donc pas de droit) laissée à l’appréciation du fonctionnaire en charge du contrôle.
La loi-programme ne s’attaque qu’à la problématique des accroissements d’impôt en matière d’impôt sur les revenus, il n’est donc pas question d’un droit à l’erreur général en matière fiscale.
Une fois la loi-programme en vigueur, l’alinéa 3 précité sera rédigé comme suit : « Il est renoncé à l’accroissement d’impôt pour la première infraction commise de bonne foi. La bonne foi est, jusqu’à preuve du contraire, présumée exister dans le chef du contribuable qui a commis une première infraction, sauf en cas d’application de l’article 351».
Cette réécriture signifie en substance que :
A ce stade, la question subsiste de savoir ce qu’il convient d’entendre par « bonne foi ».
Les travaux parlementaires assimilent cette notion à celle contenue à l’article 1.9 du code civil, lequel dispose :
« La bonne fois est présumée.
Une personne est de mauvaise foi, lorsqu'elle connaît les faits ou l'acte juridique auxquels doit se rapporter sa bonne foi ou lorsqu'elle aurait dû les connaître, eu égard aux circonstances concrètes.».
En l’absence de définition précise, il reviendra aux Cours et tribunaux d’établir ce qu’il y a lieu d’entendre par « bonne foi ». En toute hypothèse, l’auteur des travaux parlementaires donne également quelques indices :
En pratique, ce renversement de la charge de la preuve au profit du contribuable est bienvenu, et devrait permettre de rétablir dans de nombreux cas une certaine tolérance face à la complexité des règles fiscales en Belgique. A l’impôt des sociétés en particulier, cette modification impactera favorablement la base imposable des sociétés qui font l’objet d’une procédure de rectification ou d’imposition d’office. En effet, depuis l’exercice d’imposition 2019, lorsqu’un accroissement d’au moins 10% est appliqué, la société se voit interdire l’application d’une série de déductions, dont ses pertes antérieures, augmentant ainsi sa base imposable (art. 206/3, §1er, CIR92). Si cette mesure fait actuellement l’objet de différents recours (introduit avec succès jusqu’à présent) devant la Cour constitutionnelle (Voy. notamment les arrêts n° 129/2024 du 21 novembre 2024 et n° 91/2025 du 19 juin 2025), il échet de constater que la modification de la base légale permettant d’infliger de tels accroissements résout déjà pour partie la problématique en cas de première infraction.
On regrettera toutefois que ce « droit à l’erreur » ne soit, à ce stade, pas prévu en matière d’amende fixe (notamment les amendes de 6.500,00 EUR pour absence de déclaration d’une construction juridique) ou d’amendes TVA. La jurisprudence est toutefois fort utile en la matière vu les nombreuses décisions rendues de manière favorable tenant compte (i) tant de la complexité de la taxe caïman que (ii) de l’impact effectif d’une telle erreur.

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